Introduction
« Essaie. Échoue. Essaie encore. Échoue mieux. »1
Ces mots de Samuel Beckett sont ceux qui m’ont poussé à regarder mon article de DNA de 2021, À la recherche du design perdu, et à me dire que l’échec n’est pas une fin. Dans cet article, je constatais un manque dans le design graphique, autour du design du care en psychiatrie. Le design du care est une pratique formulée dès les années 80, qui centre sa création autour l’humain et ses besoins : le care, ou le design de l’attention, du soin, le design qui se soucie de l’autre. Il est à différencier du cure, qui incarne la volonté de soin actif : le cure implique l’intervention, l’assistance, et la rémission, typiquement sous la forme d’un traitement ou un suivi. Généralement, le care accompagne le cure, lorsqu’il est appliqué aux espaces de soin physiologique ou neurologique, dans les cas par exemple de mobilité réduite ou de dyslexie. Dans cet article de 2021, je me mettais en quête de son application psychiatrique. À l’époque, j’ai sûrement manqué des projets, ou peut-être ont-ils émergé depuis. Je vais donc suivre les conseils de Beckett : essayer à nouveau, coûte que coûte. Après tout, le design du care est un domaine fascinant, par son mouvement constant, à l’attractivité croissante. Influencé par l’essence de Le Soin est un Humanisme2, et Ce Qui Ne Peut Être Volé3, ou les concepts exposés dans Health Design Thinking4, j’en suis venu à considérer que le design sous toutes ses formes se doit de porter attention aux autres. Un design qui ne prend pas soin de l’autre d’une quelconque façon mérite-t-il d’être appelé design ? À mes yeux, le design du care est donc une direction naturelle du design graphique, un territoire encore en friche trop souvent seulement associé au design d’espace ou d’objets. J’en viens donc à me demander quelles sont les nouvelles propositions du design graphique en care design psychiatrique ? Quelles pierres le design graphique apporte-t-il à l’édifice du care design de nos jours ? Les projets épars de 2021 sont-ils devenus plus nombreux ? Avant de nous lancer, définissons nos recherches : si, en 2021, j’ai oublié ou manqué un projet, je l’adresserai dans la mesure du possible. Cependant, ma recherche portant sur l’apparition du care design graphique psychiatrique, je m’efforcerai de me concentrer sur les propositions des cinq dernières années, et l’émergence de cette attention nouvelle au care design psychiatrique. Ensemble, commençons par revenir sur les origines du design du care psychiatrique, et leur inclusion progressive de design graphique, afin de nous pencher ensuite sur l’évolution d’un care design graphique psychiatrique au sein d’hôpitaux, avant de pousser notre réflexion sur les propositions extra-hospitalières et leurs apports au domaine. Ensemble, essayons à nouveau. Peut-être même que nous échouerons mieux.
Les origines du care design psychiatrique
Le Train Vert
Avant de développer sur la psychiatrie, un court retour historique général s’impose. Introduite en tant que discipline médicale dès 1808 par le médecin et psychiatre J. C. Reil, elle est distinguée de la neuroscience dès la fin du XIXe siècle grâce à l’école de Charcot à la Pitié-Salpêtrière. D’abord prise en charge par des hospices, l’hospitalisation psychiatrique a longtemps eu l’étiquette « d’asile », de banc de la société pour ses membres les plus malsains et déséquilibrés. Les découvertes de Freud, puis l’avènement de la pharmacopée en 1950, ont permis une vraie prise en charge psychiatrique, transformant l’asile en hôpital, bien que la guérison au sens de « cure » reste rare. Chaque année depuis 1970, et leur révolution dans la philosophie du soin grâce à l’introduction de psychothérapies sensibles pour accompagner les traitements, la demande de soins psychiatriques ne fait qu’augmenter en France, se spécialisant suivant les publics, et aiguisant toujours plus les soins apportés. De nos jours, la psychiatrie est décrite comme « la spécialité médicale qui traite des maladies mentales. Elle est exercée par des psychiatres […] des psychanalystes et des psychologues. »5 Il est difficile de parler psychiatrie sans penser aux hôpitaux et cliniques dédiés à ce secteur. Nous avons en France la chance d’avoir un lieu faisant date à la fois historiquement, mais aussi dans la pensée d’un design multiple inclus dans le processus de soin, situé dans le Loire-et-Cher : la clinique de la Chesnaie.
Clinique de psychothérapie institutionnelle des années 60, le lieu ancre son principe de soin dans l’humanisation du patient, et une réduction de la médicalisation, contrairement à la majorité des structures de soin. L’appréhension du corps, des relations sociales et la déambulation tiennent une place centrale dans cette clinique qui évoque un bricolage constant, poreux et organique. Dans ses belles années entre 1970 et 1980, elle engage soignants comme soignés dans une vie riche d’associations, d’assemblées, et d’allers et venues de personnes aussi curieuses que fascinantes. C’est ainsi qu’en 1971, un architecte et professeur de l’École Spéciale d’Architecture de Paris débarque avec quelques étudiants dans la campagne chesnaienne. Cet architecte, c’est Chilpéric de Boiscuillé, et entre 1971 et 1974, lui et ses étudiants vont secouer la clinique pour reconstruire le Club de La Chesnaie, disparu dans un incendie : Le Boissier. Mais ce qui va inscrire la clinique à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, c’est le chantier qui suivra cette première expérience, entre 1979 et 1983, surnommé l’Orient Express Hôtel, les Wagons, ou encore le Train Vert.
À l’origine se trouvait une demande simple de la part du directeur de la clinique, Claude Jeangirard : loger les stagiaires et les invités de la clinique. Pour de Boiscuillé, il est primordial de bricoler : à l’époque, la SNCF revend de vieux wagons de trains de nuit pour presque rien … « L’avantage d’un wagon de train », m’explique-t-il en interview, « C’est que tout est déjà là. On les pose sur des poutres, et on peut emménager. » À ses yeux, une sorte d’hommage à Tinguely, mais on y loge plus de personnes que dans une horloge … Avec ses étudiants, ils imaginent avec ces wagons repeints en vert une scénographie unique, un lieu aux larges respirations, avec des trouées qui facilitent la circulation et encouragent les rencontres, entre design de prétextes et design de relations. On superpose les wagons, pour créer de la hauteur, et on les articule autour d’un cloître, pour pouvoir tourner en rond — mais on rajoute une marche, juste pour forcer à faire attention à où on met les pieds. Et surtout, lorsqu’on réaménage les wagons, les retape, monte des bâtiments autour, on n’emploie pas d’artisans. Seulement de Boiscuillé, ses étudiants, et surtout les patients. Tout le monde parle, échange, se répartit les tâches. Certains ont l’expertise de donner des indications. D’autres sont des petites mains. On collabore, on imagine au fur et à mesure, on bricole les uns avec les autres, avec un seul mot d’ordre : si on commence quelque chose, on le termine. Ainsi s’initie une relation très horizontale avec ces patients devenus maçons, peintres, et artistes. De Boiscuillé coordonne qui fait quoi, et qui a le droit de faire quoi, mais tant que tout est sûr, il n’y a pas de favoritisme. Tout le monde est capable de tenir une brique, un parpaing, et de poser du ciment [d].
