L’IA c’est juste un outil à utiliser correctement

Évidemment, utiliser une IA pour détecter les cancers prématurément ou prévoir les catastrophes naturelles fait rêver. Évidemment, un clip musical généré par une IA assistée et guidée par une équipe de plusieurs dizaines de personnes permet d’aboutir à des images inédites et impossibles autrement.
Mais en débattant de la question des "bons et mauvais usages" de l’IA, on oublie de remettre en cause tous les (énormes) problèmes qui viennent avant (désastre écologique, vol de données, surveillance de masse, biais dans les jeux de données, et tant d’autres), et qui sont indépendants de l’usage que l’on en fait (voir les citations et l’article du MIT plus bas).
Ces problèmes, peu importe l’usage, devraient être une priorité, et on ne pourra pas "bien" utiliser l’IA tant qu’ils ne seront pas résolus. Débattre sur ces "bons et mauvais" usages, c’est aussi considérer que l’IA est une technologie neutre par essence, ce qui n’existe pas en réalité : un outil retranscrit la volonté de ses créateurs, qui sont ici des entreprises capitalistes de la Big Tech, avec toutes les dérives autoritaires et liberticides qu’on leur connait.

/!\ RAPPEL /!\ L’IA telle qu’on la connait aujourd’hui est le prolongement du technofascisme. Rien ne justifie de l’utiliser tant que tous les problèmes qui en découlent ne seront pas résolus. Cela contribue juste à donner plus de pouvoir aux entreprises, et à légitimer leur avancée insensée dans le "toujours plus".


« La technologie n’est pas neutre : elle est conçue et déployée dans un système de relations de pouvoir vis-à-vis desquels elle n’est pas autonome ; elle retranscrit des pratiques et des rationalités qui en conditionnent les effets. »

Félix Tréguer dans Lundimatin

« L’idée même que les technologies puissent avoir une nature et donc être "bonnes" ou "mauvaises" du fait de leur seule "conception" est une forme de personnification ou de mythification qui justifie le recours à la technique comme un solutionnisme et non comme une méditation.
En effet s’il est possible d’affirmer qu’une technologie est "bonne" ou qu’il est un "bon usage" de cette technologie, alors le simple fait de la déployer en réponse à un problème dispense d’analyser les propres problèmes, limites et risques que la technologie elle-même peut poser ou engendrer. »

Olivier Ertzscheid, Le monde selon Zuckerberg

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Livre (court promis) :
Le monde selon Zuckerberg, Olivier Ertzscheid, éditions C&F, 2020

Une liste établie par le MIT des risques (+ de 1600) que pose l’IA :
https://airisk.mit.edu/

L’IA me fait gagner du temps

La promesse de gagner du temps grâce à l’IA, c’est en fait une fausse bonne idée. Cela induit deux problèmes principaux :

« Le développeur web du futur sera un employé généraliste sous-payé qui tripote les résultats d’un chatbot jusqu’à ce qu’ils tournent sans erreurs, qui tripote un copilote jusqu’à ce qu’il génère des passables, et livre du code que personne ne comprend et qui ne peut être réparé si quelque chose plante. » Baldur Bjarnason

/!\ RAPPEL /!\ L’IA telle qu’on la connait aujourd’hui est le prolongement du technofascisme. Rien ne justifie de l’utiliser tant que tous les problèmes qui en découlent ne seront pas résolus. Cela contribue juste à donner plus de pouvoir aux entreprises, et à légitimer leur avancée insensée dans le "toujours plus".


« Le domaine du numérique promet des gains de temps depuis plus de 70 ans. Si la promesse avait été suivie d’effet nous devrions, soit avoir réduit le temps de travail à 1h par semaine, soit avoir multiplié la “productivité” par un facteur énorme. Si ce n’est pas le cas, c’est que ce fameux “temps gagné” a immédiatement été rempli par autre chose, pas nécessairement plus intéressant ni surtout plus productif. »

Florence Maraninchi, Pourquoi je n’utilise pas ChatGPT

« J’ai montré mon iPhone 5 à ma chienne et elle m’a dit
“c’est aussi grand que ce qu’un téléphone n’aurait jamais dû être
le gâchis de votre espèce est intolérable
et vous avez transformé notre paradis parmi les étoiles
en une tombe” »

Traduction d’un poème trouvé sur Instagram : @online.since.2005

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Article en ligne :
Florence Maraninchi, Pourquoi je n’utilise pas ChatGPT:
https://academia.hypotheses.org/58766

Maintenant que l’IA est déjà là, autant l’utiliser

Oui, refuser d’utiliser l’IA alors qu’elle est déjà omniprésente, ça fait peur, on a l’impression qu’on va rester derrière, et qu’on passe à côté d’un progrès dont tout le monde va profiter (voir la carte "Je vais me faire devancer").
Mais il n’y a aucun sens à accepter par fatalisme quelque chose que l’on sait mauvais, simplement parce qu’il existe déjà. Ma maison est en feu, je vais utiliser les flammes pour me réchauffer un peu plutôt que de chercher à l’éteindre ?
Ne pas utiliser l’IA, c’est un acte de résistance, de rejet des valeurs imposées par les entreprises qui les développent selon un modèle capitaliste et liberticide. Le feu est déjà lancé, et peut-être bien trop gros pour être éteint, mais on peut au moins éviter d’y rajouter des branches.

