Le techno-néocolonialisme n'apparaît pas comme
un concept théorique simple, mais comme
une réalité mortifère,
il est temps d'arrêter les euphémismes :
La domination ne s'impose pas seulement comme une fracture
socio-économique et numérique mais
comme une continuité dominatrice, destructrice et colonialiste. En République Démocratique du Congo, le coltan,
le cobalt et les minerais
sont convoités par les grandes multinationales, en effet, ces ressources constituent le coeur de nos téléphones
et des système d'IA, mais l'extraction de celles-ci se fait au détriment des valeurs éthiques, dans une violence systémique où les
enfants travaillent dans un climat de déstabilisation géopolitique.
En fin de compte le progrès technologique des uns (on parle bien sûr des pays développés) est bâti sur la
déshumanisation des autres,
les dommages humains et environnementaux en R.D.C dépassent l’entendement. Aux États-Unis, la construction de
centres de données hyper
demandants en énergies et en ressources, sont au cœur des préoccupations des dirigeants politiques et de certaines
entreprises, au détriment de la santé des populations sur place.
Au delà du désastre humain et écologique qu'implique l'IA, son utilisation massive est un exemple d'une société
impactée par la domination algorithmique.
Les GAFAM reproduisent aujourd’hui les mécanismes de domination des empires coloniaux,
n'hésitent pas à les employer.
Ces derniers dominent largement la toile du numérique. Ils ont acquis collectivement plus de 700 entreprises,
souvent des start-ups qui auraient pu devenir concurrentes.
Cette stratégie leur permet d’éliminer la menace et
de s’approprier talents et innovations.
Le développement d'une domination du numérique implique intrinsèquement l'uniformisation culturelle :
Au Cambodge, l’arrivée massive des smartphones a transformé radicalement les pratiques culturelles en une
décennie. Des jeunes qui auraient appris des techniques agricoles traditionnelles passent désormais des heures sur TikTok,
consommant du contenu glorifiant un mode de vie urbain et inaccessible. Les artisans locaux se retrouvent en
compétition avec des produits manufacturés chinois promus par les algorithmes d’AliExpress. Paradoxalement,
certains se tournent vers Etsy pour survivre, acceptant des commissions exorbitantes en échange d’un accès au marché mondial.
Quant à l’IA générative, elle représente la forme la plus aboutie du néo-colonialisme numérique.
Les modèles comme GPT-4, entraînés principalement sur des données occidentales, encodent et reproduisent inévitablement ces biais culturels.
Quand un étudiant sénégalais ou vietnamien utilise ChatGPT, il interagit avec un système qui véhicule subtilement une vision du monde occidentalo-centrée.
L’IA et ses biais algorithmiques deviennent ainsi les vecteurs puissants d’une homogénéisation culturelle.
À travers cet article nous vous apportons les ressources nécessaires pour appréhender les dangers de l'IA
non seulement par ses conséquences, mais aussi ses biais, à travers des études de cas précises et documentées.
Nous savons depuis des années que le coût environnemental d’internet est exorbitant. Et la nouveauté dans tout cela est l’arrivé de l’utilisation de masse de l’IA. Les effets serons dramatiques et ce sera les populations les plus vulnérables qui trinquerons en premier pour toute les folies occidentales.
On estime qu’une simple recherche Google consomme en électricité 0,3 Wh tandis que pour une demande à Chat GPT
la consommation en électricité est multipliée par 10, soit 2,9 Wh. Pour un seul message envoyé au bot, l’impact
carbone se trouve autour
de 4 à 5 grammes de CO2, cela correspond environ à la consommation d’une ampoule led allumée quelques minutes.
Le plus polluant est
de produire une image, pour comparer, 1000 textes générés équivalent à moins d’un 1 mètre parcouru avec une
voiture à essence,
tandis que générer 1000 images correspondrait à conduire environ 7 kilomètres avec ce même véhicule.
L’utilisation massive de cet outil devient
alors un véritable danger, on estime qu'à la fin de l’année 2024, plus d’un milliard de requêtes étaient
envoyées à ChatGPT par jour.
En janvier 2023, Chat GPT a accumulé 100 milions d’utilisateurices. En seulement un mois, le coût de cet
engouement serait monté à hauteur de 10 113 tonnes de CO2,
soit environ 5700 allers-retours en avion entre Paris et New York. En 2024, le service avait atteint les 300
millions d’utilisateurices par semaine, avec une version bien plus performante
donc bien plus polluante que la précédente. Les data centers représentaient pendant des années environ 1% de la
consommation d’électricité mondiale,
aujourd’hui, c’est en constante augmentation, l’IA et les cryptomonnaies ont dépassé 460 TWh en 2022, c’est
l’équivalent de ce que consomme la France.
