Introduction
Lors du festival Le Temps d’aimer la danse à Biarritz en 2023, j’ai été confronté à un spectacle qui a ravivé en moi une admiration profonde pour la danse, une passion de longue date. Le spectacle Débandade d’Olivia Grandville1 démontre magistralement comment les nouvelles technologies peuvent fusionner avec l’expression corporelle pour créer une expérience artistique immersive et captivante sur un sujet engagé actuel et sociétal. Le mariage harmonieux entre le mouvement, la vidéo et la narration auditive dans cette performance m’a ouvert les yeux sur les innombrables possibilités offertes par la collaboration entre les arts de la scène et les nouveaux médias. Cette expérience a profondément élargi mes horizons et m’a incitée à explorer davantage les relations entre la danse et l’informatique. Ces deux domaines en apparence éloignés sont tenus par des liens se révèlent de plus en plus étroits. En tant que spectatrice passionnée, étudiante en nouveaux médias et curieuse d’en apprendre davantage, je me suis engagée dans une quête de compréhension plus approfondie de ces liens.
De nos jours, le monde fait face à de nombreux défis environnementaux, sociaux et humains. Les crises climatiques, les inégalités croissantes, les tensions politiques ont attisé les préoccupations quant à notre avenir collectif. Dans ces périodes d’incertitude et de stress, le divertissement, et en particulier la danse, endosse un rôle important et significatif. Elle permet aux individus de s’exprimer librement, de libérer des émotions refoulées et de renforcer leur bien-être mental et physique. En outre, la danse rassemble les communautés, favorise la cohésion sociale et renforce les liens interpersonnels, créant ainsi un sentiment d’appartenance et de solidarité dans un monde souvent divisé. De nos jours, le paysage artistique contemporain, les collaborations entre programmeurs et danseurs ont émergé. La technologie rencontre l’expression corporelle et ces échanges offrent de nouvelles voies pour l’innovation artistique et la création de performances immersives. Ce mémoire vise à explorer les multiples facettes de ces collaborations, en examinant les défis, les opportunités et les implications esthétiques et pratiques qui en découlent.
Pour explorer la notion de collaboration entre la danse contemporaine et les nouvelles technologies, sil est essentiel de rappeler sa définition. Dans le dictionnaire populaire Larousse : « l’action de collaborer, de participer à une œuvre avec d’autres ». Cette définition souligne l’idée d’un travail en équipe caractérisé par des interactions et les mutualisations des compétences au service d’un projet commun. Dans le contexte spécifique de ma recherche, la collaboration entre danseurs et spécialistes des technologies numériques implique l’alliance de savoir-faire distinct, dans laquelle chaque participant apporte une expertise unique. C’est une démarche qui favorise l’échange d’idées et la création de nouvelles formes artistiques, dépassant souvent les résultats qu’un créateur pourrait atteindre seul. En approfondissant les formes de cette collaboration, je vais pouvoir préciser les défis et les bénéfices d’une telle interaction. Pour illustrer ces dynamiques, j’introduirai tout d’abord l’œuvre de Merce Cunningham, pionnier dans ce domaine, en abordant ses nombreuses collaborations avec les nouveaux médias. Je poursuivrai en présentant l’évolution des logiciels de création chorégraphique, leurs fonctionnalités et leurs apports dans la danse contemporaine. Ensuite, je clarifierai les termes de « performance numérique » et de « danse augmentée », en examinant des exemples d’œuvres issues de cette collaboration. Enfin, je conclurai sur les limites et les possibilités qu’offrent l’intégration de la technologie, en questionnant son impact sur l’essence même de la danse contemporaine.
Merce Cunningham précurseur
Merce Cunningham est un danseur chorégraphe américain et une figure emblématique de la danse contemporaine du 20e siècle. Il a marqué l’histoire de l’art par son approche novatrice et expérimentale de la chorégraphie, connue comme étant un précurseur de l’utilisation des nouveaux médias dans la danse. Durant presque toute sa carrière, Merce Cunningham n’aura cessé d’expérimenter et de tester la collaboration possible avec la technologie en passant par la caméra puis par les logiciels. Ce danseur a été visionnaire d’une ère qui, actuellement, fait partie du paysage et du monde de la danse contemporaine. Son travail a grandement influencé la collaboration entre danseurs et programmeurs dans le domaine de la danse augmentée et de la performance numérique. Ce danseur était connu pour sa volonté de repousser les limites de la danse traditionnelle et de rechercher de nouvelles formes d’expression artistique comme en intégrant des éléments de hasard, de mouvement non narratifs ou bien avec des interactions des technologies novatrices émergentes de son époque.
En 1937, Merce Cunningham commence ses études de danse à la Cornish School de Seattle, où il rencontre le compositeur visionnaire John Cage. Celui-ci devient son partenaire de vie et de création, et ensemble, ils marquent profondément le paysage artistique du 20e siècle. Il commença sa carrière de danseur dans la compagnie de Martha Graham, puis créa sa propre compagnie au début des années 50. En 1952, Merce Cunningham et John Cage ont repoussé les limites de la collaboration artistique avec Theater Piece n°1, souvent reconnu comme le premier « happening » de l’histoire de l’art. Présentée au Black Mountain College, cette œuvre novatrice rassemble danse, musique, poésie et projections visuelles dans une configuration sans répétition commune ni synchronisation. Chaque artiste, dont Cunningham, Cage, David Tudor, et Robert Rauschenberg, intervient de manière autonome autour d’un public placé au centre de la salle, créant un environnement où le hasard et l’improvisation priment. Dans cette approche unique, les frontières entre disciplines disparaissent, chaque élément artistique interagit librement sans coordination préalable. Ce format radical révèle la vision avant-gardiste de Cage et Cunningham : faire de l’art un espace ouvert et expérimental où disciplines et spectateurs se rencontrent pour une expérience immersive, redéfinissant ainsi la performance contemporaine. La méthode de travail de composition du danseur repose sur le hasard, l’aléatoire et l’expérimentation. Robert Rauschenberg, artiste peintre, intègre la compagnie en tant que scénographe et costumier. Merce Cunningham voulait combiner des choses qu’il ne connaissait pas pour produire « autre chose ».