/!\ RAPPEL /!\ L’IA telle qu’on la connait aujourd’hui est le prolongement du technofascisme. Rien ne justifie de l’utiliser tant que tous les problèmes qui en découlent ne seront pas résolus. Cela contribue juste à donner plus de pouvoir aux entreprises, et à légitimer leur avancée insensée dans le "toujours plus".


« Pour les citoyen·nes, le principal risque c’est la sidération et le fatalisme. Le fait d’accepter le déterminisme technique et politique que l’on nous vend, sans recul critique. Je m’alarme aussi de la tentation, pour le corps social, de naturaliser l’idée selon laquelle, qu’on le veuille ou non, le progrès va nous rouler dessus. C’est accepter sans broncher les logiques de surveillance carcérales, la pérennisation de la surveillance algorithmique, la reconnaissance faciale. C’est ne pas se soulever face au régime de gouvernementalité algorithmique à l’œuvre à la CAF, à France Travail ou aux impôts. L’IA est un outil de déresponsabilisation de la puissance publique. Ce qu’on laisse s’opérer devant nous, c’est la confiscation de notre autonomie politique. »

Thibaut Prévost, IA, cheval de Troie du techno-fascisme

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Article en ligne :
Thibaut Prévost, IA, cheval de Troie du techno-fascisme
https://synthmedia.fr/culture/livres/ia-technofascisme-thibaut-prevost/

Livre :
Irénée Régnauld & Yaël Benayoun,
Technologies partout, démocratie nulle part. Plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous, FYP éditions, 2020

L’IA rend l’art accessible à toustes

Avoir accès à un smartphone/ordinateur et une connexion internet pour accéder à une IA, ce n’est pas vraiment la définition d’accessibilité. Un papier et un crayon pour dessiner, frapper une main sur une table et chanter pour de la musique, un camescope trouvé dans une brocante pour la vidéo : l’art a toujours été accessible, si on ne vise pas des standards irréalistes de production hollywoodiens.
Pour les artistes, il y a même plus de satisfaction à créer à partir d’un outil bricolé, récupéré, détourné de son usage original, qu’à rentrer des lignes de texte dans un chatbot jusqu’à ce qu’il en sorte exactement ce qu’on voulait. On parle quand même de prendre du plaisir dans la création avant tout !!!

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« Dans une société en pertes de repères où le superflu a pris le pas sur le nécessaire, émerge le besoin d’un nouvel ordre imaginaire, d’un récit collectif qui nous aide à ne pas désespérer et à reprendre pied. Pas pour se raconter de belles histoires qui détournent des efforts à faire, mais pour fournir à la résistance une culture de résistance. Nous avons aujourd’hui besoin d’un nouveau saut culturel. Si la science a fait sa part d’alerte, l’art et la culture peuvent encore l’amplifier. Ils façonnent la société, à la manière d’un soft power. »

Corinne Morel Darleux, Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce

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Livre (court promis !) :
Corinne Morel Darleux, Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, éditions Libertalia, 2019
https://synthmedia.fr/culture/livres/ia-technofascisme-thibaut-prevost/

Dans l’économie actuelle, utiliser l’IA est plus accessible que de payer des professionnel·les

Pour toutes les raisons citées dans les autres cartes, utiliser l’IA par manque de moyens dessert tout le monde, le grand public comme les travailleur·euses. Plutôt que de nourrir la machine technofasciste, il vaudra toujours mieux se tourner vers des moyens plus fiables et bien humains.
Dans le cadre d’un projet personnel comme d’une commande professionnelle par exemple : le bricolage, la recherche, le tatonnement, voire la collaboration, la coopération, l’entraide, quitte à avoir un résultat moins propre et poli que ce qu’aurait pu produire un·e professionnel·le. Une affiche mise en page sur Libre Office ou une chanson enregistrée sur un téléphone reflèteront toujours plus de caractère, d’ambition et de charme que des objets générés par IA.
De plus, les professionnel·les elles et eux aussi souffrent de ces temps difficiles, et seront ravi·es de discuter avec vous autour de projets qui vous tiennent à coeur, si cela veut dire utiliser l’IA juste une fois de moins (voir la citation plus bas !).

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« Nous ne sommes vraiment libres que lorsque tous les êtres humains qui nous entourent, hommes et femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de notre liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. »

Michel Bakounine, Le Désert de la critique. Déconstruction et politique.

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Tribune et action :
Pour une continuité des revenus des artistes auteurices
https://continuite-revenus.fr/tribune/

Je vais me faire devancer si tout le monde l’utilise sauf moi

Difficile de répondre rapidement à cette question en englobant tous les secteurs, mais il existe deux pistes de réflexion principales :

En résumé, il n’y a pas vraiment de notion de "dépassement", le travail et la création ne se résument pas aussi linéairement. Il s’agit plutôt de trouver des alternatives, de se construire à côté de l’IA pour revendiquer et rendre clair l’intérêt personnel et global à ce rejet.

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« Si vous creusez un trou et qu’il est au mauvais endroit, creuser plus profondément ne vas pas vous aider »

Seymour Chwast

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Livre :
Sur la nécessité et la beauté des imperfections dues à l'outil, absentes des productions par IA.
Marcello Vitali-Rosati, L'éloge du bug, éditions Zones, 2024