À ce train-là, l’année prochaine, cette demande en électricité pourrait augmenter
de 35% (160 TWh en plus) à
130% (590 TWh), soit l’équivalent d’une France et demie en plus pour le meilleur scénario
et de 2 France et demie pour le pire. Les conséquences sont réelles pour les individus, en Irlande, les centres
de données monopolisent une part grandissante de l’électricité du pays,
ils représentent aujourd’hui plus de 20% de sa consommation. Cette situation crée l’indignation des
habitant·es, qui voient leurs factures augmenter alors que la consommation des ménages ne bouge pas.
Pour ce qui est de la consommation d’eau potable le constat est encore plus dramatique. En 2023 Google
a
englouti 24 milliards de litres d’eau, en grande majorité pour ses data center. Chaque année, ces chiffres
augmentent. Entre 2021 et 2022 Google a accru de 20% la quantité d’eau pour ses activités.
Pour Microsoft, cela
s’élève à 34%. C’est un coût absolument gigantesque pour l’environnement et avec le développement rapide et
incontrôlé de l’intelligence artificielle, nous ne sommes pas sortis d’affaire. Rien que l’entraînement de GPT-3
aurait dévoré 700 000 litres d’eau dans les data center états-uniens de Microsoft. Un grand centre de données
comme ceux des Gafam peut consommer entre 3,8 et 19 millions de litres d’eau par jour. Ces usines voraces sont
souvent placées dans des zones désertiques dans lesquelles les habitant.es peinent déjà à obtenir de l’eau. C’est
le cas notamment au Mexique, les data center utilisent les dernières ressources d’eau de la région, privant les
habitant.e de ressources primordiales pour leur survie. Le choix de se localiser dans ces zones permet aux
entreprise de profiter de la sécheresse pour évaporer l’eau une fois utilisé après avoir refroidit les
centrales. Les Mexicains travaillant pour une miette de pain dans ces entreprises sous la chaleur, dans des
conditions, sont une mine d’or aux yeux des PDG qui
ne voient en eux que de la main d’œuvre
gratuite.
Toutes les horreurs que l’industrie de l’IA engendre
ne suffisent pas pour convaincre les tout puissants de
changer d’obsession (nous aurions préféré qu’iels choisissent les droits sociaux à la place). Tout.e les
grand.es dirigeant.es des différents pays élaborent leurs stratégies et placent des sommes monumentales dans
l’IA, chacun.e rêvant d’être au-devant de cette course folle. Donald Trump, le premier, a annoncé un immense
plan d’investissements dans des data centers dédiés à l’intelligence artificielle. Puisque ces infrastructures
sont gourmandes en électricité, il décide de les alimenter grâce au nucléaire. À Three Mile Island, en
Pennsylvanie, un site nucléaire sinistré depuis un grave accident en 1979, a été remis en route malgré les
objections des habitant.es, traumatisé.es par la catastrophe qu’iels ont subit. Ce jour-là, à 3h56 du matin,
suite à un incident d’exploitation, des radiations non contrôlées ont été rejetées dans les villes avoisinantes,
engendrant une immense panique et des conséquences encore mal évaluées aujourd’hui. Mais en septembre 2024, le
géant Microsoft a signé un contrat avec l’entreprise américaine Constellation pour redémarrer un réacteur.
L’énergie produite alimentera les data centers de Microsoft. Le ministère de l’énergie
verse à Constellation des millions de dollars chaque année pour qu’elle disperse
80 000 tonnes de déchets
hautement radioactifs sur 72 sites, dont 5 en Pennsylvanie. Les populations en payent les frais par leur santé
physique et mentale. Sur place, l’annonce de la relance du nucléaire ravive la mémoire traumatique de l’accident
de 1979, mais les habitant.es après de nombreuses contestations, se découragent face à la puissance de leurs
adversaires. Les choix écocidaires et meurtriers de Donald Trump engendrent aussi la fin du travail intense mené
dans l’état de Géorgie pour faire fermer toutes les centrales à charbon puisqu’il faut répondre au pic de
demande d’électricité créé par les centres de données.
La même dynamique se déploie dans toutes les grandes puissances. En France, à la veille du sommet de l’IA,
Emmanuel Macron promettait 109 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans cette technologie pour
les années à venir, tandis que les Émirats Arabes Unis ont sorti entre 30 et 50 milliards pour la
construction d’un centre de données géant.
Nous regrettons que cet argent ne serve pas, à reloger
les sans-abris (grande promesse du quinquennat d’Emmanuel Macron) ou à sauver l’hôpital public.
À la place, c’est la course à qui va être le premier à détruire le monde.
