Compost Party


learn more — compost.party

The page you are looking at is served by a Xiaomi Poco F1, logged in to a wifi network that was already there, getting more than enough energy because it found a nice and sunny spot.

What is this?

The page you are looking at is served by a Xiaomi Poco F1, logged in to a wifi network that was already there, getting more than enough energy because it found a nice and sunny spot.

The brand and model of the phone are not important, it's just to say: It's a regular and once very common phone, mid- to high range when it came out in 2018. It was widely hailed for its price and performance, and sold more than half a million times in the first few of months after its release. Most likely many of these phones are discarded by now — millions of CPU cores and petabytes of RAM.

compost.party is the result of a decision to not discard it though, to run a full Linux distribution on it instead. And so while the atoms stay the same, if you look attentively you can see this as a site of ongoing reconstruction.

postmarketOS brings organisms doing the busy work prodding at the individual parts, probing them, documenting them, writing drivers, telling others about it, munching away. Producing a soil that is rich enough for phone-like tasks: sending messages, making appointments, and getting your life together.

compost.party takes some bits of that and feeds them to the critters and bacteria around it, its inhabitants and users. Not the dialer user interfaces and calendar apps, but a server to show static websites (including the one you're reading right now), crontabs to starts tasks at regular intervals, code to recycle old posts from the fediverse… a truly universal machine metabolizing and reconfiguring bytes, to be reshaped just as we please.

Photo of a terminal screen showing compost.party's login greeting. it shows some ASCII art reading "compost", and a text blow: "the setup of this server is currently in progress. you can put some static files into your html folder, or run a service that you think is cool. just remember that you share this server with other people and have fun!"

Call for participation

If you have an idea for something that you'd like to run on compost.party, please write us at yeah@compost.party. No matter your previous experience, we'd love to hear from you and gladly help you set things up.

author_url: https://arnes.space/

author: @computersandblues@post.lurk.org

source: https://compost.party/learn-more/

Tout le monde dit que je suis méchant

Texte paru en 1973 dans le Casabella n°376 sous le titre original Mi diconno che sono cattivo


Aujourd’hui, tout le monde me dit que je suis très méchant. Tous disent que je suis vraiment méchant parce que je suis designer. On me dit que je ne devrais pas exercer ce métier – et que sais-je encore ? On me dit que cette profession appartient au domaine du rêve (et ce n’est pas un mal d’ailleurs). On me dit qu’un designer a « pour unique et réel objectif d’entretenir le cycle production/consommation », qu’il ne pense pas à la lutte des classes, qu’il ne sert pas la cause et même qu’au contraire il travaille pour le système. On me dit que tout ce que fait un designer est avalé, digéré par le système qui ne s’en porte que mieux et s’engraisse. On me dit qu’on ne peut rien y faire, c’est comme un horrible péché originel : quand quelqu’un en est marqué, c’est pour l’éternité. On veut me faire croire que je suis entièrement responsable de tout ce qui ne va pas et, peut-être puisque je suis designer va-t-on aussi me faire porter la responsabilité de la guerre du Vietnam puisque, par définition, je travaille pour l’industrie, et que l’industrie c’est le Capital et c’est le Capital qui mène les guerres, etc., on connaît la suite. De même, il faut croire que je suis aussi responsable du nombre de morts sur les routes puisque c’est le Capital qui fabrique les voitures. Ce doit être aussi de ma faute si les citadins se suicident, si les histoires d’amour finissent mal ou ne naissent pas, si des enfants sont malades, si les famines, les maladies et, plus généralement, le malheur existent. Il semble vraiment que je sois responsable de tout car je travaille pour l’industrie et qu’ainsi, je suis un technocrate. Je sais des choses que je suis seul à connaître et que je ne devrais pas. On me dit que je devrais, au contraire, savoir comment détruire le Capital. Mais comment fait-on pour détruire le Capital ? Si on m’explique comment faire, si quelqu’un me montre qu’il est vraiment en train de détruire le Capital, alors, peut-être, oui, j’en suis. J’en suis, surtout si, par la suite, on me démontre qu’on ne remplace pas le Capital par des armées de boy-scouts entonnant des chansons débiles sur le chemin du travail, des chansons censées éduquer. J’en suis, si on me démontre qu’on ne remplace pas le Capital par un puissant capital d’État quiprétende en donner une part à chacun, ce qui serait bien, sans aucun doute, si cela n’ouvrait pas la porte aux souffrances que sont l’aliénation, la solitude, la peur, la fatigue, des souffrances en réalité plus noires et plus cruelles que sur le papier. J’en suis, mais uniquement si on remplace le Capital par une jeunesse suffisamment détachée, impertinente, fantaisiste, impétueuse et dotée d’assez de sens du ridicule pour être capable de se moquer d’elle-même et de ce qu’elle fait à mesure qu’elle le fait. C’est à dire une jeunesse qui n’en n’arrive pas à acheter des avions à des industriels américains aux visages pétrifiés et qui ne fasse pas d’affaires avec le Capital sous prétexte de réalisme politique, même sice n’est pas le coeur du problème. Mais comment un designer peut-il détruire le Capital ?