Dans une autre œuvre emblématique de ce trio il y a Summerspace de 1958. Les danseurs portaient des costumes peints dans le même motif que le fond et le sol de la pièce, ainsi les danseurs pouvaient se confondre dans le décor. Critiqué au début car trop expérimental, le travail de Merce Cunningham séduit le monde au début des années 70. À cette même période, l’artiste Robert Rauschenberg arrête sa collaboration avec le danseur afin de se consacrer à son travail personnel. C’est ainsi que Merce Cunningham a pu collaborer avec divers artistes comme Andy Warhol ou Jaspers John…
Ses débuts avec la caméra
Dans les années 70 la compagnie se dissout, cela marque un nouveau départ dans la carrière du danseur. Suite à cela, Cunningham commence à explorer l’utilisation de la caméra comme un outil créatif dans ses performances. Le danseur a sollicité l’aide du vidéaste Charles Atlas pour découvrir les potentialités artistiques de la vidéo. Cette collaboration avec le cinéaste Charles Atlas a ouvert de nouvelles perspectives sur la manière dont la danse pouvait être capturée et présentée à travers le médium de la vidéo. A l’époque, l’intérêt de cet outil pour le chorégraphe ne résidait pas dans l’archivage ou la simple captation de ses chorégraphies, mais dans l’exploration que cet outil pouvait apporter à l’art. La perspective, l’espace et le mouvement devaient être reconsidérés à travers la caméra. Cunningham était intrigué par la façon dont la caméra pouvait altérer et enrichir la perception de la danse, créant des opportunités de nouvelles créations impossibles sans cet appareil. La première œuvre « vidéo-danse » de Cunningham, Westbeth (1974), créée en collaboration avec Atlas, était une chorégraphie conçue pour l’écran. Cependant, cette expérience a révélé des défis et des contraintes dû à ce médium, cela induirait une gestion de l’espace scénique différente. Par exemple la profondeur de champ ainsi que la captation numérique, qui modifiaient le rythme des danseurs.
Fractions (1977) a également révélé ces problèmes. À travers ces essais, il a réalisé qu’il fallait adapter certaines normes chorégraphiques pour la caméra, comme les pauses et les répétitions, qui perdaient de leur impact à l’écran comparé à la scène. Dans le livre Merce Cunningham Chorégraphier pour la caméra d’Annie Suquet, Merce Cunningham fait part lors d’une interview que l’action de créer pour la caméra demandait un rythme plus nerveux afin de créer une image vivante, intégrant les mouvements de la caméra et des danseurs. Les coupures et le montage sont devenus essentiels pour rendre l’image aussi captivante que la danse elle-même.
Avec Locale (1979), Cunningham a intégré pleinement la caméra dans la chorégraphie, ne se contentant plus de la positionner, mais en la faisant partie intégrante de la danse. En 1980, avec Atlas, ils ont atteint des résultats remarquables, comme dans Channels/Insert (1981), où l’espace devenait flou, jouant avec les points de vue et le montage, redéfinissant l’espace chorégraphique de manière irrationnelle. Cunningham a collaboré avec des cinéastes expérimentaux, explorant des angles de caméra uniques, des mouvements dynamiques et des montages non linéaires pour capturer l’énergie et la fluidité de ses chorégraphies. Cette exploration précoce de la relation entre la danse et la caméra a jeté les bases des futures collaborations entre programmeurs et danseurs dans la danse augmentée et la performance numérique. La rapidité de l’affichage des images sur écran l’a conduit à repenser certains mouvements. Après ses expériences avec la caméra, il a perçu les limites de cette approche et s’est orienté vers l’informatique.
Sa rencontre avec les nouvelles technologies
Au début des années 1990, Cunningham s’est tourné vers les logiciels de simulation de mouvements, non seulement comme outil de notation, mais aussi comme moyen de composition chorégraphique. En 1989, le premier logiciel dédié à la chorégraphie, nommé Lifeforms, a été développé par un laboratoire de recherche dirigé par Tom Calvert avec l’aide de Merce Cunningham à l’Université Simon Fraser de Vancouver. LifeForms a permis à Cunningham de visualiser et de manipuler des mouvements de danse sur un écran d’ordinateur avant de les expérimenter avec ses danseurs. Le logiciel offrait une précision et une flexibilité inédites, permettant de concevoir des séquences de mouvements complexes et innovantes sans les contraintes physiques immédiates d’un studio de danse. Cunningham a été un pionnier dans le développement de notations chorégraphiques numériques, conscient des limites des systèmes traditionnels pour transcrire ses chorégraphies complexes. Il a cherché à capturer la fluidité des mouvements en utilisant des supports informatiques, développant un logiciel permettant de créer des notations basées sur des données numériques telles que la trajectoire des mouvements et la synchronisation avec la musique. Cette forme de notation numérique a offert une manière plus précise de détailler et de documenter ses chorégraphies, préservant ainsi leur intégrité artistique et leur complexité. Le passage de la caméra aux logiciels symbolise la quête incessante de Cunningham pour repousser les limites de la création chorégraphique. Il a transformé la manière dont la danse est documentée, enseignée et préservée pour les générations futures, ouvrant la voie à une nouvelle génération de chorégraphes qui intègre les technologies numériques dans leurs processus créatifs. Son travail montre comment la danse peut évoluer et s’enrichir grâce à l’innovation technologique tout en conservant son aspect artistique. Les logiciels ont également permis une collaboration plus étroite avec d’autres artistes et techniciens, intégrant musique, lumière et projection vidéo de manière cohérente. Cette approche interdisciplinaire reflète l’évolution de son travail vers des performances plus immersives grâce aux technologies avancées, démontrant que celles-ci peuvent offrir de nouvelles opportunités pour l’expression chorégraphique.
