Dès le jour de notre naissance, nous avons entrepris des actions, telles que téter le lait du sein de la mère et pleurer, qui sont toutes motivées par le désir d’éviter les malheurs et d’accéder au bonheur. Ce fait imprègne tous les êtres, sans exception, qu’ils soient croyants ou non croyants, riches ou pauvres, instruits ou non instruits. Directement ou indirectement, nous recherchons toutes et tous le plus grand bonheur.
Durant l’une des conférences publiques de Sa Sainteté le dalaï-lama, à l’université de Delhi en 2008, une jeune fille lui a demandé : « Quel est le sens de la vie ? » Sa Sainteté, sans hésiter, a répondu : « Nous vivons d’espoir, et nous espérons un bonheur authentique. Par conséquent, le bonheur authentique est le sens de la vie. »
La source ultime du bonheur est en nous. Tout comme le son d’un claquement de mains nécessite invariablement la réunion de deux mains, tous les malheurs que nous traversons proviennent de la réunion de deux facteurs – l’externe et l’interne. Le nombre de facteurs externes est souvent si élevé que nous pouvons difficilement en éliminer ne serait-ce qu’une partie. Cependant, si le facteur interne est retiré, comme lorsqu’on retire une main, quelle que soit la force avec laquelle l’autre main se déplace, il n’y a pas de claquement ou de son. Le son des malheurs s’arrête. Le Bouddha a indiqué que l’ego autoréférentiel, qui est déclenché par l’ignorance, est le pire des facteurs internes, dont l’éradication met fin à tous les malheurs.
Les moyens d’atteindre le bonheur en éradiquant l’ignorance égoïste. De même qu’il faut de la lumière pour éliminer l’obscurité, c’est en introduisant la lumière de la sagesse que l’on peut éliminer l’obscurité de l’ignorance, dit le Bouddha selon le Dhammapada.
La sagesse de l’interdépendance pour engendrer l’amour bienveillant. La division et la haine découlent de l’ignorance, qui consiste à percevoir la famille humaine non pas comme une, mais comme divisée en différentes ethnies, religions et pays. Pourtant, les phénomènes mondiaux tels que le réchauffement de la planète ne connaissent pas de frontières nationales. Les oiseaux dans l’air et les poissons dans l’océan ne connaissent pas non plus ces lignes virtuelles. La grippe aviaire, l’empoisonnement des poissons au mercure et la radioactivité se propagent à travers le monde sans qu’il y ait de points de contrôle aux frontières. En réalité, nous sommes toutes et tous interdépendants, et la reconnaissance de ce fait devrait susciter l’amour et l’affection, de la même manière qu’un jeune enfant ressent un amour incroyable envers sa mère lorsqu’il réalise qu’il dépend de l’amour et de la gentillesse de celle-ci. Cette philosophie est tout à fait conforme à la thèse de la physique quantique selon laquelle l’observé n’existe qu’en fonction de l’observateur.
Ego versus confiance en soi. Le plus souvent, les gens confondent les termes « ego » et « confiance en soi » et les pensent interchangeables. Il s’agit là de la plus grave erreur. L’ego est ce qui donne naissance à toutes les émotions destructrices et, de ce fait, non seulement il engendre toutes les formes d’actions irréalistes et nuisibles, mais, par suite, il attire à lui des expériences malheureuses. En revanche, la « confiance en soi » permet de rester calme. La personne qui a confiance en elle agit de manière réaliste et obtient ainsi tous les résultats attendus. Il est très triste de voir que certaines personnes éprouvent une forte haine d’elles-mêmes. C’est très malsain et nuisible pour soi-même. En faisant la distinction entre le « soi » et l’« ego », on devrait apprendre à être gentil envers le « soi » et à ne haïr que l’ego autoréférentiel.
Le bouddhisme appliqué dans la société. C’est sur la base de ce qui vient d’être dit que le message du Bouddha a contribué et peut encore contribuer immensément à la préservation écologique et à l’égalité sociale. Le Bouddha a interdit à ses disciples, y compris les monastiques, de polluer les rivières et de nuire à la végétation (Müller, 2008-2012 [1880-1882]).
Dans le même ordre d’idée, Sa Sainteté le dalaï-lama s’est engagé depuis de nombreuses années contre les atteintes portées aux animaux et contre l’utilisation de leur peau et de leur fourrure. À sa suite, les Tibétains du Tibet boycottèrent massivement l’utilisation de la peau, de la fourrure et des défenses d’éléphant en les brûlant, y compris celles héritées de plusieurs générations. Cet acte était courageux, notamment en raison de l’interdiction de brûler ces objets, promulguée par les Chinois communistes, qui craignaient l’énorme influence de Sa Sainteté le dalaï-lama sur les Tibétains du Tibet1.
De même, les communautés tibétaines en Inde se sont massivement converties au végétarisme il y a une vingtaine d’années, sur les conseils de Sa Sainteté le dalaï-lama. Vers 1997, un élevage de 87 000 poulets dans une colonie tibétaine du sud de l’Inde a été fermé après que le dalaï-lama a déclaré qu’il vivrait sûrement au moins 87 ans si l’établissement libérait tous les poulets2. Le monde, bien qu’étant à l’apogée de l’éducation moderne, est déchiré par des crises profondes telles que la corruption, le terrorisme, le fossé entre les riches et les pauvres, et la discrimination entre les sexes. Sa Sainteté le dalaï-lama considère que le système éducatif moderne, qui privilégie le développement du cerveau et non du cœur, est responsable de ces crises. Il s’est efforcé d’introduire l’« éthique universelle » comme matière dans le système éducatif moderne. Il est convaincu que cette éthique est la plus importante de toutes, non pas uniquement pour une ethnie, une religion, un pays ou une région, mais pour l’ensemble de l’humanité. Au cœur de l’éthique universelle se trouve la valeur de la cordialité fondée sur la reconnaissance du concept d’une nature interdépendante, entre les êtres humains, entre les nations et entre les humains et la nature3. Cette matière, qui a été introduite par l’université de Delhi en 2012, est maintenant proposée au Tata Institute of Social Sciences à Mumbai et dans d’autres instituts. Pour le dalaï-lama, l’éducation constitue la meilleure réponse aux crises mondiales actuelles.