This is fine
K.C. Green (→ Know your meme)

— In an environment that is screwed up visually, physically, and chemically, the best and simplest thing that architects, industrial designers, planners, etc., could do for humanity would be to stop working entirely. In all pollution, designers are implicated at least partially. 1

Ainsi parlait Victor Papanek en 1971 en préface de son ouvrage Design for the real world, Human Ecology and Social Change. Il est peu risqué de supposer que ces propos et les idées qui les ont commandés étaient encore antérieurs. Celui qui fut distingué à la fin de sa vie par la Fondation IKEA aurait été bien inspiré de s’en tenir là. Hélas, il ajoutait ensuite :

— But in this book I take a more affirmative view: It seems to me that we can go beyond not working at all, and work positively. Design can and must become a way in which young people can participate in changing society2.

Et voilà magnifiquement résumée l’intemporelle et apparemment indépassable contradiction du design, celle qui fait de lui une discipline simultanément consciente d’être une part du problème sans pouvoir se résoudre à ne pas être une part de la solution.

Ce texte est l’introduction de l’article Design éthique — mort du design publié en 2018 par Design non éthique à la veille de la première conférence Ethics by design organisée à Nantes :

Ethics by design est le principal événement francophone dédiée à la conception numérique responsable et durable. Son objectif est de rassembler une communauté d'acteurs variés, participants chacun à leur manière à l'élaboration et la recherche d'un numérique éthique.


Ces trois citations, ces trois points de vue et d’expression (ainsi que les ouvrages, articles ou conférences qui les développent), permettent de signaler la complexité de la pensée critique du design contemporain dans les relations qu’il entretient avec l’éthique, avec les enjeux de la « responsabilité » politique, sociale, environnementale… des designers.

Les trublion⋅nes de Design non éthique démarrent en citant Victor Papanek, et son ouvrage phare de 1971, Design for a real world3. L’introduction de l’article signale « l’intemporelle et apparemment indépassable contradiction du design, celle qui fait de lui une discipline simultanément consciente d’être une part du problème sans pouvoir se résoudre à ne pas être une part de la solution ».

Cette émergence de Design non éthique, de 2018 à 2022, et sa critique virulente d’Ethics by design avait permis d’animer une riche discussion dans un cours de Cultures numériques qui avait donné lieu à une réponse publique de DNÉ.


Les questionnements violents qui ne manquent sans doute pas d’agiter les étudiant⋅es d’écoles d’art (on l’espère ; sans quoi l’anesthésie dont iels souffriraient serait terrible – Netflix, Instagram, TikTok auraient gagné ? On ne le pense pas…) traversent évidemment le champ du design, embarqué qu’il est au cœur de ces questions économiques, politiques, sociales, environnementales…

Dans l’espace du numérique, ces questionnements sont exacerbés : la vague de l’« intelligence artificielle », la société de surveillance et la technopolice, l’impact écologique, la désinformation, la fuite en avant du technosolutionnisme, la puissance politique des big tech, l’inéluctabilité préssentie de la numérisation du monde…

La proposition de travail du semestre cherche à travailler ces enjeux, à la fois pour les regarder avec clairvoyance (this is NOT fine), mais aussi pour permettre peut-être de découvrir quelques pistes de réflexion et d’action à même de donner un peu d’espoir et de perspectives positives, fussent-elles humbles et minimales (some things might be fine).

Publication collective

Nous travaillerons ce semestre à l’élaboration d’une publication (un reader, une curation, une compilation), conçue et produite à la fois de manière collective et individuelle.

Un premier ensemble de textes et d’images est à télécharger. Ce premier corpus nous donnera du grain à moudre pour les premières séances mais devra être augmenté.

télécharger

accéder au pad

Il contient des textes bruts, plus ou moins (plutôt moins) libres de droits, en français ou en anglais. Textes contemporains ou historiques, traitant du design, des technologies, de l’environnement ou de la société. Il contient des images de multiples provenances, sous licences libres, ou déjà soumises à une vaste circulation. Contemporaines ou historiques, issues des tréfonds du web ou reproduites en des millions d’occurences. Tout est volontairement réuni sans grande cohérence éditoriale.

Éditorialisation

Un premier enjeu de This is fine est de vous proposer d’augmenter et d’organiser ces contenus de manière à leur donner une cohérence. De faire des choix dans les textes ou dans l’iconographie, mais aussi de proposer au collectif d’augmenter le corpus par des propositions que vous serez invité⋅es à faire au groupe dans la première demi-heure de chaque session.

Production

Nous aurons à mettre en page ces textes et ces images, à déterminer les circulations, les confrontations ou même les hybridations entre ces contenus et à fabriquer une publication – entendue commme dispositif qui rend public et s’adresse à un public.

Deux objectifs finaux pourront être visés :

Progressivité

La succession de séances sera largement basée sur le canevas dessiné par le projet Textedit, nous permettant de découvir :

Évaluation

L’évaluation du travail se base sur l’implication individuelle et au sein du collectif, l’assiduité, la publication et la documentation des projets ainsi que sur l’appropriation personnelle des outils techniques, graphiques et conceptuels abordés. La qualité et la maîtrise de la production graphique seront des enjeux forts.

Calendrier

Date Programme
jeudi 26/09 Lancement du projet
vendredi 04/09 Typographie à l’écran
jeudi 10/10 Typographie à l’écran
vendredi 18/10 RWD, du mobile à l’écran
vendredi 01/11 RWD, du mobile à l’écran
jeudi 07/11 Suivi & travail individuel/collectif
vendredi 15/11 Suivi & travail individuel/collectif
jeudi 21/11 RWD, de l’écran au papier
vendredi 29/11 RWD, de l’écran au papier
jeudi 5/12 Suivi & travail individuel/collectif
vendredi 13/12 Suivi & travail individuel/collectif
jeudi 19/12 Suivi & travail individuel/collectif
20/12 → 05/01 Publication en ligne

  1. Dans un environnement visuellement, physiquement et chimiquement saccagé, le mieux que puissent faire les architectes, designers industriels, planificateurs etc. qui souhaitent aider l’humanité serait d’arrêter de travailler totalement. Dans toute pollution, ils sont au moins partiellement responsables. 

  2. Mais dans ce livre, je développerai plus encore : mieux qu’abandonner totalement le travail, il me semble que nous pouvons travailler de façon constructive. Le design peut et doit devenir une façon dont les jeunes gens participent à changer la société. 

  3. Design pour un monde réel: économie humaine et changement social, édité en français par les Presses du réel