Merce Cunningham a innové en utilisant des outils numériques comme le logiciel LifeForms pour documenter ses chorégraphies de manière plus précise qu’avec la simple captation vidéo. Ces technologies lui ont permis de visualiser et manipuler des mouvements en espace virtuel, expérimenter de nouvelles combinaisons et concevoir des notations chorégraphiques numériques. Son travail a ainsi marqué un tournant dans la documentation de la danse et inspiré une nouvelle génération de chorégraphes et chercheurs, ouvrant la voie à l’intégration de la technologie dans la création chorégraphique contemporaine.
La notation chorégraphique et les logiciels
Dans ce contexte, il est essentiel d’approfondir et de définir l’évolution de la notation chorégraphique, ainsi que les outils numériques qui en découlent, influencent et transforment le paysage de la danse contemporaine. La notation chorégraphique est un système de transcription écrite permettant de représenter les mouvements de la danse de manière précise. Elle sert à enregistrer, analyser et transmettre des œuvres chorégraphiques, facilitant ainsi la préservation et la diffusion du répertoire de la danse à travers le temps et les cultures. La notation chorégraphique est cruciale pour la conservation du patrimoine chorégraphique, la formation des danseurs et la recherche académique. Les systèmes de notation permettent aux chorégraphes de transmettre leur travail avec précision, aux historiens de la danse d’analyser des œuvres du passé et aux compagnies de danse de reproduire des pièces avec fidélité. La notation chorégraphique est un ensemble de symboles et de règles utilisé pour documenter les positions, les mouvements et les séquences dans la danse. Les principaux objectifs de cette notation sont de capturer fidèlement une chorégraphie pour la préserver, étudier les mouvements pour comprendre les techniques et les styles, d’enseigner et reproduire une chorégraphie de manière cohérente et précise. La nécessité de noter la danse remonte à plusieurs siècles, mais les systèmes structurés de notation sont relativement récents.
Histoire de la notation chorégraphique
L’un des premiers systèmes connu est le système de notation de Beauchamp-Feuillet, développé en France par Pierre Beauchamp2 et publié par Raoul-Auger Feuillet en 1700. Ce système utilisait des symboles graphiques comme pour indiquer les pas et les mouvements de danse baroque. Au XIXe siècle, plusieurs tentatives de notation ont été faites, mais elles n’ont pas eu de succès généralisé. Les chorégraphes et les danseurs se reposaient encore beaucoup sur la transmission orale et l’imitation directe. La notation Laban, développée par Rudolf Laban, un chorégraphe et théoricien du mouvement hongrois, voit le jour en 1920. Laban a cherché à développer un système de notation permettant de décrire de manière précise et détaillée les qualités du mouvement, telles que la direction, l’intensité, le rythme, ainsi que les relations spatiales entre les différents mouvements. La notation Laban utilise des symboles graphiques et des diagrammes pour représenter ces éléments, permettant ainsi aux danseurs, chorégraphes et chercheurs de documenter et d’analyser le mouvement chorégraphique de manière systématique et reproductible. Ce système utilise une série de formes géométriques pour représenter la direction, la durée et la dynamique des mouvements, et inclut également la notation Benesh. Elle a été créée dans les années 1950 par Rudolf et Joan Benesh, et se sert de symboles graphiques et de diagrammes pour documenter le mouvement dans une partition chorégraphique. Contrairement à la notation Laban, qui met l’accent sur les qualités du mouvement, la notation Benesh se concentre sur la représentation spatiale et temporelle du mouvement. Celle-ci est couramment utilisée dans le ballet classique et d’autres styles de danse qui exigent une grande précision et rigueur technique, utilisant des symboles pour indiquer la position des différentes parties du corps dans l’espace et dans le temps. Ce système emploie des lignes et des symboles placés sur une portée musicale pour indiquer la position et le mouvement du corps dans l’espace.
La notation chorégraphique joue un rôle crucial dans la documentation, la transmission et la préservation de l’art de la danse, permettant aux œuvres chorégraphiques de traverser le temps et les générations. Lors d’une conférence en mai 2024 au Palais des Congrès de Paris, Sarah Fdili Alaoui3, enseignante et e-chercheuse au Laboratoire de Recherche en Informatique (LRI) de l’Université Paris-Sud, a partagé ses observations sur la notation chorégraphique contemporaine. Elle souligne que des systèmes comme la labanotation demeurent complexes et que peu de compagnies ou de danseurs maîtrisent leur lecture ou leur utilisation. Elle explique également que chaque chorégraphe développe souvent un vocabulaire graphique unique, rendant la transmission et la compréhension des œuvres plus difficiles. Les questionnements autour de la documentation de la danse ont encouragé des expérimentations technologiques en pleine expansion, évoluant depuis les années 1990 pour inclure des techniques plus sophistiquées comme la capture de mouvement, l’augmentation vidéo et l’animation interactive, afin de préserver et enrichir les pratiques de chorégraphes de renom.
Les logiciels issus de la notation chorégraphique Laban et Benesh
Ces notations ont donné la base pour des logiciels tels que LifeForms employé par Cunningham pour concevoir et visualiser des mouvements de danse sur ordinateur. Ce logiciel permet aux chorégraphes de manipuler des modèles de danseurs virtuels, d’expérimenter de nouvelles séquences de mouvements et de documenter leurs créations avec précision. Lifeforms est un logiciel qui se base sur la création d’animation de mouvements humains en trois dimensions, laissant la possibilité aux chorégraphes de pouvoir expérimenter et visualiser des séquences avant même qu’elles soient mises en pratique par les danseurs. Les principales fonctionnalités du logiciel incluent la création et la manipulation de séquence en mouvement grâce à des avatars 3D permettant l’exploration de divers styles de danse et d’interactions entre des danseurs. Sur le logiciel se trouve une bibliothèque dense de mouvements prédéfinis facilitant la création de chorégraphies ainsi que la possibilité d’exporter des séquences de mouvement dans d’autres logiciels plus performants de capture vidéo ou d’animation.
