Introduction

Les mouvements grévistes et d’activisme socio-politique ont évolué au fil du temps pour investir les sphères numériques, utilisant l’espace virtuel comme une plateforme d’expression et de mobilisation. Parmi ces mouvements, les grèves féministes ont gagné en visibilité et en importance, réclamant l’égalité des genres et amplifiant les voix des personnes marginalisées, notamment dans le contexte des revendications trans féministes. Dans cette ère de manifestation virtuelle, les web designers jouent un rôle important en utilisant leurs compétences pour transformer leurs sites internet et plateformes de design en espaces d’expression et de soutien à ces mouvements. Ce mémoire se penche sur la manière dont les web designers ont utilisé des plateformes en ligne lors de la grève du cloud1 trans féministe du 8 mars 2023; cette grève met en avant le trans-feminisme qui est un courant féministe acceptant la diversité des identités de genre et mettant en avant  le cloud qui désigne un endroit où sont stockées des ressources informatiques auxquelles on peut accéder à distance via un réseau de communication. Ce mémoire tend à montrer la transversalité de ses combats, en explorant ces dynamiques, cette recherche vise à mettre en lumière l’impact des actions des web designers sur le mouvements du cloud trans-féministes et la manière dont cette grève est abordé et à discuter des implications éthiques, politiques et sociales de cette forme d’engagement numérique.

1. Les actions des web designers pendant les grèves féministes

Modification des sites internet en soutien a cette grève.

L’engagement des web designers au cours des grèves féministes s’est manifesté à travers une série d’adaptations significatives sur les sites web, visant à exprimer leur solidarité avec les revendications trans féministes. Ces actions ont souvent pris la forme de changements visuels marquants, incluant des mises en page spécifiques, des couleurs symboliques ou des messages intégrés dans le design des sites. Ces modifications ont servi de plateforme pour véhiculer les valeurs et les revendications des mouvements féministes, offrant ainsi un soutien visuel et immédiat aux causes promues. Par exemple sur le site « ateliers.esad‑pyrenees.fr » son créateur Julien Bidoret a choisi d’utilisé sa plateforme pour soutenir cette grève, dès que l’on arrive sur le site une page avec le texte suivant s’affiche: « Le 8 mars 2023, nous appelons à une journée d’action contre le Cloud.Ce jour- là, nous essaierons de nous abstenir d’utiliser, de nourrir ou d’entretenir le « Big Tech Cloud »… » Malgré ce message l’accès au site est possible mais cela oblige l’utilisateur à s’informer sur la grève. D’autre part, cette forme de grève numérique a également pris des dimensions fonctionnelles, les web designers choisissant de modifier l’accessibilité ou les fonctionnalités de leurs sites pour attirer l’attention sur les enjeux trans féministes et la grève du cloud. Cela peut se traduire par des interruptions temporaires de service, des redirections vers des contenus informatifs, ou encore la limitation d’accès à certaines zones du site en signe de protestation comme nous l’avons vu au dessus. De nombreux sites on choisi les message informatif pour ne pas bloquer l’accès à leurs sites, on retrouve cela sur le site « Constant » affiche de l’association Constant, pour le vernissage de leur installation. qui est une association sans but lucratif basée à Bruxelles depuis 1997 et active dans les domaines de l’art, des médias et de la technologie; cette association à montré son engagement à travers son site web en complément de leurs engagement physique afin que leurs actes dans la vraie vie aient plus de porté, le site leur a aussi permis de promouvoir une installation réalisée par leurs élèves et inspirée de cette grève.