Et puis comment concevoir une industrie sans design ? Toutes les industries fabriquent, plus ou moins bien, des produits, qu’on ait l’impression de faire du design ou non : on en fait toujours. Et même s’il ne semble pas qu’on en fasse, à un moment ou à un autre, il faut bien que quelqu’un s’assoie face à une feuille de papier, c’est à dire devant une table à dessin, avec une lampe dessus, un crayon, une gomme et une règle. C’est pourquoi, design ou pas, il y a toujours un designer. Le problème n’est alors ni celui de l’horrible péché originel, ni de savoir si on est méchant ou pas quand on est designer, mais plutôt de voir ce que chacun réussit à faire par soi-même, de son rôle de designer et de ses objets. Dès lors il se peut que ceux qui me grondent aient raison, mais je voudrais mieux comprendre. Ce qu’on me dit ne me suffit pas. Ainsi je n’accepte pas davantage qu’on me manipule avec un tel charabia, qu’on me conditionne avec des flots de mots, encore et toujours des mots. Même s’ils servent à faire la politique des partis (pour autant qu’ils suffisent à faire de la politique), ces mots n’ont pas assez de sens pour faire la politique du design. Je voudrais que mes détracteurs viennent voir d’un peu plus près ce qui se passe ici, près de cette table et découvrent ce qu’est mon métier, cette nécessité, cette habitude, cette espérance. Je voudrais qu’ils s’approchent et me parlent de choses que je comprendrais, que je pourrais comprendre étant donné que je suis un designer, qu’ils me parlent de choses possibles et justes à faire, avec des mots qui sonnent bien, qui m’évoquent des images, qui provoquent des gestes, qui me permettent d’agir dans le champ de ce que je peux faire, de ce que je sais faire et que je ne peux pas me passer de faire, puisque dessiner n’est pas un métier que j’ai choisi mais un destin dont je ne parviens pas à me soustraire. Je voudrais qu’ils me parlent avec des mots, proches de ceux que je prononce tous les jours pour donner un sens à ce que je suis en train de faire, et non à ce que je pourrais faire et ne sais pas faire, de la même façon que les mots des syndicalistes sont proches, ou tendent à l’être, du langage de tous les jours des ouvriers. Sinon, ils font de moi un dilettante de plus dans l’armée des dilettantes politiques et révolutionnaires, un producteur de mots, de mots et toujours de mots, jusqu’à épuisement total des forces : il y a des mers, des foules, des assemblées, des congrès, des colloques, des paquets, des conteneurs pleins de dilettantes qui savent tout ce qu’ils doivent dire pour être ou paraître révolutionnaires, pour rester là, du côté des « sans péchés » en quelque sorte et qui, ainsi, tranforment la révolution (s’il est question de révolution) en chimère et ne lui permettent pas de se nourrir d’elle-même.
Je ne sais pas si je m’explique bien. Je ne sais pas non plus si j’ai raison. Je ne sais pas s’il existe des termes politiques assez puissants pour déterminer le sens de tous les gestes de la vie ou si c’est l’inverse, à savoir que pour chaque décision prise, chaque geste exécuté, chaque mot prononcé dans le temps et l’espace, on trouve, on enregistre et on confirme un sens politique allant au-delà du discours ou de l’ethnologie des partis. Naturellement, il me semble que cette seconde idée est meilleure si on veut que la révolution ait lieu. Sinon, il y a répression ou, pire encore, tout cela n’est qu’un gigantesque alibi rhétorique, en réalité fragile, aux mains de la réaction, à la merci du système et, plus encore, d’un métier comme celui de designer. Je veux dire que si quelqu’un doit être designer, ses choix libératoires, il doit les faire en étant designer et non en étant, comme on dit, un politique – c’est à dire en devenant quelqu’un qui utilise le langage et des méthodes qui se disent politiques, en devenant quelqu’un qui ne fait que parler, parler, parler. Pendant que j’écris cette histoire, je ne fais pas de design, j’écris cette histoire qui tout compte fait est celle d’un dilettante. Pourtant si par hasard je suis bon à quelque chose, c’est comme designer et c’est tout, le design, c’est mon métier et, de la politique, de la vraie, j’en fais en l’exerçant.