Durant mes recherches, j’ai découvert un autre logiciel qui est aussi très utilisé par les chorégraphes actuels dans la création et la production ; celui-ci est Isadora. Isadora est un logiciel interactif de création multimédias permettant aux artistes et aux performeurs de créer des performances interactives en temps réel. Développé par Mark Coniglio cofondateur de la compagnie Troika Ranch ce logiciel a été créé en 2002 afin de combler un besoin d’outils permettant de fusionner la performance en direct et des éléments visuels et sonores. Le logiciel tient son nom de la célèbre danseuse Isadora Duncan, pionnière de la danse moderne. Le logiciel est connu pour sa flexibilité, il peut gérer différentes interactions assez complexes sur divers médias. Ces principales fonctionnalités sont la capture, l’analyse de mouvements grâce à des capteurs de mouvements, et ainsi générer des visuels et des sons en temps réel. L’utilisation de projection vidéo et de mapping permet aux logiciels de projeter sur différentes surfaces un environnement visuel immersif. Isadora est souvent utilisée dans la danse contemporaine pour intégrer des éléments multimédias dans les performances, permettant aux danseurs d’interagir avec des projections vidéo, des effets sonores et d’autres éléments visuels.
Pour pousser ma recherche un peu plus loin je me suis intéressée à des logiciels opensource utilisés dans le milieu de la danse mais aussi dans d’autres domaines tels que la médecine avec EyesWeb. Ce logiciel est une plateforme opensource qui existe pour la conception et le développement de systèmes d’interface multimédias en temps réel. Ce logiciel permet l’analyse et synthétise le mouvement, le son et les visuels interactifs. Dans le contexte de la danse EyesWeb utilise des techniques de traitement d’image et de suivi de mouvement pour analyser et interpréter les gestes des danseurs en temps réel, offrant des outils puissants pour la recherche et l’exploration du mouvement chorégraphique. Développé par le Laboratoire de Musique Informatique et Multimédia à l’Université de Gênes, en Italie il a été lancé à la fin des années 1990. Ce logiciel est conçu pour générer des interactions entre les mouvements corporels et l’environnement multimédias en temps réel. Le logiciel a comme fonctionnalité première, la capture et l’analyse des mouvements. Grâce à des caméras et des capteurs, il peut capturer les mouvements en temps réel et générer des réponses visuels ou sonores. Le logiciel facilite la programmation d’application interactive sans compétence de programmation. Il fournit une plateforme puissante pour capturer et interpréter les gestes corporels dans divers contextes, y compris la danse. EyesWeb utilise des techniques de vision par ordinateur pour suivre et traduire les mouvements des personnes dans une vidéo en temps réel. Il peut détecter les contours des objets en mouvement, suivre la position et les mouvements des différentes parties du corps, et reconnaître des gestes spécifiques à partir de modèles prédéfinis. En utilisant des caméras vidéo et des algorithmes de suivi de mouvement, le logiciel peut suivre les mouvements des danseurs en temps réel et générer des données précises sur la position, la vitesse, la direction, et d’autres paramètres du mouvement. Ces données peuvent ensuite être utilisées pour analyser la performance, évaluer la technique des danseurs, créer des visualisations graphiques du mouvement, ou même interagir avec des éléments visuels ou sonores lors de performances en direct. Le logiciel est connu pour être modulaire favorisant la combinaison de différentes fonctionnalités pour créer des actions personnalisées. Ainsi il offre la possibilité d’enregistrer et de synchroniser en temps réel sur différents canaux multimédia connectés avec un certain nombre de bibliothèques de logiciels. Il peut être un outil majeur dans la création.
Ces outils montrent l’influence profonde des notations et systèmes Laban et Benesh sur le développement de technologies numériques qui enrichissent et élargissent la pratique de la danse. Ils permettent aux chorégraphes et aux danseurs d’explorer de nouvelles formes d’expression artistique et de communication corporelle. Les avancées apportées par ces logiciels ont ouvert la voie à une variété de nouveaux outils et technologies qui continuent d’enrichir le domaine de la danse numérique. Les chorégraphes d’aujourd’hui disposent ainsi d’un vaste éventail de technologies pour repousser les limites de la création et de la performance.
Forme d’expression artistique qui incorpore les technologies dans le processus créatif et leur présentation scénique
L’usage de logiciels dans la danse contemporaine a révolutionné l’espace scénique, offrant un terrain propice à l’innovation et à l’expression artistique. Ces outils permettent aux chorégraphes de créer des performances où la danse se mêle harmonieusement à des éléments visuels et sonores numériques. LifeForms, avec ses capacités de modélisation et de simulation de mouvement, facilite la planification et l’expérimentation de chorégraphie avant leur mise en scène. Isadora, réputé pour ses fonctions de traitement en temps réel, synchronise les mouvements de danse avec des projections vidéo et des effets multimédias interactifs, créant ainsi des expériences immersives. EyesWeb, quant à lui, propose des solutions avancées pour la capture et l’analyse des mouvements, facilitant des interactions sophistiquées entre le danseur et l’environnement numérique. Ces logiciels transforment l’espace scénique en un environnement dynamique où l’art et la technologie convergent, ouvrant de nouvelles perspectives d’expression et enrichissant l’expérience du spectateur. Ces technologies permettent aux chorégraphes de synchroniser les mouvements de danse avec des projections vidéo, des effets sonores et des interactions en temps réel, transformant l’espace scénique en un environnement nouveau et multisensoriel. Cette association entre l’art de la danse et les avancées technologiques enrichit non seulement l’expérience du spectateur mais ouvre également de nouvelles voies d’expression artistique, redéfinissant les normes de la danse contemporaine tel que l’expression corporelle et émotionnelle des artistes : l’improvisation.