Malgré l’imaginaire que l’on nous vend, l’IA a besoin de l’Homme pour apprendre. C’est pour cette raison qu'est
recrutée en grand nombre, une main d’œuvre peu coûteuse et très peu encadré :
celle des Dataworker, ou
annotateur d’images en français. Le travail est simple, nommer, délimiter, classer, repérer des erreurs ou des
éléments présents sur une image, une vidéo, un document…
Tout cela pour entrainer l'IA et la rendre plus
pertinente dans ses réponses, ses recommandations. En clair, apprendre à reconnaître et
identifier un chat sur une image, des comportements moraux, repérer des erreurs dans un texte etc...
Cette main d'œuvre bon marché est localisée dans des pays en voie de développement, souvent issus de la colonisation, et donc parlant français ou anglais. C'est le cas notamment à Madagascar où un véritable marché de l'IA voit le jour aussi bien du côté des offres d'emploi que du côté des formations spécifiques au domaine. Sur l'île, c'est 36 firmes qui emploient plusieurs dizaines de milliers de Malgaches à défaut de trouver des employés en France. Elles profitent du montant ridicule des salaires pour réduire leurs coûts. Les "travailleurs du clic" passent leur journée, et parfois leurs nuits à lire et annoter. Souvent, c'est la tache simple et répétitive de dire si oui ou non deux images représentent la même chose. Les annotateurs sont souvent des personnes diplomées, qui pourraient faire autre chose mais à qui on a vendu une opportunité d'épanouissement professionnel dans la technologie. La réalité est bien autre, même si ce labeur est essentiel aux entreprises, elles traitent leurs employés comme des stagiaires insignifiants sans leur donner de possibilité de monter en grade.
D'autres Malgaches travaillent en indépendant, pour des entreprises privées telles qu'Amazon. Dans ce cas, il existe un marché noir de revente de comptes Amazon. Le géant de la mondialisation
tente d'éviter la main d'œuvre malgache et les locaux ne peuvent pas créer de compte pour travailler en tant
qu'annotateur. Iels se retrouvent à racheter des comptes en Inde à un prix exorbitant, pour pouvoir travailler à hauteur de 6 centimes de dollar par clic. Les travailleurs peuvent se
rémunérer jusqu'à 250 euros par mois en cliquant nuit et jour pour Amazon, quand même le double du salaire moyen
de celleux qui travaillent dans les entreprises
(entre 80 et 100 euros).
Regardons le Congo, ce pays d'une richesse souterraine estimée à 4 trillions de dollars, pour comprendre
l'ignominie de notre monde numérique. Ce n'est pas un hasard si le sol congolais regorge de minerais
indispensables à nos batteries, nos voitures électriques, et aux serveurs IA. L'historique des guerres au Kivu
n'est pas une tragédie, c'est l'essence même de la modernité. Comme le souligne le sociologue Fabien
Lebrun, on assiste à une troublante adéquation :
« À chaque innovation numérique, on constate une
recrudescence des conflits au Congo ».
Dont l'avènement de la 5G il y’a peu. Chaque bond en avant concorde
avec une nouvelle vague de massacres, de viols et de terreur. L'économie de guerre s'auto-alimente :
l'extraction minière finance l'achat d'armes, qui perpétuent les conflits, qui garantissent l'accès non-contrôlé
aux gisements : un cercle sans fin. Il s’agit du conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale.
Des enfants creuseurs passent plus de douze heures par jour sous terre afin de rendre tous nos gadgets plus
performants.
Le techno néo-colonialisme ne s’arrête pas au désastre humain mais, s’initie dans l’infrastructure numérique
infligeant ainsi une double peine au continent. Depuis plus d'une décénnie, le developpement numérique en
Afrique est largement soutenu par des acteurs étrangers, plusieurs programmes ont été présentés comme des
solutions à la fracture numérique. Pourtant selon l’UNCTAD (la Conférence des Nations unies sur le commerce et
le développement), ces différentes initiatives s'inscrivent dans une logique de centralisation des flux de
données hors du continent. En 2023, l’Afrique comptait moins de 80 centres de données contre plus de 5 300
en Amérique du Nord. Cela sous-entend que 85% des données africaines transitent par des serveurs situés
hors de juridiction locale. Ce schéma crée une dépendance structurelle. L’Intelligence Artificielle agit comme
un vecteur d’influence géopolitique et de contrôle social,
à travers différents outils notamment ceux de
reconnaissance faciale qui sont fournis par des entreprises comme Huawei, qui reproduisent ainsi des modèles
de surveillance sans passer par des institutions démocratiques. L’Afrique devient donc le terrain
d’expérimentation pour des technologies encore peu testées ailleurs. L’Affaire Cambridge Analytica au Kenya et
au Nigeria a déjà prouvé que les données personnelles étaient collectées immoralement pour miner les processus
électoraux, c'est une démonstration à ciel ouvert du néo-colonialisme.
