Droits de l'Homme

Miloon Kothari

droits de l'Homme, dignité, solidarité, justice, participation

[…] la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

– Préambule à la Déclaration universelle des droits de l’Homme

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.

– Déclaration universelle des droits de l’Homme, article 1

Les droits de l’Homme1 ont été conceptualisés, mis en œuvre, violés et combattus pendant des siècles. Aujourd’hui, dans un monde post-développement, les principes et instruments universels des droits de l’Homme offrent une base morale, éthique et juridique puissante pour faire régner la justice dans un monde de plus en plus injuste et dévasté.

En 539 avant Jésus-Christ, les armées de Cyrus le Grand, premier roi de la Perse antique, ont conquis la ville de Babylone. Mais ce sont ses actions ultérieures (expliquées sur le cylindre de Cyrus découvert en 1879) qui ont marqué une avancée majeure pour l’humanité. Il a promulgué un décret qui a libéré les esclaves, déclaré que tous les peuples avaient le droit de choisir leur religion et établi l’égalité raciale. Les principes des droits de l’Homme ont également émergé dans les textes majeurs de plusieurs grandes religions du monde. Les documents issus des révolutions américaine et française ont aussi épousé l’esprit des droits de l’Homme. Au fil des siècles, de grands penseurs en ont formulé le contenu, formant une pierre angulaire pour que l’humanité embrasse la démocratie et la liberté (Jean-Jacques Rousseau, Mahatma Gandhi, Martin Luther King, Eleanor Roosevelt, Nelson Mandela et le dalaï-lama). Les leçons tirées de siècles de réflexion et d’action, mais aussi l’expression profonde de l’humanité en réponse aux horreurs de la guerre mondiale se sont traduites par l’adoption, en 1948, de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (dudh) par l’Assemblée générale des Nations unies.

Après l’adoption de la dudh et la période de décolonisation, des constitutions nationales sont nées, entre autres, de la lutte pour la liberté en Inde et du mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud. Ces constitutions reposent principalement sur la notion de droits fondamentaux de l’Homme. La dudh a également déclenché l’évolution des instruments des Nations unies relatifs aux droits de l’Homme, portant sur les droits culturels, civils, économiques, sociaux et politiques, ainsi que sur les droits spécifiques des femmes, des enfants, des populations autochtones, des migrants et des personnes handicapées. L’ensemble de l’édifice des droits de l’Homme est construit sur la préservation et le maintien de la dignité des personnes. L’édifice des droits de l’Homme est aussi, de manière significative, fondé en premier lieu sur la satisfaction des besoins des plus vulnérables. Ce point de départ pour la réalisation des droits de l’Homme est particulièrement pertinent à une époque où les communautés les plus discriminées du monde, historiquement et économiquement, sont de plus en plus touchées par les politiques économiques néolibérales et les effets néfastes de phénomènes tels que le changement climatique.

Les instruments relatifs aux droits de l’Homme protègent les droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit à l’alimentation, aux moyens de subsistance, à la santé, au logement, à la sécurité sociale et les droits civils et politiques, mais aussi le droit à la vie, la liberté de religion et de croyance, le droit de réunion et d’association pacifique et le droit de participer aux affaires politiques et publiques.

L’approche des droits de l’Homme est une alternative radicale qui s’attaque directement à l’injustice, à l’exploitation et à la discrimination de millions de personnes à travers le monde de la manière suivante :

- Le respect des droits de l’Homme représente un défi direct et puissant pour les forces hégémoniques mondiales qui cherchent à réduire les droits des personnes à des marchandises et à financiariser ce qui devrait être des droits élémentaires (l’eau, la terre, le logement, et ainsi de suite).

- L’approche des droits de l’Homme repose sur des principes fondamentaux tels que la non-discrimination, l’égalité des sexes, la participation citoyenne et le droit à la réparation des violations des droits de l’Homme. Ces principes complètent et renforcent les principes environnementaux. Le droit au consentement préalable libre et éclairé, par exemple, peut être dérivé du droit international des droits de l’Homme.