Processus créatif
L’intégration du numérique dans la danse a redéfini ses normes, faisant émerger deux catégories inédites : la performance numérique et la danse augmentée. La performance numérique est une forme d’expression artistique qui incorpore les technologies dans le processus créatif et sa présentation scénique. Elle se distingue de la performance traditionnelle par l’utilisation de logiciels, d’ordinateurs, de capteurs et de projections pour enrichir l’action en direct. Cette forme de performance permet d’explorer et d’expérimenter de nouvelles interactions entre l’artiste, les technologies et le spectateur, créant une expérience immersive et interactive. Dans ce cadre, la performance numérique se définit par l’intégration harmonieuse de la technologie numérique et du mouvement corporel, enrichissant l’expression artistique des danseurs. La performance numérique peut se manifester sous diverses formes telles que des installations interactives, des spectacles ou des performances en réalité virtuelle. Cela nécessite une co-création entre un programmeur, qui développe les outils technologiques nécessaires, et un chorégraphe, qui apporte son expertise artistique. Le numérique devient alors un acteur propre à la pièce au même titre que la danse. Cette collaboration donne lieu à une expression corporelle différente et à une expérience unique, où le numérique devient un puissant médium pour explorer de nouvelles formes de narration, d’interaction et d’émotion à travers le corps en mouvement. La danse augmentée est une sous-catégorie de la performance numérique où la technologie se mêle aux mouvements des danseurs, créant ainsi une expérience immersive. Dans ce contexte, les gestes des artistes déclenchent des actions des logiciels, intégrant ainsi le numérique de manière organique dans la performance. Cette interaction enrichit l’expérience du spectateur en transformant le corps du danseur en un élément interactif de la création. Elle utilise des dispositifs tels que des capteurs de mouvement, des projections interactives et des environnements virtuels. Ces technologies permettent aux mouvements des danseurs de déclencher des projections visuelles, de modifier la musique ou d’interagir avec des éléments virtuels en temps réel. La danse augmentée se concentre sur l’enrichissement de la danse grâce à des technologies comme les projections interactives et la réalité augmentée, visant à étendre les possibilités chorégraphiques et à créer des interactions visuelles et sensorielles entre les danseurs et leur environnement numérique. En revanche, la performance numérique englobe une gamme plus large des arts de la scène, intégrant non seulement la danse mais aussi le théâtre, la musique et d’autres formes de performance, en utilisant les technologies numériques pour transformer l’expérience scénique et créer des environnements immersifs et interactifs. Ainsi, bien que la danse augmentée soit une sous-catégorie spécialisée de la performance numérique, cette dernière représente un champ plus vaste d’innovation artistique.
Présentation scénique
Pour illustrer la performance numérique et la danse augmentée ainsi que l’utilisation des logiciels tels que Lifeforms et Isadora, nous allons examiner des exemples emblématiques à travers les époques. Une des premières œuvres marquantes de l’utilisation du logiciel Lifeforms est BIPED, une œuvre de Merce Cunningham créée en 1999. Cette création est le fruit d’une collaboration innovante entre Cunningham et les artistes numériques Paul Kaiser4 et Shelley Eshkar5. Le nom de la pièce est inspiré de leur projet BIPED, acronyme de Body in Performance Environment Database. Cunningham a utilisé le logiciel LifeForms pour élaborer les mouvements de danse, offrant une flexibilité créative exceptionnelle qui lui permettait d’expérimenter des combinaisons complexes et de visualiser les interactions entre les danseurs. Kaiser et Eshkar ont contribué en capturant les mouvements et en les animant numériquement, créant des figures de danseurs virtuels. Ces figures, basées sur les mouvements capturés des danseurs réels, étaient transformées en animations projetées sur un écran translucide. Cette superposition fascinante brouille les frontières entre le monde physique et numérique. Les danseurs virtuels, projetés sur un écran à l’avant de la scène, interagissent visuellement avec les danseurs en chair et en os. BIPED a été salué pour son innovation et son esthétique avant-gardiste, démontrant comment la technologie peut être intégrée de manière fondamentale dans la création artistique, au-delà de son rôle de simple outil de soutien.
Au cours de la même année la création Contours voit le jour, une œuvre pionnière de la chorégraphe et théoricienne Susan Kozel, qui explore les intersections entre la danse, la technologie et la philosophie. Dans cette performance les danseurs évoluent lentement, avec une attention profonde à leur espace et leur corps, traçant des lignes fluides et épurées comme s’ils suivaient un contour invisible. Leurs mouvements dialoguent avec une ambiance sonore délicate, faite de sons électroniques subtils qui résonnent en harmonie avec leurs gestes. Une lumière tamisée, teintée de bleus et de gris, sculpte les ombres et accentue le mystère de la scène, tandis que des projections abstraites s’additionnent à des textures visuelles qui amplifient l’impression du spectateur. Cette performance se distingue par son utilisation innovante de logiciels interactifs et de technologies numériques, établissant un dialogue profond entre le corps humain et les environnements numériques. Contours examine les relations entre l’espace, le mouvement et la perception à travers une approche sensible de la danse. En utilisant des logiciels comme Isadora et d’autres outils de visualisation en temps réel, la performance projette des images et des formes abstraites qui évoluent en réponse aux mouvements des danseurs. Ces projections ne sont pas simplement des décors, mais des éléments actifs de la chorégraphie, réagissant et changeant en synchronisation avec les interprètes. Des capteurs de mouvement sophistiqués à l’aide de caméra infrarouge identifient les gestes et les déplacements des danseurs. Les données recueillies sont ensuite utilisées pour manipuler les projections et autres éléments visuels, créant une interaction dynamique entre le corps et l’environnement numérique. Contours a impliqué une étroite collaboration entre Susan Kozel, les danseurs, et une équipe technique spécialisée dans les technologies interactives. Dès le début, les danseurs ont travaillé avec les techniciens pour comprendre et expérimenter les possibilités offertes par les outils numériques. Susan Kozel représente un exemple marquant de cette collaboration, où la technologie et la danse se rencontrent pour créer une expérience immersive et philosophique.