Si j’écris cette histoire c’est parce que je suis fatigué de m’entendre dire que je suis méchant, que c’est un péché originel, et que personne ne m’explique réellement pourquoi. C’était la même chose pendant la guerre quand j’étais chasseur alpin : les engagés, comme on les appelle, me disaient que je devais être chasseur alpin. Il ajoutaient que j’étais un mauvais chasseur alpin, parce que je n’étais qu’un réserviste, je me tenais mal au garde à vous, je ne bombais pas suffisamment le torse, je ne prenais pas d’initiatives militaires et je ne comprenais rien à la guerre selon eux. Ils me disaient aussi que je n’avais pas ce qu’ils appelaient « l’esprit de corps », et tout ce qui s’ensuit. Il paraît que j’étais un désastre du point de vue de la guerre et des engagés parce qu’eux seuls connaissaient le sens du mot guerre, eux seuls savaient comment la faire et surtout, comment la faire faire aux autres. Moi je n’étais qu’un réserviste, un appelé, etc. Ils le disaient aux autres officiers de réserve, aux autres chasseurs alpins, et ils hurlaient, hurlaient, hurlaient et hurlaient sans cesse que nous étions tous méchants.

Eux, ils restaient dans les bureaux de la compagnie. Mais, à la fin, bon sang, de qui se sont remplis les camps de concentration et les cimetières pour l’avoir faite, cette guerre ?






























Solarserver

Article originellement publié sur InternetActu.net le 27 septembre 2021.


Le nouveau blog est conçu pour réduire radicalement la consommation d’énergie associée à l’accès à notre contenu.

Premier prototype du serveur alimenté à l’énergie solaire sur lequel tourne le nouveau site.

Premier prototype du serveur alimenté à l’énergie solaire sur lequel tourne le nouveau site.

La traduction a paru premièrement ici, sur le website du Framasoft.

On nous avait dit qu’Internet permettrait de « dématérialiser » la société et réduire la consommation d’énergie. Contrairement à cette projection, Internet est en fait lui-même devenu un gros consommateur d’énergie de plus en plus vorace. Selon les dernières estimations, le réseau tout entier représente 10 % de la consommation mondiale d’électricité et la quantité de données échangées double tous les deux ans.

Pour éviter les conséquences négatives d’une consommation énergivore, les énergies renouvelables seraient un moyen de diminuer les émissions des centres de données. Par exemple, le rapport annuel ClickClean de Greenpeace classe les grandes entreprises liées à Internet en fonction de leur consommation d’énergies renouvelables.

Cependant, faire fonctionner des centres de données avec des sources d’énergie renouvelables ne suffit pas à compenser la consommation d’énergie croissante d’Internet. Pour commencer, Internet utilise déjà plus d’énergie que l’ensemble des énergies solaire et éolienne mondiales. De plus, la réalisation et le remplacement de ces centrales électriques d’énergies renouvelables nécessitent également de l’énergie, donc si le flux de données continue d’augmenter, alors la consommation d’énergies fossiles aussi.

Faire fonctionner les centres de données avec des sources d’énergie renouvelables ne suffit pas à combler la consommation d’énergie croissante d’Internet.

Enfin, les énergies solaire et éolienne ne sont pas toujours disponibles, ce qui veut dire qu’un Internet fonctionnant à l’aide d’énergies renouvelables nécessiterait une infrastructure pour le stockage de l’énergie et/ou pour son transport, ce qui dépend aussi des énergies fossiles pour sa production et son remplacement. Alimenter les sites web avec de l’énergie renouvelable n’est pas une mauvaise idée, mais la tendance vers l’augmentation de la consommation d’énergie doit aussi être traitée.

Tout d’abord, le contenu consomme de plus en plus de ressources. Cela a beaucoup à voir avec l’importance croissante de la vidéo, mais une tendance similaire peut s’observer sur les sites web. La taille moyenne d’une page web (établie selon les pages des 500 000 domaines les plus populaires) est passée de 0,45 mégaoctets en 2010 à 1,7 mégaoctets en juin 2018. Pour les sites mobiles, le poids moyen d’une page a décuplé, passant de 0,15 Mo en 2011 à 1,6 Mo en 2018. En utilisant une méthode différente, d’autres sources évoquent une moyenne autour de 2,9 Mo en 2018.

La croissance du transport de données surpasse les avancées en matière d’efficacité énergétique (l’énergie requise pour transférer 1 mégaoctet de données sur Internet), ce qui engendre toujours plus de consommation d’énergie. Des sites plus « lourds » ou plus « gros » ne font pas qu’augmenter la consommation d’énergie sur l’infrastructure du réseau, ils raccourcissent aussi la durée de vie des ordinateurs, car des sites plus lourds nécessitent des ordinateurs plus puissants pour y accéder. Ce qui veut dire que davantage d’ordinateurs ont besoin d’être fabriqués, une production très coûteuse en énergie.

