L’hindouisme est la religion majoritaire en Inde, ainsi qu’une tradition religieuse mondiale. Il existe une diversité considérable parmi les nombreuses traditions et les nombreux groupes qui entrent dans la catégorie de l’« hindouisme », ou qui sont dits « hindous », et ils peuvent se tourner vers un grand nombre de textes et d’autorités pour être guidés. Dans cet article, le terme sera utilisé rétrospectivement pour désigner les nombreuses croyances, pratiques et communautés qui se rattachent aux textes sanskrits incluant, entre autres, les Vedas, les épopées, les Puranas et les Dharmashastras, sans oublier de nombreuses traditions vernaculaires du sous-continent indien et d’autres parties du monde.
Cette étude s’inscrit dans trois cadres conceptuels. Le premier est la notion de karma, qui signifie « action » mais se réfère plus largement aux conséquences des bonnes et mauvaises actions qui affectent la qualité de la vie, actuelle et future – une idée partagée avec le jaïnisme, le bouddhisme, le sikhisme et d’autres traditions sud-asiatiques. La plupart des hindous reconnaîtraient qu’il s’agit d’une notion complexe, et non d’un concept qui explique directement la souffrance et les inégalités dans la vie.
Cela nous conduit à un deuxième ensemble d’idées liées au concept de dharma (droiture, devoir, loi). Il existe des centaines de passages dans les textes sanskrits et vernaculaires sur l’importance de la justice et du bien-être social, et sur l’importance du bonheur pour tous les autres animaux. En outre, on trouve dans ces textes plusieurs exhortations à maintenir la pureté et l’intégrité des forêts, des lacs, des rivières et de la nature dans son ensemble. Ces passages ne sont pas de simples textes informatifs, mais des injonctions faites aux êtres humains d’agir de façon à multiplier le bonheur et la prospérité dans ce monde. Des instructions spécifiques sont données, par exemple, aux dirigeants, pour qu’ils agissent avec droiture, et aux personnes ordinaires pour qu’elles accomplissent leur dharma, qui peut dépendre de plusieurs facteurs comme la caste et la position dans la vie. Les déclarations sur le samanyadharma (devoir général, universel) ou le sanatanadharma (devoir continu, éternel), soit les vertus qui devraient être communes à tous les êtres humains, l’emportent sur les devoirs spécifiques qui incombent à chacun et chacune en fonction de sa situation dans la vie. Parmi ces vertus figurent la compassion, la non-violence, la générosité, la patience, la gratitude, etc. Les mouvements sociaux récents fondés sur les traditions religieuses hindoues citent ces vertus pour justifier l’action sociale.
Le troisième ensemble d’idées et de pratiques est lié au concept de bhakti (dévotion). La dévotion à la divinité, conceptualisée sous de nombreuses formes, et/ou l’engagement envers les maîtres religieux et les autres dévots ont, dans certains cas, aidé à corriger les iniquités liées au système hiérarchique des castes et à atténuer les problèmes sociaux. Par exemple, l’accent mis sur le fait que la bhakti d’une personne est plus importante que les circonstances de sa naissance a fait émerger l’idée, périodiquement dominante, que la dévotion et la piété devraient créer un système hiérarchique différent, fondé sur la foi et la vertu et non sur la naissance ou la profession. Un poète comme Nammalvar a déclaré qu’il était prêt à servir chaque dévot de la divinité Vishnu, quelle que soit sa caste. Plusieurs communautés ou leaders religieux, comme Vivekananda (1863-1902), ont également soutenu l’idée que le service rendu aux êtres humains est un service rendu à Dieu (« maanava seve madhavan seva » ou « bhagavata seva bhagavat seva »).
Il doit y avoir littéralement des milliers d’initiatives de transformation sociale qui trouvent leur source dans les traditions hindoues. Si nous pensons au grand temple de Tirumala à Tirupati, à la mission Ramakrishna et aux nombreuses institutions qu’elle a engendrées ou inspirées, à la communauté Swaminarayan, au travail de Mata Amritanandamayi, au réseau mondial d’activités inspiré par Sathya Sai Baba et à bien d’autres choses encore, nous aurons une idée de l’éventail d’initiatives et d’actions qui existent pour aider à résoudre les problèmes d’injustice sociale, de non-soutenabilité écologique et d’exploitation économique. Par exemple, les programmes jan kalyan (bien-être, ou bonheur de l’être humain) visent à fournir des infrastructures médicales, de simples cliniques de quartier jusqu’aux hôpitaux sophistiqués et ultraspécialisés, ainsi qu’à offrir un accès à l’éducation aux personnes qui en ont été privées pour des raisons liées à leur naissance, leur caste, leur situation géographique ou leurs difficultés financières.
En outre, le Tirumala Tirupati Devasthanams – l’une des institutions religieuses les plus riches au monde – s’intéresse également aux problèmes environnementaux. Au sein de cette institution, le Projet vert (Haritha Project) encourage la plantation d’arbres, l’organisation de séminaires éducatifs sur la défense de l’environnement et la biodiversité, mais aussi des activités de lutte contre la déforestation et de protection des cours d’eau contre la pollution. Plusieurs chefs religieux ont aussi travaillé activement avec le grand public, en sensibilisant les gens à des projets très importants tels que le nettoyage de grands cours d’eau comme le Gange et la Yamuna, ou la plantation d’arbres dans les montagnes pour prévenir l’érosion.
Les hindous sont confrontés à plusieurs défis dans leurs efforts pour atteindre l’équité sociale, protéger les droits humains et remédier à la dégradation de l’environnement. Dans certains cas, la religion elle-même constitue un obstacle à ces efforts. Celles et ceux qui considèrent le Gange comme un agent de purification ne croient pas que le fleuve ait lui-même besoin d’être purifié. Les hindous perpétuent, et subissent également, des actions ancrées dans l’intolérance. L’adhésion rigide à des causes religieuses et le prosélytisme agressif de nombreuses religions en Inde vont à l’encontre des droits humains. L’intolérance à l’égard des personnes qui mangent des produits carnés ; l’intolérance à l’égard des autres religions ; les vendettas religieuses ; les violences de castes qui persistent, en particulier contre les intouchables (dalits), dans de nombreuses traditions religieuses du sous-continent ; et l’oppression des femmes vont toutes à l’encontre des vertus fondamentales de non-violence et de générosité qui font partie intégrante du sanatana dharma.
L’injonction védique « sarve bhavantu sukhinah » (« que tous les êtres humains soient heureux ») est un objectif noble mais difficile à atteindre depuis plusieurs millénaires. Elle constitue néanmoins, à n’en pas douter, un fil conducteur pour les individus et les institutions dans les traditions hindoues.