Quelques années plus tard, en 2006, la compagnie Troika Ranch, fondée par Dawn Marie Stoppiello6 et Mark Coniglio, connue pour son exploration des interactions entre le mouvement humain et les environnements numériques crée 16 [R]evolutions. Cette pièce s’inscrit dans une série d’œuvres où Troika Ranch cherche à repousser les frontières de la performance en utilisant des technologies interactives. 16 [R]evolutions explore les thèmes de la transformation et de l’évolution, tant physique que numérique. Dans 16 [R]evolutions de Troika Ranch, les danseurs évoluent par mouvements intenses et précis, entre isolement et échanges dynamiques, illustrant cycles et répétitions. Un paysage sonore puissant, mêlant sons industriels et électroniques, rythme chaque geste, entre tensions et silences, renforçant l’impression d’une mécanique vivante. Des lumières vives et changeantes, dans des tons de rouge, blanc et bleu, accentuent cet effet, tandis que des projections géométriques suivent et transforment les formes des corps, créant une immersion visuelle où les danseurs semblent fusionner avec un univers en perpétuelle révolution. Elle met alors en scène des danseurs interagissant en temps réel avec des éléments visuels et sonores générés par ordinateur. Au cœur de cette création se trouve le logiciel Isadora. Dans 16 [R]evolutions Isadora joue un rôle crucial en permettant la capture et l’analyse des mouvements des danseurs via des capteurs, et en synchronisant ces mouvements avec des projections vidéo et des effets sonores. Les mouvements des danseurs, sont traités par Isadora pour générer des visuels et des sons en direct. Un simple geste peut déclencher une série de transformations visuelles complexes, symbolisant le concept de révolution et d’évolution. Les sons évoluent en réponse aux actions des danseurs, créant une composition sonore dynamique et immersive. La collaboration entre les programmeurs et les danseurs de Troika Ranch est essentielle à la réalisation de 16 [R]evolutions. Les danseurs ne sont pas seulement interprètes, mais aussi co-créateurs, influençant directement le contenu numérique. Cette interaction entre l’humain et la machine incarne une forme de danse augmentée, où la technologie amplifie et enrichit l’expression artistique. La pièce démontre comment les outils numériques comme Isadora peuvent dépasser leur rôle de support technique pour devenir des partenaires créatifs à part entière.
Quelques années plus tard, en 2013, la compagnie britannique Motionhouse créée Broken, une performance numérique qui fusionne habilement la danse contemporaine avec les technologies numériques pour explorer les thèmes de l’interaction humaine avec la Terre. L’œuvre explore la relation complexe et souvent fragile entre les êtres humains et la planète. À travers des chorégraphies dynamiques et des effets visuels impressionnants, la pièce met en scène des paysages en perpétuelle transformation, symbolisant les forces naturelles et les impacts de l’activité humaine sur l’environnement. Les forces naturelles prennent forme à travers des éléments graphiques immersifs et dynamiques, accentuant la sensation de puissances environnementales en action. Par exemple, la terre est représentée par des projections de roches, de fissures et de failles qui apparaissent sur les décors et le sol. Ils illustrent la fragilité de la croûte terrestre et les mouvements tectoniques. Les danseurs interagissent avec ces visuels, comme s’ils étaient touchés directement par les fractures et les secousses, renforçant l’idée d’une connexion profonde avec ces forces naturelles. Les danseurs évoluent dans un espace scénique où les éléments physiques et numériques interagissent de manière constante. Broken utilise des logiciels de projection et d’interaction en temps réel. Ces technologies permettent de créer des environnements visuels qui réagissent aux mouvements des danseurs, transformant la scène en un espace vivant et changeant. Motionhouse, une compagnie de danse, utilise des logiciels de mapping vidéo pour projeter des images et des animations sur des surfaces variées, y compris le sol et les décors mobiles. Des capteurs de mouvement et des logiciels de traitement de données en temps réel permettent aux projections de réagir aux déplacements et aux actions des danseurs. Par exemple, un danseur marchant sur une partie de la scène peut déclencher une animation de sol se fissurant sous ses pieds, créant une interaction immersive entre le performeur et le décor numérique. Les chorégraphes de Motionhouse travaillent en osmose avec des artistes numériques pour concevoir des séquences où les projections et les mouvements se complètent et s’enrichissent mutuellement. Cette interaction interdisciplinaire est essentielle pour créer l’harmonie entre les éléments physiques et virtuels de la performance. Grâce à l’utilisation de logiciels de projection et d’interaction en temps réel, la compagnie a réussi à créer une œuvre qui non seulement captive visuellement, mais engage également le spectateur dans une réflexion profonde sur notre relation avec la Terre. Cette collaboration exemplaire entre danse et technologie ouvre de nouvelles perspectives pour l’expression artistique et la performance scénique contemporaine.
