Chapitre 3

Hans Eduard Meier est né en 1922 à Horgen, en Suisse, au bord du lac de Zurich. Étudiant à l’École des Arts Appliqués de Zurich [2]2. Kunstgewerbeschule (littéralement : École des Métiers d’Art). L’école se nomme actuellement Zürcher Hochschule der Künste (ZHdK). de 1943 à 1946, il y bénéficie d’une formation à la pointe. L’école est alors dirigée par Johannes Itten [3]3. Johannes Itten dirige l’École des Arts Appliqués de Zurich de 1938 à 1954. Il dirige en parallèle le musée des Arts Appliqués de la ville. En pleine effervescence avant-gardiste, il a joué un rôle important au Bauhaus, dès la fondation de l’école en 1919. Jusqu’en 1923, il y a dirigé le fameux « cours préliminaire ». Peintre et coloriste, il est également l’auteur de l’ouvrage The Art of Color. , figure du premier Bauhaus. En ce début des années 1940, l’enseignement de la lettre dans les écoles d’art est encore très récent. À l’école de Zurich, pionnière sur ce terrain, les cours de calligraphie et de dessin de lettres ont été instaurés dès 1916. Au Bauhaus, c’est vers 1923 que typographie et graphisme découvrent des perspectives nouvelles, accompagnant la vivacité des avant-gardes qui bouscule ici et là les pratiques (typo)graphiques autour des années 1920. L’idée d’une « nouvelle typographie » prend forme, adhérant à l’esprit du temps et aux dernières expressions artistiques. Cette approche véritablement nouvelle s’affirmera tant sur le terrain professionnel que dans les écoles d’art.

Dans les années 1940, l’école de Zurich compte parmi ses étudiants Adrian Frutiger, Josef Müller-Brockmann, Emil Ruder, Jean Widmer, ou encore le peintre cinétiste Yaacov Agam. Hans Eduard Meier y suit les cours d’Ernst Keller et d’Alfred Willimann (fig. 1).[4] Tous deux font alors partie des personnalités du graphisme en Suisse, où se développe un ensemble de pratiques nouvelles héritières des avant-gardes et vouées à un avenir marquant – le contexte de la formation de Hans Eduard Meier étant inscrit dans une riche scène artistique.[5]

figure 1. Page de cours d’Alfred Willimann, École des Arts Appliqués de Zurich.

Au nord, en Allemagne, les avant-gardes retombent brutalement au milieu des années 1930 avec la montée en puissance du national-socialisme. Les pays avoisinants – dont l’Italie, les Pays-Bas, la France ou la Suisse – s’affirment comme d’actifs foyers du graphisme. De nombreux pionniers, nés aux alentours de 1900, s’illustrent en Suisse. Graphisme et typographie ne représentent souvent qu’une partie de leurs activités. Outre Alfred Willimann (fig. 2) et Ernst Keller (fig. 3 et 4) se distinguent (parfois de façon temporaire) Jan Tschichold, Max Bill (fig. 5), Theo Ballmer, Herbert Matter, Otto Baumberger (fig. 6), Anton Stankowski ou Max Huber. Leur œuvre est d’ailleurs parallèle au développement de l’Art Concret à Zurich, autour des années 1940 – un mouvement d’abstraction géométrique qui se construit autour de Max Bill, Camille Graeser, Richard Paul Lohse et Verena Loewensberg.

Figure 2. Alfred Willimann, affiche pour l’exposition « La lumière à la maison, au bureau, dans l’atelier », Kunstgewerbemuseum de Zurich, 1932. Lithographie.
Figure 3. Ernst Keller, affiche électorale « Votez pour la liste 4 », Suisse, 1933-1935. 129 × 92 cm.
Figure 4. Ernst Keller, affiche pour le musée Rietberg de Zurich (collections d’art d’Asie, d’Afrique et d’Amérique), 1953-1955. Linogravure, 129 × 92 cm.
figure 5. Max Bill, affiche-programme pour une matinée au Théâtre municipal, Studio de danse Wulff de la ville de Bâle, 1931-1932. Impression noir et iris, 127 × 90 cm.
figure 6. Otto Baumberger, affiche « Brak Bitter » pour de l’alcool, 1937. 128 × 90,5 cm.

Effectuant son apprentissage dans ce contexte, Hans Eduard Meier suit d’abord une formation de compositeur typographe de 1939 à 1943, puis de graphiste à l’école de Zurich jusqu’en 1946. Si dessin et peinture comptent parmi ses activités favorites depuis l’enfance (fig. 7), et si ses autres passions de jeunesse lui avaient fait miroiter le métier de « constructeur d’avion », les circonstances le mèneront à la typographie. C’est par le biais de relations familiales qu’il fait l’apprentissage du métier de compositeur typographe. L’école de Zurich consolidera sa pratique du dessin, de la peinture, du graphisme, et surtout de la calligraphie et du dessin de lettres – matières pour lesquelles il conçoit le plus grand intérêt. Il voue une grande admiration à son professeur Alfred Willimann, calligraphe hors pair à qui il reconnaîtra rétrospectivement devoir toute sa carrière. Sortant de l’école en 1946, il travaille d’abord pour le magazine culturel zurichois Du. En 1948, il part pour Paris avec l’objectif de s’installer comme graphiste indépendant. Mais le travail lui fait défaut, et ses visuels y sont jugés « trop germaniques ». Il profite de sa présence à Paris pour s’initier à la gravure à l’École Estienne et perfectionner sa pratique du dessin. Une opportunité inattendue s’offre alors à lui : Alfred Willimann, son ancien professeur, lui propose d’enseigner l’écriture à l’école de Zurich. Ravi de cette perspective, il repart en Suisse.

Figure 7. Illustration de H. E. Meier pour un poème, effectuée vers l’âge de 14 ans. Gravure.
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