C’est l’un des principes centraux du design du care, expliqué par Health Design Thinking : créer des espaces et des situations où les gens puissent profiter d’une pleine considération, de dignité et d’un dialogue d’égal à égal. Le Train Vert ne touche pas à proprement parler au design graphique, peut-être était-ce trop tôt, mais innove dans le design d’espace. Les nombreux croquis, imaginés en groupe afin de convenir au mieux aux attentes de chacun, et les travaux qu’ils auront engendrés, ne sont que la partie visible de l’iceberg. L’identité de La Chesnaie ressort dans tous les aspects du projet, dont le Train Vert aura intégré le patrimoine historique pour cette scénographie unique et le paysage de la clinique de manière pérenne, ancrant dans les mémoires du design l’expérience architecturale et humaine.
Sparx
Mais le Train Vert n’est pas le seul objet de design multiple à proposer un regard sensible sur ce que nous appelons « norme », « malade », et ce qui se trouve entre. Ce besoin de déstigmatisation n’est pas juste une question de décence humaine, mais un besoin réel pour que le soin advienne. Des années après le Train Vert, en 2013, c’est ce qu’a compris une équipe de chercheurs et de cliniciens de l’Université d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Les Dr Stasiak, Fleming, Shepherd et Lucassen, et la Pr Merry, ont imaginé un moyen novateur d’entrer en contact avec le public psychiatrisé adolescent : si les mots peinent à les atteindre, pourquoi ne pas passer par le jeu ? C’est ainsi qu’est né Sparx, un serious game d’aventure fantastique où le joueur incarne un héros aux pouvoirs magiques, qui doit sauver un monde du désespoir incarné par les « gloomy », des créatures représentant des pensées négatives. L’univers en 3D et les graphismes à volonté réaliste encouragent la projection personnelle, et l’exploration aussi bien de l’environnement que de l’intériorité du joueur, complétés par des personnages non-joueurs qui viennent créer un renforcement positif des comportements désirés des jeunes joueurs. Le jeu déploie des visuels colorés, riches en détails, qui réveillent l’émerveillement, avec des choix fantaisistes tels que des paysages violacés ou des créatures magiques, dignes d’illustrations de contes, qui créent le temps d’une mission une échappatoire féérique.
Le principe peut sembler simpliste, par ce choix volontaire de démystifier le soin, et les effets cliniques sont au rendez-vous : les missions de 30 à 40 minutes permettent d’après une étude clinique de réduire les symptômes dépressifs des 94 premiers sujets-test, et 44% des adolescents ayant utilisé le jeu se sont entièrement remis de leur épisode dépressif, contre 22% en soins habituels. Quand on sait qu’un quart des jeunes souffre de dépression6, et que 80% d’entre eux ne recevra pas de soins, l’idée qu’un jeu puisse faciliter la prise en charge est non seulement porteuse d’espoir, mais réellement révolutionnaire. Les méthodes, de plus en plus populaires récemment, de ludification permettent un bien meilleur suivi des soins. On estime qu’une tâche ludifiée voit sa constance de suivi doublée, ce qui, auprès de public nécessitant des soins réguliers comme en cas de dépression, est d’un intérêt indéniable. Imaginé en complément d’un suivi psychologique, sur trois à sept semaines, Sparx est un atout de choix dans la manche des thérapeutes.
Ce genre d’objet est en plein développement cette dernière décennie. Dans son livre Design for Care, Peter Jones nous aide à appréhender ces nouveaux défis du design. Il explique que le design se tourne de plus en plus vers les services éducatifs et l’interactivité. Dans ce contexte, savoir connecter les ressources propres au design avec les pratiques professionnelles cliniques devient primordial. Les designers doivent donc apprendre comment développer des solutions pertinentes face aux enjeux multidisciplinaires du soin et la complexité du care. Design for Care propose aux designers de prendre conscience de leur valeur et d’apporter leur point de vue novateur au système de soins, que ce soit au niveau individuel, comme à grande échelle. Nous pouvons constater cela à travers Sparx : en utilisant le design pour quitter les sentiers de la spécialisation, nous pouvons comprendre le soin, ses enjeux et ses mécaniques, à partir du patient lui-même. Ce design multidisciplinaire peut alors proposer de meilleures expériences de care, à travers les différents continuums de soin. Le design permet d’humaniser l’information et son support, aussi technologique soit-il, et créer un nouveau rapport aux besoins et aux recherches de soins. Le livre s’adresse également aux professionnels du soin : la valeur qu’apporte le design à la recherche, au processus de co-création, et la pensée de l’utilisateur dans l’expérience, est unique. Jones propose de voir le système de soin comme une occasion de participation, centrée autour d’un utilisateur qui s’inscrit lui-même dans la mécanique, qui peut ainsi prendre conscience et inclure les complexités de ses différents aspects d’humain aussi bien que de patient. Ce genre d’approche du design, qui prend en compte le système de soin mais aussi son utilisateur et ses aspects moins évidents est vouée à se développer dans le futur.
C’est ce que C. Fleury et A. Fenoglio essaient de nous communiquer à travers leur Charte du Verstohlen : à l’avenir, le soin, sous toutes ses formes, se devra de se détacher des structures hospitalières. Même ses aspects les plus stigmatisés et les plus intimidants, comme la psychiatrie, devront simplement s’inscrire dans notre paysage mental et quotidien, et rejoindre ces petites choses que nous devons simplement « prendre en compte ». Le soin ne peut pas être volé par les institutions, et la conscience humaine non plus. C’est là un constat systémique : le vieillissement de la population ne permettra bientôt plus la prise en charge gériatrique comme unique option, et la réduction des subventions ainsi que des lits d’hôpitaux, couplé à une politique déshumanisante de facturation à l’acte, transforment peu à peu l’hôpital en un lieu hostile à l’humain. Le care a été caché derrière des murs trop longtemps : il s’agit de le faire retourner à la société, au groupe, d’une manière ou d’une autre. Et parfois, cela passe par un jeu vidéo, qui nous aide à faire prendre conscience, à accompagner, à mieux entendre.