Plus récemment dans la danse augmentée l’utilisation de l’intelligence artificielle a marqué un tournant significatif. No One is an Island, créé en 2020 par le chorégraphe Wayne McGregor en collaboration avec le collectif d’art et de technologie Random International, illustre cette évolution. Cette œuvre innovante explore la relation entre les humains et l’intelligence artificielle, en s’appuyant sur une interaction sophistiquée entre les danseurs et des technologies numériques. L’œuvre examine les notions de connexion, d’individualité et de collectif à travers le prisme de la technologie. Wayne McGregor, connu pour son approche avant-gardiste de la chorégraphie et son intégration des sciences et des arts, s’associe à Random International, un collectif renommé pour ses installations interactives et ses explorations de l’intelligence artificielle (IA). Cette danse augmentée repose sur l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle qui analysent les mouvements des danseurs en temps réel. Ces systèmes, basés sur des algorithmes d’apprentissage automatique, permettent à l’IA de réagir de manière autonome aux actions des danseurs, créant une interaction dynamique et imprévisible. Des logiciels de projection avancés sont utilisés pour générer des visuels qui évoluent en réponse aux mouvements des danseurs et aux décisions de l’IA. Ces projections créent des environnements visuels immersifs qui changent constamment, reflétant les interactions entre les danseurs et l’IA. La bande sonore de la performance est également contrôlée par des logiciels interactifs qui modifient la musique en fonction des interactions en temps réel entre les danseurs et l’IA. Cette collaboration interdisciplinaire a permis de repousser les limites de ce qui est possible dans la danse contemporaine. La performance a été saluée pour sa profondeur émotionnelle et sa capacité à poser des questions sur la nature de l’interaction humaine à l’ère de l’intelligence artificielle. En conclusion, No One is an Island de Wayne McGregor et Random International est une œuvre illustrant parfaitement comment la technologie et la performance humaine peuvent se rencontrer pour créer une expérience scénique innovante et immersive. Cette œuvre démontre comment la collaboration entre artistes et techniciens peut ouvrir de nouvelles perspectives pour l’expression artistique contemporaine, redéfinissant les normes de la performance scénique.
Merce Cunningham avait compris il y a quelques années de cela, le potentiel des outils numériques bien avant leur adoption généralisée. Maintenant elles font partie intégrante de notre environnement quotidien ainsi que dans l’univers de la danse. La collaboration entre informaticiens et danseurs contemporains, a profondément transformé le paysage de la danse. Elle ne se limite pas à enrichir la chorégraphie, mais révolutionne également notre perception et notre expérience du mouvement. Cette rencontre entre deux univers apparemment distincts révèle des implications et des opportunités étonnamment complémentaires, ouvrant la voie à une innovation artistique et à une créativité interdisciplinaire. Les informaticiens ont apporté une contribution significative à travers le développement de logiciels dédiés à la danse contemporaine, tels que LifeForms, EyesWeb et Isadora. Ces technologies, développées en partenariat avec des danseurs, permettent de modéliser, analyser et créer des compositions chorégraphiques complexes. Elles offrent aux chorégraphes de nouvelles perspectives de notations et d’outils créatifs pour leurs spectacles quand aux danseurs, elles offrent des moyens innovants de partage et d’appropriation de leur art. Elles rendent possible des chorégraphies interactives et dynamiques où les mouvements peuvent être capturés, analysés et manipulés en temps réel. Les récentes avancées en intelligence artificielle ont ouvert de nouvelles perspectives, permettant des interactions encore plus sophistiquées et intuitives entre l’humain et les logiciels. Ces innovations offrent aux artistes un terrain d’exploration inédit, où les algorithmes et les systèmes d’apprentissage automatique deviennent de véritables partenaires créatifs. Des études de cas ont montré comment la technologie peut être intégrée de manière fluide dans la danse, créant des performances où le mouvement humain et l’interactivité numérique se complètent et se magnifient mutuellement. Cependant, cette convergence dynamique présente aussi des limites. La dépendance aux nouvelles technologies peut réduire la spontanéité et l’imprévisibilité de la danse. Il existe un risque de déshumanisation, où les mouvements des danseurs deviennent trop régis par des algorithmes, perdant ainsi leur innocence artistique et émotionnelle. L’influence et la tendance des nouvelles technologies dans le domaine de la danse peut aussi attirer la privatisation de ces logiciels et les rendre plus coûteux et ainsi créer une barrière économique limitant l’accès aux outils innovants pour les artistes moins fortunés. En outre, l’utilisation excessive de technologies peut être un danger pour la création intuitive et émotionnelle de la danse.
Conclusion
La fusion de la danse et des nouveaux médias constitue une véritable révolution artistique, élargissant les horizons et enrichissant à la fois la pratique des danseurs et l’expertise des informaticiens. Néanmoins, il est crucial de rester vigilant face aux limites de cette évolution. Cette dynamique ne fait que commencer, avec des potentialités futures vastes et prometteuses comme grâce à l’utilisation des IA, mais elle nécessite une réflexion continue pour équilibrer les avantages technologiques avec les valeurs fondamentales de l’art de la danse. Par exemple dans la thèse menée par Sarah Fdili Alaoui en avril 2023 Dance-Led Research l’artiste met en avant que la prolifération des systèmes CST (systèmes cybernétiques pour la danse) illustre comment ces technologies ont été développées davantage en fonction des tendances techniques que des besoins réels des danseurs. Ces systèmes, souvent basés sur des visualisations élaborées et des données de capture de mouvement, ne tiennent pas compte des méthodes et des objectifs créatifs des praticiens, car ils sont rarement conçus ou testés avec leur participation. En effet, la majorité des expériences autour des CST sont menées dans des laboratoires informatiques où les chercheurs, plus soucieux de démontrer des preuves de concept que de répondre aux attentes des danseurs, imposent un cadre de validation artificiel qui peine à s’appliquer sur le terrain. Il est donc important d’inclure le praticien dans la mise en œuvre et la création de tels logiciels. Ces collaborations redéfiniront sans aucun doute les contours de la création artistique, ouvrant la voie à des formes d’expression toujours plus audacieuses et innovantes, tout en veillant à préserver l’humanité et la sensibilité qui sont au cœur de la danse.
Annexes
Glossaire
- Algorithmes
- Ensemble de règles opératoires dont lapplication permet de résoudre un problème énoncé au moyen dun nombre fini dopérations. Un algorithme peut être traduit, grâce à un langage de programmation, en un programme exécutable par un ordinateur.
- Avatar
- Personnage virtuel que lutilisateur dun ordinateur choisit pour le représenter graphiquement, dans un jeu électronique ou dans un lieu virtuel de rencontre.
- Baroque
- Le baroque est un style artistique, architectural, et musical qui a émergé en Europe à la fin du 16e siècle et sest développé jusquau milieu du 18e siècle. Ce mouvement est marqué par son exubérance, sa complexité, et son goût pour la grandeur et l’ornementation.