Communication et mobilisation via les plateformes de design en ligne

Outre les adaptations directes sur les sites web, les web designers ont également utilisé les réseaux sociaux, les blogs et d’autres plateformes de design en ligne pour diffuser et amplifier les messages de soutien aux mouvements féministes afin de créer une présence virtuelle forte. Ces canaux de communication ont été exploités pour sensibiliser le public, partager des ressources éducatives, et encourager la participation active et l’engagement en faveur des revendications trans féministes. En outre, certains ont intégré des campagnes spécifiques sur les plateformes de design, offrant ainsi des espaces dédiés à l’expression et au soutien des causes féministes. Comme le site espagnol « hangar.org » affiche atelier d’auto-défense féministe numérique proposé par le collectif hangar.qui, après la grève a proposé des "ateliers d’auto-défense féministe numérique » afin de lutter contre les menace, insulte et harcèlement que subissent les femmes sur diverses plateformes numériques. Certains designers ont également mis en place des campagnes spécifiques sur les plateformes de design en ligne, créant ainsi des espaces dédiés où la communauté pouvait s’exprimer et montrer son soutien. Ces campagnes ont souvent inclus des appels à l’action, invitant les utilisateurs à partager leurs propres créations ou à participer à des discussions en ligne sur les enjeux soulevés par la grève du cloud. De plus pour que le rayon de diffusion de ces informations et de cette grève s’étende et puisse toucher le plus de monde possible, les web designers utilisent des liens entre les sites afin de créé une toile interconnectée, facilitant la navigation des utilisateurs d’un site à l’autre et encourageant la découverte de nouvelles perspectives. Cela a favorisé la création d’une communauté en ligne dynamique et engagée, démontrant la solidarité au-delà des frontières physiques. Un autre point qui facilite la diffusion de cette grève est le fait qu’elle soit à l’échelle européenne, les personnes à l’origine de la grève sont dispersés dans plusieurs pays européens (Espagne, Allemagne, pays-bas…) et la majorité des sites faisant parties et relayants les infos sont lisibles en plusieurs langues comme le site https://club1.fr/8m, appel à la grêve du site club1, disponible en 10 langues. qui propose la lecture du site en 10 langues.
Ce qui souligne l’engagement concret des web designers pendant les grèves féministes, à la fois à travers les modifications directes sur les sites internet et l’utilisation des plateformes en ligne comme vecteurs de communication et de mobilisation pour soutenir les revendications trans féministes. Ces actions vont au- delà de simples modifications visuelles et démontrent une approche holistique visant à sensibiliser, mobiliser et diffuser des messages en faveur des revendications trans féministes.

2. Réponses Éthiques et Enjeux de Responsabilité Sociale dans l’Industrie du Design Web

Répercussions sur les web designers, leurs sites et les clients.

Certaines entreprises, syndicats et collectifs ont affiché un soutien total à la grève, exprimant publiquement leur engagement en faveur des revendications trans féministes. Des organisations telles que la CGT, le groupe militant « Attac » extrait de l’article sur la greve féministe du site attac., et la ville de Lyon Affiche de la ville de lyon pour la journée internationale des droits des femmes ont montré un soutien explicite à travers des déclarations officielles, des participations aux manifestations, et la diffusion d’informations sur leurs plateformes. Par exemple, la ville de Lyon a publié sur son site officiel un communiqué exprimant son soutien à la grève et appelant à une mobilisation pour l’égalité femme-homme, montrant ainsi un engagement institutionnel en faveur des revendications féministes. Même si certaines entreprises n’ont pas officiellement soutenu la grève, plusieurs d’entre elles ont pris des mesures après le mouvement pour renforcer la protection de leurs clients contre les risques liés au cloud. La grève a stimulé une sensibilisation au sein de l’industrie, incitant certains designers à éduquer activement leurs clients et leurs lecteurs sur les enjeux trans féministes et éthiques. Les sites qui ont soutenu ou réagi positivement à la grève ont renforcé leur positionnement éthique et ont été perçus comme des acteurs responsables, ces mêmes acteurs ont encouragé le dialogue et la collaboration avec des designers indépendants engagés dans la grève. Cette ouverture au dialogue a conduit à de nouvelles collaborations visant à intégrer des perspectives variées, favorisant ainsi une approche plus inclusive dans l’industrie. Certains sites et réseaux comme Framasoft agissent eux toute l’année et sont crée pour lutter contre ce « big tech cloud » et permettent à ses utilisateurs de trouver des alternatives gratuites et libres aux GAFAM afin d’adopter de nouvelles pratiques numériques. Ces répercussions indiquent une transformation dans la manière dont les entreprises du design web abordent les questions éthiques et sociales. La grève a incité à une réflexion profonde sur les pratiques industrielles, montrant l’importance de l’éthique et de la responsabilité sociale dans cette sphère professionnelle.