Nichtsein
Dans la mouvance de Sparx, nous avons vu émerger ces dernières années de nombreux projets essayant de rapprocher la société du banc qu’elle s’est construit. Ces projets nous amènent à regarder nos zones d’ombre droit dans les yeux. Peu sont aussi efficaces pour cela qu’un projet de master allemand de 2017, par Katharina Schwarz, Nichtsein. Un livre, pour donner corps à l’inexistence. Usée par le tabou entourant le suicide, et le silence des statistiques « qu’il ne faut surtout pas révéler au grand public », de peur que certains ne jouent les imitateurs, K. Schwarz donne avec Nichtsein à voir ces données, à travers des montages graphiques ingénieux. La couverture, de papier cartonné rigide, est trouée par des rayures qui viennent faire tranchées. Le papier blanc, visible au-dessous, perturbe l’espace gris. À l’intérieur, on rencontre vite des dizaines de pages, dont les feuilles ont été perforées en rangées régulières. C’est là le premier de nombreux diagrammes. Tous sont épurés, essentialistes sur le plan textuel comme graphique, presque simples. Les mots-clés sont imprimés sur les feuilles en papier robuste gris chaud, uniquement en noir et en blanc. Les statistiques elles-mêmes ont été taillées dans le papier par faisceau laser. Les chiffres, les barres, les polygones, les points inondent les pages et se dessinent comme des espaces vides, comme de l’air, comme une absence. Ces rangées de trous représentent « le nombre de cas de suicide par groupe d’âges, 2015, Allemagne ». Ces lignes côte-à-côte, la « répartition des pensées suicidaires par année, 2000 à 2015, Allemagne ». Une telle efficacité graphique, même sobre et parfois froide, remue beaucoup d’émotions…
Le livre fait une proposition osée. Il n’est jamais évident de faire face à ce genre de sujet, mais c’est pourtant nécessaire : la question de la représentation est intégrante du processus de soin. Comme le demandait Orwell, « s’il n’y a pas de mot pour dire cela, est-ce que cela existe ? »7 Le besoin de ne pas se sentir seul, de se savoir vu, entendu et compris, est l’un des besoins de base des animaux sociaux que sont les humains. Cela englobe aussi bien nos besoins simples comme le contact social ou l’opinion sur une série, et les choses plus complexes comme l’orientation sexuelle, l’identité de genre, et les éléments épineux comme les ruminations, l’estime de soi et les pensées ou comportements suicidaires. Rendre visible est un pas en avant vers l’acceptation. Cette acceptation n’est pas simple pour autant, mais fait pourtant aussi partie du propos de Nichtsein. Son aspect froid, presque brutaliste, son façonnage presque scientifique, sont un parti-pris finement réfléchi. Confronter le lecteur aux réalités statistiques dans autant de simplicité frotte sa corde sensible. Ces morts ne sont pas juste une armée de points, ils étaient des personnes ! Ces barres, ces traits, sont une distance nauséeuse de la réalité humaine ! Où donc est l’âme, dans un diagramme à polygones ? Ce sont d’humains dont nous parlons ! En nous forçant peu à peu à nous construire ce genre de discours, le livre nous pousse à ne plus voir simplement des chiffres, des autres, des choses distantes et désincarnées, mais à nous projeter : sortir, par nos propres moyens, de nos préjugés, pour entrapercevoir les personnes humaines qui se trouvaient derrière il n’y a pas si longtemps.
C’est là, à mes yeux, une parfaite application des principes de Design for Care. Ici, le design graphique n’est ni caché, ni subordonné à un besoin, n’est pas sujet d’un chef. Il est l’outil complémentaire, la composante vitale de la visualisation de l’information, de sa réception auprès du ! public. Le message et les statistiques ne sont plus cantonnées au bureau d’un psychiatre ou aux annales médicales. Les chemins se croisent et construisent de nouvelles propositions, plus sensibles, plus proches pour le lectorat. Le design graphique a ici humanisé l’information et son support pourtant sec et facilement distant. Dans l’esprit du lecteur se crée un nouveau rapport aux besoins des personnes représentées, et aux soins qui devraient les entourer. À mon avis, nous retournons là aux fondamentaux du care design et de la littérature qui l’entoure. Dans son essai Le Soin est un Humanisme, C. Fleury nous avait déjà enjoint à cesser de considérer le soin comme « réservé aux spécialistes », mais plutôt comme un mouvement que la société pourrait et devrait se répartir, afin de ne plus se créer un banc où asseoir les malades, les « incapables », mais semer des graines de soin, de régénération, d’attention, pour tout à chacun. Il n’appartient pas uniquement aux institutions de se charger de la psyché. Si notre civilisation n’est pas accueillante de ses différents esprits, si nous rendons nos armes d’existence aux hôpitaux, nous nous retrouvons démunis face à la normalité que revêt réellement « la maladie ». Lever nos préjugés, s’éduquer, s’ouvrir, c’est cela réellement qui avancera notre société, non le cloisonnement. Il appartient à tous, grâce à des objets comme Nichtsein, de se rendre sensible à autrui. Seulement alors pourrons-nous rendre la vulnérabilité capacitaire, et créatrice.
À l’époque de mon document écrit, Nichtsein était l’un des projets les plus récents que j’avais pu aborder montrant l’apparition de design graphique dans le care design psychiatrique. Ce livre, Sparx et le Train Vert ont fait date, en laissant deviner tout ce que le design graphique pourrait apporter grâce à son inclusion progressive au fil du temps. Aujourd’hui, cette collaboration porteuse existe-t-elle ? Ce fameux care design graphique psychiatrique a-t-il enfin émergé ? Et si oui, comment, et sous quelles formes ? Peut-être notre réponse se trouve-t-elle dans les structures de soin, lieux de commande d’art et de design en plein développement. Ce care design graphique est-il à l’expérimentation dans ces structures ?
Le care design graphique en structure de soin
Hassell Studio
Comme un héritage du Train Vert ou de Sparx, le care design hospitalier a fleuri aux côtés de studios centrés sur ces propositions. Un précurseur du domaine se démarque, le Hassell Studio, fondé en 1938 en Australie, proposant d’approcher la singularité des espaces habités. En 2014, dans cette volonté de recréer des espaces plus humains, s’est dessiné le Fiona Stanley Hospital, le plus vaste hôpital d’Australie occidentale, avec 783 lits, des sections de recherches et d’enseignement, ainsi qu’un centre de rééducation. L’échelle du lieu n’est pourtant pas synonyme de désincarnation, car « Pour faire hospitalité, ne faut-il pas, sans cesse, défaire l’hôpital, et ses méthodes […] ? »8 Le Fiona Stanley Hospital s’entoure ainsi d’espaces verts, investis de sculptures, qui transforment des terrains vagues avoisinants en des lieux de promenade et de rencontre. Le bâtiment est traversé par des fenêtres et aérations lumineuses, et les halls des différentes sections de l’hôpital sont parcourus de bancs aux formes inattendues, élevant l’espace et les yeux et incitant au jeu dans un environnement orienté vers le soin, qui lie care et confort. Le principe de « l’enveloppe du soin » s’étend à travers les codes couleurs des différents services, dont les espaces aérés essaient de s’éloigner de l’évocation d’un milieu stérile. Cette « dimension contenante de l’enveloppe institutionnelle »9 donne ainsi toute sa place à la déambulation et à la rencontre, au milieu d’un mobilier adapté aux différents besoins de divers publics, afin de pousser les patients à ne plus subir l’hospitalisation, mais de profiter de cet « art des porosités »10. L’utilisation laxiste de design graphique laisse surgir un design de prétexte, qui comme formulé dans Pretium Doloris11 offre l’occasion de se pencher sur soi, de recomposer l’espace, de réinventer la vie. Car l’accident, nous dit C. Fleury, peut se révéler un facteur de visibilité qui apparaît comme l’occasion privilégiée d’une rencontre avec soi. C’est un lieu de transformation et de capacité. Le « pretium doloris », ce prix de la douleur au cœur de l’hospitalisation, poursuit un « connais-toi toi-même » dans un « souci de soi ». Loin d’être fataliste, les effets sont au rendez-vous : le bien-être psychologique accru des patients réduit leur temps de séjour, et leurs besoins de médication et d’antalgiques. Au Fiona Stanley Hospital, les hospitalisations sont 20% plus courtes comparées aux autres structures australiennes, et le séjour aux urgences passe de l’échelle nationale de 8,25 heures à 3,25 heures. Un bon care hospitalier tient peut-être à l’observation que « dans la maladie demeure une possibilité de création de formes de vie ».12
