Nous entendons par « écosystème coopératif » un processus de construction d’une société post-capitaliste, fondé sur la création de relations coopératives dans tous les aspects de la vie – économie, politique, écologie, culture et besoins humains. Les écosystèmes coopératifs s’opposent au système capitaliste et aux États-nations ; ils visent à étendre les relations de solidarité entre les participants, ainsi que l’autonomie dans autant de domaines de la vie sociale que possible.
Les écosystèmes coopératifs reposent sur des principes, des codes, des connexions et des actions qui permettent à chaque projet de répondre au plus grand nombre possible de besoins. Chaque partie a un rôle à jouer dans la mesure où le tout n’est possible qu’avec la participation de toutes les parties. Ces écosystèmes sont dits coopératifs parce que toutes les initiatives et tous les individus impliqués s’appuient sur le soutien mutuel, la solidarité et l’équité, générant ainsi des pratiques coopératives opposées aux expériences compétitives qui prédominent dans les systèmes capitalistes.
En fait, l’expression est avant tout reprise à FairCoop, qui a introduit l’idée d’un « écosystème coopératif » dans son slogan de 2016 : « Un écosystème coopératif terrestre pour une économie équitable. »
Un écosystème coopératif peut devenir un point de rencontre synergique entre différents modèles d’économie alternative, en réunissant des pratiques auxquelles tous les réseaux adhèrent. Ces écosystèmes peuvent fonctionner localement ou mondialement, de manière interreliée, tout en restant cohérents avec leurs valeurs, puisque les actions et les processus de décision locaux sont autonomes.
Voici quelques éléments clés d’un écosystème coopératif :
L’ouverture. L’un des aspects fondamentaux est que les individus, les collectifs ou même les réseaux et autres processus de l’écosystème bénéficient des outils de l’écosystème coopératif. Cette ouverture permet aux initiatives d’être fluides et modulables, sans décisions autoritaires qui fermeraient les espaces ou généreraient des divisions entre les participants.
Assemblées et démocratie directe. La prise de décision par consensus est essentielle pour maintenir la fraîcheur du processus pendant les premières étapes du développement. À long terme, un processus réussi nécessitera peut-être d’introduire le vote, en raison de l’encombrement des espaces participatifs, mais il est important qu’au cours des premières étapes, le consensus soit le moyen de décider des questions communes. Le consensus permet d’écarter la tentation d’accorder le privilège de la prise de décision uniquement aux personnes qui sont inscrites. Il évite les conflits entre divers territoires ou secteurs.
Construction dynamique. Il est important que l’interaction entre les moyens et les fins soit fluide et flexible. Pour parvenir au changement auquel devrait nous mener le processus de transition, il est nécessaire d’avoir une idée commune de la direction que prendra ce changement, même si ce plan peut être modifié à chaque assemblée. Un plan directeur ne peut pas être un document intouchable, car cela priverait de liberté et de pouvoir constituant celles et ceux qui le construisent et apprennent au cours du processus. Ainsi, les pratiques actuelles et la théorie qui nous y conduit interagissent et se transforment mutuellement au fil du temps.
L’autogestion durable du processus de transition. La création d’une série d’établissements et de moyens de production nécessite un investissement en matière de temps, de matériel, d’apprentissage et d’expérimentation. Dans le cas des coopératives économiques, les coûts provenant d’erreurs peuvent se traduire par une perte économique importante avant que suffisamment de revenus soient générés pour récupérer ces coûts. Pour couvrir cette différence entre les revenus et les dépenses générés par le processus productif – sans dépendre de facteurs externes tels que l’État ou les entreprises capitalistes, qui pourraient désactiver le projet –, nous devons être clairs sur la manière d’accéder aux ressources dès le départ. Les exemples dont nous pouvons nous inspirer sont les suivants : la désobéissance économique envers les institutions politiques ; le réinvestissement de l’argent des impôts dans l’autonomie communale, comme avec la Cooperativa Integral Catalana (Coopérative intégrale catalane) ; ou la récupération de la valeur d’une cryptomonnaie numérique comme le FairCoin, soutenue par un mouvement coopératif citoyen mondial.
D’autre part, pour que ces processus de transition fonctionnent, nous avons besoin d’outils stratégiques, tels que les outils autonomes suivants :
Le marché social. Historiquement, la confusion entre le marché et le capitalisme a rendu difficile – étant donné l’antagonisme envers le système néolibéral – le débat sur le rôle des marchés dans le développement d’alternatives. Un marché avec des valeurs liées au processus en cours de construction joue un rôle très important pour générer des relations de coopération entre diverses communautés, tant au niveau local que dans le commerce entre différentes régions, en tenant compte de la priorité, pour les circuits locaux, d’être alignés avec la nature.
Générer des processus de distribution des ressources en dehors des marchés exige un consensus au sein de la communauté politique. Un marché permet qu’en l’absence d’un tel consensus, les participants puissent toujours répondre à divers besoins quotidiens, en ce qui concerne le matériel et les services. Un marché équitable ou social peut prendre de nombreuses formes, d’un marché de rue à une plate-forme en ligne.
La monnaie. La monnaie est l’une des principales inventions de l’histoire. Elle a permis à des sociétés complexes d’échanger des produits et des services de manière rapide et efficace, sans que les participants et participantes aient besoin de posséder des produits de même valeur et de même utilité. Disposer d’une monnaie ou de plusieurs est un élément clé pour les pratiques quotidiennes dans un écosystème coopératif. Outre les échanges, il existe aujourd’hui des systèmes décentralisés, tels que la technologie blockchain, qui permettent de réaliser des transactions en ligne sécurisées. La monnaie est importante pour la réserve de valeur, ce qui nous permet d’intégrer l’épargne et les investissements comme des éléments stratégiques dans la construction des écosystèmes.
Projets communs et projets autonomes. Par analogie avec les espaces publics et privés présents dans les États modernes, les écosystèmes coopératifs comportent fondamentalement deux types de relations. La majorité des projets sont autonomes, ce qui signifie qu’une personne ou un groupe de personnes prend ses propres décisions pour offrir ses produits ou services, générant ainsi ses propres revenus et apportant une contribution progressive au budget de la communauté. La Cooperativa Integral Catalana applique cette méthodologie avec succès depuis 2010.
Un projet de communs qui repose sur la prise de décision par les participants peut servir à répondre aux besoins de ces derniers ou peut avoir une fonction stratégique à plus long terme.