En dehors du cadre sécuritaire désastreux du continent Africain, le drame congolais est devenus
lui l'héritage
direct des cinq siècles de sauvagerie capitaliste décrits par Fabien Lebrun :
« De la traite négrière à la
terreur du caoutchouc sous Léopold II ». Aujourd'hui, l'impunité législative et fiscale héritée du Congo belge
fait de la RDC le Far West pour les géants du numérique. Tant que nous ne cesserons pas de considérer cette
barbarie comme le coût caché des algorithmes, de nos téléphones :
« Le dernier iPhone d’Apple compte 64
matières premières, dont une grande partie présente dans le sous-sol congolais. On mesure là l’adéquation entre
celui-ci et la révolution numérique.
Le techno-colonialisme continuera d'être la tragédie
la plus meurtrière
de notre époque.
Israël transforme Gaza en laboratoire d’expérimentations, un champ de tests à ciel ouvert où chaque
mort est une donnée à analyser. Quelle est la réaction des Occidentaux face à ça ? Des tweets "Free Gaza" depuis
les plateformes technofascistes qui participent, financent ce génocide. Une pseudo-prise de
position morale avec en fond l’hypocrisie numérique. Cette "guerre" par algorithme n’a rien d’une défense, c’est
une mise à mort rationalisée, justifiée par une pseudo-théorie sortie du livre "The Human-Machine Team" (2021),
écrit par l’actuel chef de l’unité 8200 de l’armée israélienne. Il y prône le chaos comme méthode, la guerre
comme moteur d’innovation : pousser la concurrence entre les IA, observer lesquelles "apprennent" le mieux, et
surtout accepter les dégâts collatéraux. Autrement dit :
Que la mort serve la science. Que les Palestiniens
servent de cobaye. Et que l'on appelle ça du progrès.
Les IA ne décident pas seules. Les données qu’on leur donne viennent d’un système de surveillance : capteurs
fixés sur les drones, signaux interceptés, avions F-35, moniteurs sismiques enfouis sous terre, écoutes de
communications, algorithmes de reconnaissance d’images. Ces données ont pour résultat que 80% des morts sont
civils, un taux plus élevé que pendant la Seconde Guerre mondiale
(65%). Mais ne vous inquiétez pas, tout est
sous contrôle c’est pour "entraîner" l’IA. Selon la logique génocidaire du pouvoir israélien, "il n’y a pas de
civils innocents à Gaza". Les femmes, les enfants, les familles, les maisons tout est "cible poubelle".
Alors on
se demande, précision algorithmique ou erreur programmée ? On tue pour optimiser. On bombarde pour perfectionner.
Les morts s’empilent pour nourrir l'algorithme.
Trois IA sont utilisées dans ce carnage : Lavender, qui dresse des listes de personnes à éliminer ; Where is Daddy, qui traque les cibles pour bombarder leur maison, et The Gospel, qui marque les bâtiments "suspects" à détruire. Tout cela sans conscience, sans jugement. L’humain n’intervient que pour vérifier un seul paramètre : le sexe de la cible. Si c’est une femme, elle sera exclue de la liste de cibles. L’IA commet des erreurs dans 10% des cas, mais l’erreur est tolérée, et même prévue. Israël tolère jusqu’à 20 morts "poubelle" pour une cible mineure, et plus de 100 pour un commandant. Israël fonctionne de manière circulaire : le gouvernement renforce le privé, le privé renforce le gouvernement, et tous ensemble alimentent la technologie militaire.
Derrière cette atrocité, se cachent les GAFAM, parrains du techno-fascisme. En mars 2024, Google signe un contrat avec le ministère israélien de la Défense pour créer une "zone d’atterrissage" sur son cloud, dédiée à plusieurs unités militaires. Amazon (AWS) et Google vont plus loin avec le projet "Nimbus", une infrastructure de cloud computing destinée à stocker indéfiniment les données de surveillance des habitants de Gaza. Au-delà des outils, Microsoft fournit 19 000 heures d’assistance technique à Israël pour 10 millions de dollars. Ces entreprises sont co-autrices du génocide. Et le plus terrifiant, c’est que ce modèle va se propager. Israël n’est pas une exception : c’est une vitrine qui montre du doigt le futur de la guerre, froide, automatisée, déshumanisée. Les États observent, prennent des notes, se préparent à copier. L’IA militaire Israélienne devient une référence. Ce qui se passe à Gaza n’est pas une guerre. C’est un génocide, une industrialisation de la mort, un test de la puissance des algorithmes sur l’humain. Les entreprises occidentales qui prétendent défendre la liberté participent à ce génocide numérique. La plus grande peur des occidentaux est que l'IA remplace l'artiste tandis qu'ailleurs, elle devient bourreau. Israël ne bombarde pas Gaza, mais programme son effacement. Et le monde est complice, il regarde la machine apprendre à tuer.