À la fois réponse et continuité de ces réflexions sur l’hospitalisation, en 2015 le Hassell Studio s’est impliqué sur le redéveloppement du Herston Quarter, un centre multidimensionnel combinant santé, éducation, logement, et espaces communautaires grâce à des connexions multiples. L’approche singulière de l’interaction et de l’intégration rappelle les idéaux de La Chesnaie : des lieux conçus pour stimuler la déambulation et la rencontre, et créer une communauté. Le lay out du centre encourage à l’échange, au-delà de la simple visite ou du temps de travail, créant un espace où une santé sociale peut se développer et grandir, répondant au besoin, comme pouvait le formuler Fernand Deligny, de « maintenir ces brèches par où le langage vient se faire peigner à l’occasion de ses élans. Maintenir les interstices, tel devrait être le travail de ces cartes que nous traçons »13. Le travail du designer ici n’était pas de dessiner une résidence de soin, car il « ne s’agit pas de trouver l’hôpital, il est question de s’y trouver »14, une approche essentielle pour les publics psychiatrisés souvent confrontés à l’isolement et à la stigmatisation. Dans un réseau social communautaire, les acteurs sont plus susceptibles d’écouter et de s’adapter aux besoins individuels qu’à l’échelle déshumanisée d’une résidence classique. La peur de la stigmatisation après un séjour psychiatrique, premier facteur de retour en psychiatrie, souligne l’importance d’une « clinique du soin, [qui] recrée le milieu comme condition du surgissement d’une possibilité d’être, d’un lieu d’être. »15 À trop privilégier les murs porteurs, on néglige parfois la portance « designante » des lieux. Le Herston Quarter, par son approche plurielle du soin, va au-delà du cadre clinique, intégrant que « ce sont [les marges] qui font tenir ensemble les feuilles du cahier »16… ou le carnet de santé.
Le centre est toujours en évolution, avec la rénovation initiée en 2021 du Surgical, Treatment and Rehabilitation Service ( STARS). À terme, le service devra transformer nos attentes envers les prises en charges longue durée, les traitements lourds, et les chirurgies. Avec 182 lits pour les patients, 100 lits de rééducation, et leurs habitations sur-site, la structure est un exemple vivant d’un environnement complexe de soin conçu pour renforcer l’implication des patients au-delà du simple « rôle de bon patient »17. En créant un environnement chaleureux et stimulant, le STARS favorise un care ininterrompu, en créant de la familiarité, la connaissance de l’équipe de soin, et un sentiment de stabilité et de sécurité. De fait, les différents publics issus de la prise en charge longue durée cohabitent et interagissent ici avec une nette amélioration de leur santé, aussi bien physique que mentale. Cette cohabitation contribue à un humanisme du soin, à l’image des idéaux de C. Fleury, inscrivant le soin dans le quotidien comme nouvelle norme de vie.
Studio Care&Co
Ces espaces hospitaliers, cependant, n’ont qu’une pratique lâche du design graphique, comme un outil accessoire à leurs pratiques. Une approche plus récente, moins distante, pourrait être trouvée en France, où ces réflexions foisonnantes sont portées, entre autres, par le studio Care&Co.
Ces derniers sont responsables de la conception de l’application Nume, un pas en avant contre l’isolement des patients. L’application propose de consigner les informations de soin du patient, de faciliter leur compréhension et la transmission sans perte de soignant en soignant. Grâce à une découpe de l’information par onglets clairs, à l’épreuve des handicaps comme le daltonisme, et l’implémentation de schémas simples et efficaces, le design de l’application permet une meilleure compréhension du processus de soin. Comme avancé par L. Goffinet18, nous ne nous figurons pas toujours bien à quel point les différences, physiques ou psychiques, peuvent entraver l’accès au soin, et à sa compréhension. Cet accès est loin d’être toujours égal et évident, et favoriser l’appréhension de sa santé revient intrinsèquement à combattre les phénomènes d’isolement, d’incurie et d’abandon médical dont souffriraient un 60% estimé des potentiels patients nécessitant des soins psychiatriques. Car la première phase d’un care efficace et engagé, le rappellent C. Lenay, M. Tixier, D. Aubert et G. Garibaldi19, est le caring about20, « se soucier de ». Il s’agit avant tout de reconnaître et comprendre le besoin de soin, en impliquant un souci de l’autre, afin d’accompagner ensuite le taking care of, « se charger de ». Une application simple et accessible, aux repères colorés et clairs, pourrait-elle être une réponse appropriée à ces besoins ?
Pour cela, un « caring about » doit être suivi d’un « taking care of » incluant une prise en charge en structure adéquate. Face à la hausse de la gériatrie psychiatrique due au vieillissement général et au déclin des fonctions de compensation, le maintien cognitif devient crucial pour éviter la pathologisation. Il s’agit de créer des espaces propices aux dernières étapes définies par J. Tronto, le care giving et care receiving, donner et recevoir des soins. Dans cet esprit, l’EHPAD de Lolme a été réimaginé selon les principes de Health Design Thinking. L’équipe du centre et le studio ont réimaginé l’accueil, la déambulation, et la signalétique, en amenant une cohabitation décloisonnée de plusieurs publics. Cette convergence tient d’un « design social » décrit par C. Delanoë-Vieux, qui vise à améliorer l’expérience de la prise en soin en s’intéressant au temps et à l’espace vécu. Ainsi, la signalétique a été simplifiée par des codes couleurs vifs, les espaces d’attente ont été séparés de l’accueil pour fluidifier la circulation et respecter l’intimité, et la salle à manger est devenue modulable afin de stimuler les échanges sociaux. Tout a été conçu à échelle réelle in situ en concertation avec les résidents et l’équipe de soin pour répondre à leurs besoins spécifiques, et ce malgré les questions de dépendances. Au-delà de la réinvention constante de l’espace qui pousse au contact, nous pouvons surtout apprécier le renouvellement de la signalétique, qui éclaircit et apaise un espace symboliquement angoissant pour les populations diverses qui le fréquentent. Cette signalétique rend plus lisibles les espaces d’attentes des visiteurs, et ceux réservés aux pensionnaires, par des titrages et des pictogrammes visuellement forts. Quelques espaces et livrets explicitent les règles du personnel, dissipant le flou autour de la figure du soignant. Comme le prône M. Coirié21, accompagner l’évolution de l’hôpital sur le plan relationnel est une recherche de la « juste dose d’hospitalité » pour aider chacun à trouver sa place dans le processus du soin. Grâce à une orientation facilitée dans un espace épuré, clairement indiquée par des titrages et des points de repères évidents, les conflits relationnels réduisent. La signalétique facilite également la séparation des zones d’activités, de promenade sécurisée, et de détente, et dynamise les mouvements dans la structure par les rencontres entre pensionnaires dépendants, patients en rémission, et visiteurs, le tout sous le regard facilité du personnel. Ici, le design graphique participe à remettre l’espace au service de ses habitants de manière vivante et sans infantilisation. L’expérience du soin comme relation d’hospitalité, nous explique C. Delanoë-Vieux, replace ainsi la personne malade comme sujet à part entière dans sa complexité psychologique, sociale, culturelle et sensible.