- Les droits de l’Homme sont « universels » ; ils s’appliquent à tous les habitants et habitantes de la planète, indépendamment de leur race, de leur religion et de leur situation économique. Les droits contenus dans la dudh sont acceptés par les 193 États membres de l’onu. Ils sont étayés par un système international solide et en constante évolution, comprenant le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, son examen périodique universel, des rapporteurs spéciaux et des organes de traités qui surveillent en permanence le comportement des acteurs étatiques et non étatiques afin de garantir le respect des engagements en matière de droits de l’Homme. Ces mécanismes complets sont à la fois radicaux et pratiques. C’est peut-être la principale raison pour laquelle l’approche fondée sur les droits de l’Homme a trouvé un écho parmi les mouvements sociaux et les campagnes à travers le monde, en plus du système de longue date des rapporteurs spéciaux sur les droits des peuples autochtones, l’extrême pauvreté, le logement, la santé et l’alimentation. Des rapporteurs spéciaux ont récemment été nommés pour l’eau et l’assainissement, la solidarité et les droits de l’Homme, et l’environnement.

- De nouveaux instruments, destinés à faire face aux réalités mondiales actuelles, sont en cours d’élaboration dans le cadre d’un processus transparent et inclusif. Il s’agit de la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, et d’un instrument juridiquement contraignant visant à réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales. Ces mesures résultent en grande partie d’initiatives mondiales remarquables, intersectorielles et interdisciplinaires, menées par des coalitions internationales de la société civile et des mouvements sociaux travaillant avec des gouvernements progressistes.

- Aux niveaux national et infranational, le système de protection fait intervenir les tribunaux nationaux, les commissions, tribunaux et médiateurs des droits de l’Homme, et les organisations, campagnes et mouvements issus de la société civile. L’évolution des droits de l’Homme au niveau national, dans les constitutions et les lois, avec le droit à la terre, le droit à un environnement sain et les droits de la nature, représente aussi une avancée importante.

Les notions de solidarité, de fraternité, de coopération et de confiance, qui vont au-delà de l’approche principalement individualiste pour laquelle les paradigmes occidentaux ont été critiqués, sont également de plus en plus reconnues comme les pierres angulaires d’une vision du monde alternative et radicale fondée sur les droits de l’Homme.

Ces valeurs s’expriment le mieux dans le paradigme des droits de l’Homme, qui privilégie la vérité, qui constitue une expression puissante des valeurs et impératifs éthiques, moraux et juridiques, et qui défend la dignité de l’individu et l’identité collective de la communauté. Dans les contextes internationaux, nationaux et régionaux, les principes et les instruments des droits de l’Homme devraient être rigoureusement appliqués par les militantes et militants du post-développement dans leur résistance aux forces hégémoniques.

Pour aller plus loin

Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, www.fao.org

« Defending Peasants’ Rights », www.defendingpeasantrights.org

Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme, www.ohchr.org

International Service for Human Rights, www.ishr.ch

Treaty Alliance, www.treatymovement.com

La Vía Campesina, www.viacampesina.org/en/international-peasants-voice/

Miloon Kothari est un chercheur-militant reconnu dans le domaine des droits de l’Homme. Il est le président d’upr (Universal Periodic Report) Info et a été l’ancien rapporteur spécial sur le logement adéquat auprès du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies. Durant son mandat, il a dirigé le processus qui a abouti aux principes de base et directives des Nations unies sur les expulsions et les déplacements liés au développement, qui constituent la norme opérationnelle mondiale actuelle en matière de droits de l’Homme sur la pratique des expulsions forcées.

  1. ndt : Nous avons traduit human rights par « droits de l’Homme » plutôt que par « droits humains », dans la mesure où le texte accorde une place importante au droit et que celui-ci utilise la première des deux expressions. La majuscule indique que l’expression englobe les humains dans leur ensemble.