Évolution des tendances et influences dans le design web

L’engagement des web designers pendant la grève du cloud trans féministe a également façonné des tendances dans le design web, influençant la manière dont les sites sont conçus et perçus. Ceux participant à la grève ont adopté une approche diversifiée en matière de styles et d’esthétiques. Certains optent pour des designs colorés et animés, créant une atmosphère visuelle engageante, tandis que d’autres peuvent préférer des esthétiques plus épurées, mettant l’accent sur la lisibilité et la simplicité. La diversité des approches s’accompagne souvent d’une réflexion sur l’accessibilité et l’inclusivité. Certains designers peuvent mettre l’accent sur des pratiques de conception axées sur l’utilisateur, pour être sur que les informations essentielles sont accessibles à un large éventail de personnes, quel que soit leur contexte. Certains intégrent des symboles et des métaphores visuelles pour renforcer le message de la grève. Cela peut inclure l’utilisation de symboles féministes, de motifs symboliques (nuages) et d’éléments visuels qui évoquent la solidarité et l’unité.Certains designers ont choisi d’explorer des technologies alternatives pour montrer leur engagement envers des pratiques plus éthiques. Cela peut inclure l’utilisation de plateformes de publication décentralisées, l’hébergement décentralisé, ou même l’expérimentation avec des technologies moins dépendantes des grandes entreprises technologiques. La plus part d’entre eux présentes des sites coloré avec des gifs et de l’animation et des textes colorés qui attirent le regard tels que le site d’introduction"https://blabla- greve‑transfem.hotglue.me/" Page d’introduction d’orsO à la grêve.qui a des aspects d’un site web presque vernaculaire, cela peut être interprété comme une tentative de démocratisation de l’accès à l’information, soulignant l’importance de rendre les messages accessibles à un large public, indépendamment de leur familiarité avec les conventions du design web traditionnel. Mais une même page revient souvent car c’est une page multi-têtes hébergée et maintenue de manière asynchrone par un réseau de réseaux qui comprend plusieurs designers collaborant ensemble et prenant partis au mouvement:appel à la grêve, site la_bekka. appel à la grêve, site donestech. appel à la grêve, site titipi, mis à jour pour la grêve de 2024.Constant (Brussels), The Institute for Technology in the Public Interest (Basel, London, Brussels), Varia (Rotterdam), Hangar (Barcelona), rosa (travelling), Bidston Observatory (Liverpool), In-grid (London), NeON (Dundee), esc mkl (Graz), Anarchaserver (Calafou), Systerserver, Digitalcare.noho.st (Antwerp), Hackers & Designers (Amsterdam), la_bekka – espacio hackfeminista (Canary Island & Argentina), Red Autodefensa Feminista Online (Spain), DonesTech y Alia (Associació de Dones per la Recerca i Acció) (Spain)… Ce réseau de designers provenant de diverses régions renforce la diffusion d’informations au sein de la communauté et amplifie l’impact de la grève.