Cette volonté s’est poursuivie dans le réaménagement des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. L’enjeu principal était à nouveau d’améliorer l’accueil de patients gériatriques fragiles, désorientés par les pathologies psychiatriques liées à leur âge, qui peinent à prendre leurs marques dans un espace souvent anxiogène qui accueille toujours plus de patients. Se dessine alors un espace évolutif qui tire profit d’un care design graphique fondé sur l’observation, l’analyse, et la transdisciplinarité. Dans un environnement de spécialistes où experts en soins, hygiène et pathologies se succèdent et se bousculent, chevauchent leurs pratiques et leurs opinions, il devient crucial de refaire une place à l’humain hors de son statut de patient-objet. Comme le disent M. Coirié et D. Pellerin, « l’efficacité et l’effectivité du soin ne rendent pas compte de toute la valeur créée pour les patients »22 : les méthodologies d’innovation par le design redéfinissent la qualité du soin en intégrant émotions, empathie et bien-être, et en leur donnant une forme sociale visible. En repensant profondément l’affichage et l’espace, cette incursion progressive de care design graphique montre qu’il est possible de créer différemment un « hôpital où l’hospitalité ne sera pas un vain mot »23, par une approche contextualisée. Face au vieillissement de la population, il est vital d’inventer de nouvelles formes de caregiving pour nos semblables : réinventer un « design à l’épreuve de l’hôpital ».
Peli-Pelo
Le care design hospitalier, qu’il effleure ou intègre pleinement le design graphique, doit donc inscrire hospitalité et considération au cœur de la démarche de soin. « Si nous considérons que le care est quelque chose qui donne sens à la vie, tout à chacun devrait, à un moment donné, faire une expérience de care partagé », nous affirme Naïma Hamrouni. Cette attention se retrouve au CHU de Nantes, où au sein de l’aile d’oncopédiatrie a été installé Peli-Pelo, un outil de design graphique qui doit améliorer la perception du temps et l’inscription dans les soins des jeunes patients. Cet objet particulier, au confluent du care psychologique et neurologique, a été imaginé entre 2021 et 2022 par Pauline Hanouzet, comme ambitieux projet de diplôme de l’École de Design de Nantes-Atlantique. Peli-Pelo est un agenda composé d’un tableau ludique et de tuiles personnalisables, qui offrent à l’enfant utilisateur une visualisation de son cheminement de soins et ses activités. L’enfant peut classer et rechercher lui-même les informations qui l’aideront à trouver un sentiment de pouvoir, rendant l’hospitalisation capacitaire malgré les difficultés.
Défaire le réification du « bon patient » est un enjeu puissant alors que P. Hanouzet constate, dans les premières phases du projet, la propension des accompagnants et soignants à délaisser l’adresse au jeune patient. On se tourne vers les parents ou tuteurs pour recueillir les opinions, aux soignants pour suivre les progrès, et aux accompagnants pour connaître l’humeur et les réactions de l’enfant. Dans ce circuit, le premier concerné est muet, invisibilisé, alors que c’est lui qui sera extrait de son cercle social, son cursus scolaire, et son système de confort. Sans nier l’angoisse des parents d’imaginer leur enfant dans un hôpital, ou la préoccupation des soignants à proposer un accompagnement et un soin efficaces, il était nécessaire de rendre aux enfants du pouvoir. En les écoutant, P. Hanouzet constate qu’ils n’ont pas la même perception du temps et des contraintes que leurs accompagnants. Exclu dans une place passive, adoptée par dépit au milieu des impératifs des soins et des mécaniques de l’hôpital, l’enfant devient un écho des « espaces en souffrances »24 qu’il est forcé d’habiter.
Pour répondre à ces problématiques, P. Hanouzet fait appel à « [une] éthique qui permettait de valoriser un vocabulaire souvent cantonné — de manière négative, voire péjorative — au registre du “fragile” ou de la “faiblesse”25. » Non invasif pour l’hôpital, léger à manipuler, facile de confection et de compréhension, aux couleurs claires et aux formes épurées, le tableau-agenda Peli-Pelo devient également personnalisable et effaçable. Des tuiles cartonnées, faciles à placer dans des alvéoles organisées en colonnes asymétriques, découpent les différents moments de la journée. L’enfant peut organiser lui-même son emploi du temps, en écrivant sur les tuiles représentant différents éléments : « aujourd’hui je dois… », « aujourd’hui je vois… », « aujourd’hui je fais… », et surtout, grande expression des jeunes patients, « aujourd’hui je veux… ». D’un coup d’œil, patients, familles, assistants, infirmiers et médecins peuvent voir et comprendre la journée qui se profile, et l’état d’esprit de l’enfant, qui peut communiquer à sa manière sur lui-même, par lui-même. Cette réinvention du quotidien par le design n’est pas uniquement un retour à l’autonomie, mais comme argué dans la Charte du Verstohlen, fait valoir une dignité humaine qui ne peut être volée, celle de prendre en main notre propre existence, et nos soins.
Cette approche d’un design qui ne se détourne pas d’une adresse à la psyché permet une intégration au soin excitante, où le design graphique se fait peu à peu une place. Il est évident que cette recherche d’un care design graphique hospitalier n’a encore que des résultats maigres, mais ses développements récents laissent présager du meilleur pour le futur. Les manques passés ne sont pas les limitations du futur. La structure hospitalière est peut-être encore trop timide aux solutions du design graphique, cependant, ces propositions fleurissent sur les supports plus communs du design graphique, hors des contraintes des structures de soin…
L’émergence du care design graphique hors des structures
Le monde de l’édition
Le care design soulève souvent la question de la sensibilisation et de la vulgarisation. Ces pratiques rendent accessibles des connaissances complexes en les traduisant simplement, permettant au grand public de comprendre des sujets scientifiques et techniques, souvent vus comme intimidants. Une société mieux informée appréhende mieux les enjeux du soin. Le livre s’y prête particulièrement bien : facile à transporter et à reproduire, il laisse toute la place nécessaire à l’expression. Le design graphique règne sur ces objets en maître. Sa rencontre avec le care design psychiatrique permet l’émergence de sensibilisation aiguisée par l’apport du design graphique, au discours sensible qui décloisonne le soin psychiatrique.