- Cinétique
- Forme d’art abstrait contemporain issue notamment du constructivisme, fondée sur le caractère changeant de l’œuvre, son mouvement virtuel ou réel, et, parfois, sur l’illusion optique.
- Cybernétique
- Se dit dune œuvre dart ou dun ensemble dœuvres dart dont les éléments, mobiles, sont condamnés par des dispositifs électroniques et informatiques.
- Danse augmentée
- La danse augmentée est une forme de danse qui intègre des technologies numériques ou des dispositifs interactifs pour enrichir lexpérience de la performance.
- Danse augmentée
- La danse augmentée est une forme de danse qui intègre des technologies numériques ou des dispositifs interactifs pour enrichir lexpérience de la performance.
- Danse contemporaine
- Il sagit dun style de danse né au milieu du 20e siècle, qui se distingue par sa grande liberté dexpression et son approche expérimentale du mouvement. Elle se situe à la croisée de la danse moderne et de la danse postmoderne, sémancipant des codes rigides de la danse classique et explorant des formes de mouvement plus naturelles, personnelles et souvent improvisées.
- Espace scénique
- Il désigne la zone dune salle de spectacle ou de théâtre dédiée à la représentation dune performance artistique, comme une pièce de théâtre, une danse, un concert, ou tout autre type de spectacle.
- IA
- Abréviation de intelligence artificielle.
- Immersif
- Limmersion désigne une expérience ou un environnement qui immerge entièrement une personne dans une réalité, une atmosphère ou une activité, lui donnant limpression dêtre totalement intégrée à cet univers. Une expérience immersive mobilise souvent plusieurs sens — comme la vue, l’ouïe, et parfois même le toucher et l’odorat.
- Labanotation
- Système de notation de la danse élaboré par Laban dans son ouvrage Cinétographie Laban (1928).
- Linéaire
- Qui est sans relief, relativement monotone.
- Mapping vidéo
- Technique qui consiste à projeter à grande échelle des éléments visuels (images, vidéos, jeux de lumière, rayons laser, etc.) sur une surface en relief (un monument, par exemple). Il est utilisé dans l’événementiel et le spectacle vivant.
- Modulaire
- Se dit dun système, matériel ou logiciel, conçu en séparant les fonctions élémentaires pour quelles puissent être étudiées et réalisées séparément.
- Mouvement hongrois
- Référence aux caractéristiques et influences des danses folkloriques traditionnelles de Hongrie, qui ont inspiré de nombreux chorégraphes et danseurs, notamment dans les domaines du ballet et de la danse contemporaine. Ces danses folkloriques se distinguent par leur vitalité, leurs rythmes complexes et leurs mouvements spécifiques, souvent marqués par des sauts, des tours dynamiques et des frappés de pieds.
- Multimédias
- Ensemble des techniques et des produits qui permettent lutilisation simultanée et interactive de plusieurs modes de représentation de linformation.
- Nouvelles technologies
- Moyens matériels et organisations structurelles qui mettent en œuvre les découvertes et les applications scientifiques les plus récentes.
- Profondeur de champ
- La profondeur de champ est un facteur déterminant la manière dont une prise de vue peut gérer la netteté relative des différents plans du sujet photographié ou observé.
- Réalité augmentée
- Technique qui superpose à la réalité sa représentation numérique actualisée en temps réel.
- Relations spatiales
- Les relations spatiales, ou la position dans l’espace, impliquent l’analyse des formes et patrons en relation à son corps et à l’espace et aident à juger des distances. Elles réfèrent à l’orientation relative d’une forme ou d’un objet par rapport à soi.
- 3D
- 3D (trois dimensions) fait référence à un concept qui désigne des objets ou des représentations qui ont trois dimensions : la largeur, la hauteur et la profondeur.
Références
Bibliographie
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Vidéo
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Remerciements
Je tiens à remercier le corps enseignant du pôle nouveaux médias de m’avoir accompagnée ces deux dernières années. Je remercie tout particulièrement Corinne Melin pour sa patience et son écoute durant l’écriture de ce mémoire. Et j’aimerais remercier également Marie Schultz, Guillaine Marion et Tifene Marion pour leurs relectures attentives.
Olivia Grandville est une danseuse et chorégraphe française contemporaine, connue pour ses créations expérimentales qui mélangent danse, performance et théâtre. ↩︎
Pierre Beauchamp (1631–1705) était un danseur, chorégraphe et maître de ballet français, réputé pour avoir codifié les cinq positions de base de la danse classique. Il fut le maître de ballet de la cour de Louis XIV et contribua au développement du ballet en France, posant les bases de la technique de la danse classique encore utilisées aujourd’hui. ↩︎
Sarah Fdili Alaoui est une chercheuse, danseuse et chorégraphe franco-marocaine spécialisée dans l’interaction entre danse, technologie et arts numériques. Professeure et chercheuse, elle explore comment les nouvelles technologies peuvent enrichir l’expression corporelle et artistique, notamment à travers des projets mêlant intelligence artificielle, interfaces interactives et performances immersives. ↩︎
Paul Kaiser est un artiste pionnier américain dans le domaine des arts numériques et des médias interactifs. Connu pour ses collaborations avec des chorégraphes et des artistes visuels, il cofonde OpenEnded Group. ↩︎
Shelley Eshkar est un artiste numérique et concepteur graphique américain, reconnu pour ses explorations dans les arts visuels et les médias interactifs. Collaborateur fréquent de Paul Kaiser au sein d’OpenEnded Group un collectif explorant les interactions entre technologie, art visuel et performance. Il utilise des technologies avancées comme la capture de mouvement et la modélisation 3D pour créer des œuvres visuelles innovantes, souvent en lien avec la danse et la performance. ↩︎
Dawn Marie Stoppiello est une chorégraphe et artiste américaine, connue pour ses œuvres mêlant danse, technologie et performance interactive. ↩︎