3. Implications éthiques, politique et perspectives futures

Les questions d’un web « éthique » ont déjà été mise sur le tapis depuis bien longtemps on a pu le remarqué avec le « Sustainable Web Manifesto », des associations de designer ont même été créé comme « designers éthiques » afin de « concourir à un numérique émancipateur, durable et désirable pour les individus, la société et l’environnement ». Cette grève à donc mis en lumière la nécessité de repenser l’éthique dans le design web. Les web designers ont été confrontés à des questions fondamentales telles que la protection de la vie privée, la justice sociale et la transparence. Cette prise de conscience éthique pourrait inciter à l’adoption de chartes éthiques plus rigoureuses au sein de la profession, dirigeant les choix de conception vers des pratiques plus respectueuses et éthiquement responsables. Mais outre l’éthique une des grosses thématique de cette grève est l’implication politique de ces web designers car en utilisant leurs compétences pour soutenir des causes sociétales, ils contribuent à l’activisme numérique. Cette implication politique pourrait signaler une tendance croissante où les web designers deviennent des acteurs clés dans la promotion d’idéaux politiques et sociaux à travers leurs créations et leurs actions en ligne. En s’unissant pour défendre des valeurs féministes et trans, les designers ont démontré la capacité de la communauté du design web à influencer les discours et les normes. Cette évolution pourrait redistribuer le pouvoir dans l’industrie, donnant plus de voix et permettant aux designers engagés dans des causes sociétales de se faire entendre. Cette implication peut aussi mener à de nouvelles perspectives dans l’éducation en design. Les écoles et programmes de formation pourraient intégrer des modules dédiés à la compréhension des enjeux sociaux et politiques du design web, formant ainsi une génération de designers conscients de leur rôle politique et social. Cette évolution pourrait influencer la formation de professionnels du design plus engagés et informés. De plus avec l’avancé des réseaux sociaux et des plateformes web qui sont de plus en plus utilisé pour partager des informations et faire connaitre des mouvements, cette grève a mis en avant le potentiel de collaboration entre les web designers et les organisations activistes. Cette synergie entre le design web et les mouvements sociaux pourrait devenir une norme, amplifiant l’impact des messages sociétaux. Les collaborations entre designers et activistes pourraient ainsi faire commencer une nouvelle ère d’activisme numérique axé sur des objectifs éthiques et politiques.

Conclusion

Ces observations montrent des perspectives importantes pour l’avenir de l’engagement des web designers dans les mouvements sociaux en ligne. Il apparaît crucial qu’ils continuent d’explorer des moyens novateurs d’utiliser le design web comme une plateforme d’expression et de soutien pour des causes sociétales. Par ailleurs, il est impératif que l’industrie du design web intègre davantage ces valeurs éthiques, politique et sociales dans ses pratiques pour favoriser une plus grande inclusivité et responsabilité sociale. Il est important de lier l’activisme sociétal au design car l’un comme l’autre ils se permettent d’évoluer et de faire en sorte que leur rayon d’action s’étende et touche plus de monde. La grève du cloud trans féministe du 8 mars 2023 a donc démontré l’impact significatif des web designers dans les mouvements sociaux en ligne.

Lucie Vidalon
Références

Sitographie

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Collectif Velvetyne, « Page d’accueil » [en ligne] Disponible sur : https://velvetyne.fr/. [consulté 20 novembre 2023]

Club1 serveur communautaire auto-hébergé « Mercredi 8 mars 2023 ✨ » [en ligne] Disponible sur : https://club1.fr/8m. [consulté 20 novembre 2023]

Attac association militante [plus en ligne] https://france.attac.org/actus‑et‑medias/le‑flux/article/greve‑feministe‑et manifestations-le-8-mars-2023-grandes-gagnantes-le-retour

OrsO, outil visuel hotglue [en ligne] https://blabla‑greve‑transfem.hotglue.me/

Magasine panthere premiere, « PAS D’INTERNET FÉMINISTE SANS SERVEURS FÉMINISTES Entretien avec Spideralex » [en ligne] https://pantherepremiere.org/texte/pas‑dinternet‑feministe‑sans‑serveurs feministes/

Svaerm « Eco-friendly web design: How to create a sustainable website » [en ligne] https://svaerm.com/en/blog/sustainable‑website/

« sustainable web manifesto » [en ligne] https://www.sustainablewebmanifesto.com/

Benjamin Rancourt « Qu’est-ce qu’est le Sustainable Web Manifesto? » [en ligne] https://www.benjaminrancourt.ca/sustainable‑web‑manifesto/

Designers ethiques [en ligne] https://beta.designersethiques.org/association/qui‑sommes‑nous


  1. Le terme « cloud » désigne les serveurs accessibles sur Internet, ainsi que les logiciels et bases de données qui fonctionnent sur ces serveurs. Les serveurs situés dans le cloud sont hébergés au sein de datacenters répartis dans le monde entier. ↩︎