Si nous observons ce champ, nous ne pouvons faire l’impasse sur une publication de Futuropolis de 2019 : La Troisième Population, par Aurélien Ducoudray et Jeff Pourquié, qui s’essaie au portrait d’une clinique familière, La Chesnaie. La bande dessinée, créée après une immersion dans la clinique, amène les idéaux du Train Vert vers le monde extérieur, en illustrant le modèle thérapeutique sans mur d’enceinte ni portes fermées, un lieu ouvert vers l’extérieur, poreux, aux échanges sans cloison. L’invisibilité de la limite entre lieu de soin et de vie, soignant et soigné, norme sociale et interne, est mise en valeur pour souligner les possibles de condition de soin, tout en préservant dans les pages des espaces privés et zones d’ombre entre les moments sociaux. Les pages montrent qu’aux traitements biologiques et physiques s’ajoute un travail psychothérapeutique, individuel ou de groupe, dans un environnement stimulant. En s’immergeant dans les différentes tâches au point de créer leur propre atelier, les auteurs transforment le livre en documentaire humaniste sur un lieu atypique. Sans pathos, mais avec une grande sensibilité graphique, ils portent des récits de vie singuliers et plongent le lecteur dans un univers médical atypique et coloré, où les grains de folie sont nécessaires aux rouages du soin. Le livre n’est ici pas simplement un support, mais devient vecteur de visions uniques des chesnaiens, de leur lieu de vie et leur individualité, par les couleurs et lignes fortes et expressions singulières mises en place sur les pages.
Plutôt qu’une analyse théorique, une citation particulière parle à la fois de l’humanité du lieu, du livre, et de son apport à la perception du monde psychiatrique, à mes yeux.
« Chacun de nous ressent le patient diversement. On le voit dans des contextes spécifiques où il peut être complètement différent. Et cette réunion […] sert à croiser tous ces moments pour mieux le cerner. Quelqu’un qu’on croise au jardinage ne sera pas dans les mêmes dispositions qu’à la tombée de la nuit, quand ses angoisses remontent. C’est vraiment un moyen de faire une cartographie personnelle de chaque patient, et aussi de tester de nouvelles façons d’entrer en contact avec lui. Comme on est tous dissemblables, ça fait une multitude d’approches. »26
Dans le sillage de La Troisième Population, d’autres ouvrages s’efforcent de déstigmatiser la psychiatrie. Aux éditions Çà et Là, les Fables Psychiatriques de Darryl Cunningham adoptent un regard critique sur les préjugés entourant le soin psychique, déconstruisant frontalement les mythes. L’ouvrage s’attaque aux préjugés tenaces même chez certains soignants, et montre que l’approche médicale des troubles mentaux peut rester humaniste – un écho touchant à C. Fleury. Témoignages et réflexions y clarifient les symptômes principaux de diverses pathologies, cherchant à expliquer comment le comportement de patients peut déranger, tout en présentant les malades comme ils sont et non comme la société les perçoit. Il s’agit ici d’exposer comment vit la maladie sous le malade, comment elle le domine et l’étrangle. À travers un dessin brut, aux lourdes masses noires et blanches, l’auteur et le lecteur se confrontent aux préjugés sur les maladies mentales, analysent les a priori pour offrir une vision raisonnée et poétique de la psychiatrie. Chaque chapitre explore un trouble ( bipolarité, dépression, schizophrénie… ) vu par les patients, leurs proches ou leurs soignants. Une illustration puissante démontre comment les idées reçues engendrent une stigmatisation infondée, comme le mythe associant schizophrénie et dangerosité. Souffrant lui-même de dépression chronique, l’auteur démystifie ces troubles qui touchent de nombreuses personnes. Selon l’OMS, le trouble mental serait la cause la plus importante d’invalidité dans le monde, et on estime que 15% de la population française souffre de troubles mentaux. Là où La Troisième Population sensibilise, Fables Psychiatriques éclaire.
La prochaine étape vers la compréhension serait logiquement l’éducation. Pour savoir où l’on va, il faut comprendre d’où l’on vient : Le Trauma, quelle chose étrange l’a bien saisi. Les éditions Çà et Là nous présentent à nouveau une bande dessinée, dense et accessible, où les explications de Steve Haines et le trait de Sophie Standing nous instruisent sur les mécanismes retors du trauma, qui, tel un ruissellement discret à travers la maçonnerie humaine, peut fragiliser n’importe qui. Une lecture utile en des temps anxiogènes… En 32 pages, Haines déconstruit le traumatisme psychique et offre un aperçu synthétique des savoirs actuels, avec un focus sur sa manifestation la plus courante, la dissociation. Cette réaction cérébrale aux événements insupportables, manifestée par des amnésies sélectives ou une déconnexion de soi, est parfaitement illustrée par le style de S. Standing. Pour clarifier les explications de Haines, Standing déploie des astuces graphiques et une palette singulière, dans un style inhabituel mêlant schémas, réalisme, et fantaisies. Tout comme La douleur quelle chose étrange et L’anxiété quelle chose étrange ( 2018 et début 2019 ), Haines consacre aussi une partie à proposer des pistes et techniques simples pour réduire l’intensité des troubles, tout en précisant que cela ne remplace pas le traitement professionnel.
À eux trois, ces ouvrages proposent un exemple de ce que pourrait être le design graphique de livres de care design psychiatrique : de la sensibilisation, de la déstigmatisation, et de l’assistance aux publics concernés. Ils ne sont pas les seuls à s’en être rendu compte, d’ailleurs : hors des maisons d’édition, une association bruxelloise a bien compris l’intérêt du design graphique pour le trouble psychique…
Association L’Autre Lieu
Fondé en 1980 dans la lignée de contestation, de remise en question et d’innovation post-mai 68, L’Autre Lieu est une association héritière des valeurs du Réseau International Alternative à la Psychiatrie, un lieu de passage, de circulation, voire d’intrusion, où se rencontrent divers acteurs entourant la question du trouble psychique. L’association a bien compris ce que défend C. Fleury, que le care peut advenir en se liant à des choses parfois insoupçonnées, comme créer, cohabiter, collaborer, se laisser aller, ou résister. Il s’agit ici d’interroger la population, les professionnels, les politiques et le tissu associatif sur le mauvais remède que peut constituer la psychiatrisation des problèmes de vie ou un trop long séjour en institution. L’association entretient des collaborations avec d’autres structures de santé mentale, du social et du travail, mais aussi avec le voisinage ou l’éducation permanente. Il incarne un lieu aux multiples facettes d’accueil et expérimentation. L’association propose à la fois soutien, accompagnement, informations, sensibilisation… le tout entouré par un souci du design et de l’art non comme une contrainte ou effet de style, mais comme un facilitant de transmission et de communication. Cet appel à la création est nourri jusque dans les moindres recoins du Lieu, comme illustré par l’atelier des Décolleurs. Au départ simple groupe artistique de découpe, collage et superposition, les Décolleurs ont uni leurs travaux autour de projets décalés, comme le Tarot, Corps et Esprit, une réunion de collages formant un nouveau un tarot psychiatrique. Outil de sensibilisation et discussion original, il rend la voix aux premiers concernés et à leur entourage, pour réinventer le regard posé sur le trouble. Le groupe déploie également leurs créations sur d’autres médiums, comme les Univers Dépliés qui proposent des collages pop-up pour une immersion accrue, ou accompagne d’autres propositions de l’association, comme les Campagnes de sensibilisation.
Ces Campagnes, qui ré-engagent les créations variées de l’association, couvrent des thèmes comme l’éducation permanente, les droits du patient, ou l’internement. La plus récente Des Repères dans L’impasse ( 2023 ), aborde le « régime d’incapacités », une loi belge visant à protéger à la fois les personnes et les biens. La formulation de la loi est claire : la capacité est la règle, et l’incapacité, exception. Elle traduit comment le concept d’incapacité est perçu, manipulé et appliqué aux individus nécessitant une aide. Sous forme de carnet, la publication contient toutes les informations légales nécessaires, et propose liens et outils pour les personnes protégées, de confiance, ou de l’administration. Mis en images par le graphiste Arnaud Meuleman, le carnet, avec des visuels forts, traduit les sentiments d’arpenteurs de ces dédales juridiques, et se déploie en multimédia via des épisodes spéciaux de PsylenceRadio, qui dressent un portrait de l’administration provisoire de biens. Les visuels des Décolleurs ! accompagnent non seulement la Campagne et ses livrets, mais aussi l’Autre Zine, un fanzine résumant toutes les activités de l’association et liant son approche unique de design graphique à un care psychiatrique.
Mais un care sans lien, une association sans extérieur n’est que la moitié du travail. Établir une relation, mettre en sens et en sensible, doit permettre d’être entendu du monde. Dans cette optique, l’association entretient des workshops-expérimentations, tels que l’expérience Troubler les Signes avec l’école de La Cambre à Bruxelles. Cet atelier typographique proche du laboratoire avait pour but d’expérimenter, des mois durant, sur les signes, l’écriture, les fonctionnalités opentype, et l’impact de l’écrit sur notre conception du monde. Le workshop se plaçait en questionnement du langage dominant, qui continue d’accompagner un système déshumanisé abandonnique. L’idée d’un langage flexible et critique est devenue centrale, créant une typographie évolutive. Certains mots devenaient alors plus nets, moins lisibles, ou même indéchiffrables. Entre les actions d’information et de sensibilisation de l’association, et la volonté de contre-culture des étudiants en design, émerge ce besoin d’autres types de savoirs, d’usages et de contenus. « Malade », « fou », « soutien », « médicament », autant de mots qui sont aujourd’hui lourdement chargés, qu’il nous appartient de troubler et de questionner, dans un système où la personne n’est plus considérée comme sujet, mais comme objet déficient, ce qui détermine son droit aux soins. Croire qu’il y a moyen de faire autrement, même par une typographie expérimentale, c’est croire en la possibilité de changer et d’améliorer le monde. Pour que les ressources alternatives en santé mentale survivent hors de la machine du soin, il est essentiel de redonner à la société son rôle d’environnement accueillant et de ( re )développer des projets permettant à chacun de s’y sentir mieux, et d’être perçu autrement. Se sentir accepté, regardé avec autonomie et dignité, réintégrer la communauté réelle, pourrait bien être le mot d’ordre du care design graphique psychiatrique.
Cette position à l’intersection du social et de l’intime, du cure, du care, de l’expérimentation et de l’institution rend l’apport particulier de ces ressources alternatives et ces initiatives précieux. Cette position médiane, voire de médiation, entre l’individu et la loi, est difficile à tenir dans des lieux de soin dont la logique institutionnelle, devenue gestionnaire, absorbe la relation interpersonnelle. L’Autre Lieu apporte une attitude de respect des personnes, de leur histoire personnelle et de leur réalité à travers une vision positive et non pathologique de la santé mentale, afin que subsistent un contre-pouvoir aux grandes machines publiques qui broient aujourd’hui la santé mentale dans une industrie médicamentée déshumanisée.
Ateliers Bien vieillir, c’est tout un Art
La preuve que ces initiatives et objets transforment le monde réside dans leur acceptation et leur soutien par un large public. Dès qu’une projection vers le futur devient possible, la sensibilisation et la prévention le deviennent aussi. En effet, on réalise aujourd’hui que de nombreux symptômes de certains troubles peuvent être anticipés, si l’on intervient assez tôt. Ainsi, des pathologies comme Parkinson ou Alzheimer peuvent être anticipées maximisant le temps de vie en bonne santé des personnes âgées et réduisant le placement en gérontopsychiatrie. Après tout, même si Care&Co fait d’excellentes propositions, c’est bien en gérontopsychiatrie que les Fables Psychiatriques sont nées… C’est cette idée de préservation qui semble avoir inspiré Jean-François Dumont, et les Dr Jean Lacoste et Christophe Sans, lors d’un échange en décembre 2022 autour des créations VR du workshop Infini Cinéma, à Pau. Ils imaginent alors de créer des ateliers expérimentaux pour personnes âgées, afin de maintenir leurs fonctions cognitives. Ces ateliers, non professionnalisants faute d’un appui théorique au sein de l’école de design de Pau, seraient animés par des étudiants, leur offrant des bases d’animation de terrain, un atout pour tout artiste ou designer en devenir. Ces ateliers viseraient aussi à dédramatiser le rapport à la création, au sein du lieu symbolique d’une école de Beaux-Arts, et à exorciser la peur de l’âge. Car il ne s’agit pas de nier vieillir, mais au contraire, de mettre les chances de son côté pour bien vieillir.
Au moment où j’écris ces mots, le projet d’ateliers de maintien cognitif, surnommé « Bien vieillir, c’est tout un Art », est encore en préparation, mais de nombreux progrès ont été réalisés. Pour optimiser les objectifs initiaux, le Dr Sans de l’hôpital gériatrique de jour de Pau a ajusté les attentes. Contrairement aux premières idées, les ateliers ne pourront pas tous être expérimentaux : il est nécessaire de conserver certaines bases familières pour éviter l’intimidation. Les ateliers expérimentaux de VR ou de vidéo pourront ainsi coexister avec des ateliers plus traditionnels, comme le dessin d’observation ou la sculpture. « L’objectif principal de ces ateliers », m’explique le Dr Sans en interview, « Est avant tout de rompre l’isolement social souvent associé à la retraite. » Ses participants ne sont pas des patients : elles montrent des signes avant-coureurs de pathologies type Alzheimer ou Parkinson, sans dépendance ou déficience établie, ou sont accompagnantes de personnes atteintes. Pour prévenir ces troubles, il est vital de maintenir des connexions sociales. L’intergénérationnalité comme moteur d’échanges dynamiques exerce divers types de mémoire, contribuant au maintien des fonctions cognitives. Ainsi, un atelier d’écriture créative peut stimuler la mémoire biographique, en réactivant les souvenirs de la personne, tout en exerçant l’agencement des pensées ; tandis qu’un atelier de dessin d’observation favorise la concentration, et prendra soin de sa motricité fine, et peut-être même de sa mémoire générale si elle connaît un peu les lieux et objets qu’elle dessine.
La psychologue Marjorie Chevalier, intervenant elle aussi sur le projet, y injecte le même sens que le font C. Fleury et A. Fenoglio dans la Charte du Verstohlen : « de la santé au temps long, de même que les méthodes et approches qui permettraient d’éviter que ce vol ait lieu. » Nous sommes des humains dont l’humanisme est fragile, et trop souvent nous repoussons sur le banc de la société nos angoisses : le temps, l’âge, et la perspective du déclin. Redonner une place, une voix, et une puissance aux personnes écartées, c’est leur proposer un espace d’existence et d’expression, et la liberté de choisir les outils, les supports et les manières de faire advenir cette individualité. Des actes qui peuvent sembler anodin — le choix d’une feuille ou d’un crayon, une couleur pour dessiner un objet que l’on regarde sous un angle unique — remettent en marche la narcissisation, qui permet de se sentir exister à nouveau, valide et fort comme n’importe qui. Et si l’on a le droit d’exister comme les autres, alors on peut peu à peu se convaincre de sa propre dignité et de son droit à la créativité. Par l’ancrage social et les objets de design, on peut, comme le soulignait Jehanne Dautrey, créer des actions qui mettent en œuvre une variété de tactiques pour lutter contre les normativités, débordant de la seule dimension des relations et des affects mis en avant par le care design27. Il s’agit au final de défendre la légitimité d’une « micropolitique du design »28, un engagement capable d’agir dans tous les domaines, et à toutes les échelles.
Conclusion
Des premiers pas jusqu’aux projections futures, nous concluons le bilan de cette émergence du care design graphique psychiatrique. Nous avons pu voir que s’il avait commencé en tant qu’insolite marginal, objet curieux de cliniques singulières ou de projets brisant les tabous, cela ne le rendait pas moins pertinent et porteur pour son public. Cela l’a amené à se mêler à plusieurs terrains, du design d’espace au design de liens ou de prétextes, toutes ces propositions ne gagnant en signifiant qu’accompagné d’un design graphique qui parle plus que les mots. Cela nous amène vers une actualité où le care design graphique psychiatrique, s’installant doucement en structure de soin, s’affirme dans le monde de l’édition, en soutien d’associations à contre-courant, et enfin, porte des espoirs envers le futur, et les avancées projectives du domaine. Le design graphique apporte au care design psychiatrique une attention singulière au regard humain, aux détails qui nous entourent, qu’ils soient typographiques ou signalétiques, et enrichit les propositions des autres champs du care design par son approche engagée des visuels qui nous entourent. Ce qui, il y a encore peu, était une zone d’ombre du design graphique, est aujourd’hui devenu un champ des possibles, qui chaque jour éclot dans le réel. Le chemin est encore long, la déstigmatisation est une guerre où les institutions rigides et les préjugés communs ont encore l’avantage. Mais la bataille n’est pas perdue d’avance : les lignes bougent, peu à peu, toujours plus. Le mouvement de ces lignes montre peut-être que, malgré sa place grandissante en institution, le care design graphique psychiatrique n’y brille pas à sa juste valeur. Nous l’avons vu : le design graphique sait s’allier à d’autres pour devenir plus pointu, plus pertinent, plus prolifique, mais à mes yeux, sa carte maîtresse se trouve ailleurs. Sa force tient de tirer le care design psychiatrique de l’hôpital, afin de proposer un care quotidien anodin et validant. Ce tour d’horizon me permet d’insister sur ma conviction : et si c’était ça, le futur du design graphique ? Le design graphique, comme vecteur d’humanisme du care design psychiatrique.
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Remerciements
Je remercie les professeurs Alexandra Aïn, Julien Bidoret et Jean-Paul Labro, pour leur accompagnement lors de l’écriture de ce mémoire.
Je remercie également ma soeur Roxane, qui a un jour eu l’idée étrange de me laisser lire ses cours de psychologie. Ce mémoire est l’écho de nos discussions.
Un mot final pour mon chat Kumo, et sa présence infaillible à mon bureau.
Samuel Beckett dans “Worstward Ho !”, 1983 ↩︎
Cynthia Fleury, auprès de Tract Gallimard, 2019 ↩︎
Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio, auprès de Tract Gallimard, 2022 ↩︎
Bon Ku et Ellen Luption, auprès de MIT Press, 2020 ↩︎
d’après le Site du Dictionnaire Médical ↩︎
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Georges Orwell, “1984”, 1949 ↩︎
Jean-Philippe Pierron, “L’ambiance spatiale d’un milieu de soin : visite d’un hôpital avec vue sur fleuve”, dans Art et Design dans les Lieux de Soin, auprès des Presses Universitaires de Lyon, 2024 ↩︎
Ibid. ↩︎
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Cynthia Fleury, auprès de Hachette Pluriel, 2015 ↩︎
Jean-Philippe Pierron, “L’ambiance spatiale d’un milieu de soin : visite d’un hôpital avec vue sur fleuve”, dans Art et Design dans les Lieux de Soin, Presses Universitaires de Lyon, 2024 ↩︎
Fernand Deligny, “Au défaut du langage”, 1976 ↩︎
Jean-Philippe Pierron, “L’ambiance spatiale d’un milieu de soin : visite d’un hôpital avec vue sur fleuve”, dans Art et Design dans les Lieux de Soin, Presses Universitaires de Lyon, 2024 ↩︎
Ibid. ↩︎
Discours de Jean-Luc Godard aux Césars du Cinéma Français, 7 mars 1987 ↩︎
Jean-Philippe Pierron, “L’ambiance spatiale d’un milieu de soin : visite d’un hôpital avec vue sur fleuve”, dans Art et Design dans les Lieux de Soin, Presses Universitaires de Lyon, 2024 ↩︎
Conférence “Les ressorts morphologiques des interactions sociales et leurs conséquences”, tirée du recueil Design et Pensée du Care, Presses du Réel, 2019 ↩︎
Conférence “Design for Care, Technologie du care et suppléance perceptive”, tiré du même recueil ↩︎
Concept formulé par Joan Tronto ↩︎
Dans sa conférence “Designer hospitalier : une démarche en émergence”, tirée du recueil Design et Pensée du Care, Presses du Réel, 2019 ↩︎
Marie Coirié et Denis Pellerin, article “Design et hospitalité : quand le lieu donne leur valeur aux soins de santé”, paru auprès de Science du Design 06, 2017 ↩︎
Ibid. ↩︎
Chantal Dugave, “Les enjeux du processus de décalage dans les espaces en souffrance”, dans Art et Design dans les Lieux de Soin, Presses Universitaires de Lyon, 2024 ↩︎
Manon Pouillot dans sa conférence “Soigner le geste : le feutre, matière et forme de l’expérience sensible”, tirée du recueil Design et Pensée du Care, Presses du Réel, 2019 ↩︎
Aurélien Ducoudray et Jeff Pourquié, “La Troisième Population”, auprès de Futuropolis, 2019 ↩︎
Jehanne Dautrey dans sa conférence “Repenser le design par le care ou le care par le design ? Pour un design micropolitique”, tirée du recueil Design et Pensée du Care, auprès des Presses du Réel, 2019 ↩︎
Ibid. ↩︎