Être toujours en ligne ne fait pas bon ménage avec des sources d’énergies renouvelables telles que l’éolien ou le solaire, qui ne sont pas toujours disponibles.

La deuxième raison de l’augmentation de la consommation énergétique d’Internet est que nous passons de plus en plus de temps en ligne. Avant l’arrivée des ordinateurs portables et du Wi-Fi, nous n’étions connectés au réseau que lorsque nous avions accès à un ordinateur fixe au bureau, à la maison ou à la bibliothèque. Nous vivons maintenant dans un monde où quel que soit l’endroit où nous nous trouvons, nous sommes toujours en ligne, y compris, parfois, sur plusieurs appareils à la fois.

Un accès Internet en mode « toujours en ligne » va de pair avec un modèle d’informatique en nuage, permettant des appareils plus économes en énergie pour les utilisateurs au prix d’une dépense plus importante d’énergie dans des centres de données. De plus en plus d’activités qui peuvent très bien se dérouler hors-ligne nécessitent désormais un accès Internet en continu, comme écrire un document, remplir une feuille de calcul ou stocker des données. Tout ceci ne fait pas bon ménage avec des sources d’énergies renouvelables telles que l’éolien ou le solaire, qui ne sont pas disponibles en permanence.

Conception d’un site internet basse technologie

La nouvelle mouture de notre site répond à ces deux problématiques. Grâce à une conception simplifiée de notre site internet, nous avons réussi à diviser par cinq la taille moyenne des pages du blog par rapport à l’ancienne version, tout en rendant le site internet plus agréable visuellement (et plus adapté aux mobiles). Deuxièmement, notre nouveau site est alimenté à 100 % par l’énergie solaire, non pas en théorie, mais en pratique : il a son propre stockage d’énergie et sera hors-ligne lorsque le temps sera couvert de manière prolongée.

Internet n’est pas une entité autonome. Sa consommation grandissante d’énergie est la résultante de décisions prises par des développeurs logiciels, des concepteurs de site internet, des départements marketing, des annonceurs et des utilisateurs d’internet. Avec un site internet poids plume alimenté par l’énergie solaire et déconnecté du réseau, nous voulons démontrer que d’autres décisions peuvent être prises.

Avec 36 articles en ligne sur environ une centaine, le poids moyen d’une page sur le site internet alimenté par énergie solaire est environ cinq fois inférieur à celui de la version précédente.

Pour commencer, la nouvelle conception du site va à rebours de la tendance à des pages plus grosses. Sur 36 articles actuellement en ligne sur environ une centaine, le poids moyen d’une page sur le site internet alimenté par énergie solaire est 0,77 Mo – environ cinq fois inférieur à celui de la version précédente, et moins de la moitié du poids moyen d’une page établi sur les 500 000 blogs les plus populaires en juin 2018.

Image: un test de vitesse d’une page web entre l’ancienne et la nouvelle version du magazine Low-Tech. La taille de la page a été divisée par plus de six, le nombre de requêtes par cinq, et la vitesse de téléchargement a été multipliée par dix. Il faut noter que l’on n’a pas conçu le site internet pour être rapide, mais pour une basse consommation d’énergie. La vitesse aurait été supérieure si le serveur avait été placé dans un centre de données et/ou à une position plus centrale de l’infrastructure d’Internet.

Image: un test de vitesse d’une page web entre l’ancienne et la nouvelle version du magazine Low-Tech. La taille de la page a été divisée par plus de six, le nombre de requêtes par cinq, et la vitesse de téléchargement a été multipliée par dix. Il faut noter que l’on n’a pas conçu le site internet pour être rapide, mais pour une basse consommation d’énergie. La vitesse aurait été supérieure si le serveur avait été placé dans un centre de données et/ou à une position plus centrale de l’infrastructure d’Internet.

Source : Pingdom

Ci-dessous sont détaillées plusieurs des décisions de conception que nous avons faites pour réduire la consommation d’énergie. Des informations plus techniques sont données sur deux pages distinctes: un sur le front-end et un sur le back-end. Nous avons aussi libéré le code source pour la conception de notre site internet.

Site statique

Un des choix fondamentaux que nous avons faits a été d’élaborer un site internet statique. La majorité des sites actuels utilisent des langages de programmation côté serveur qui génèrent la page désirée à la volée par requête à une base de données. Ça veut dire qu’à chaque fois que quelqu’un visite une page web, elle est générée sur demande.

Au contraire, un site statique est généré une fois pour toutes et existe comme un simple ensemble de documents sur le disque dur du serveur. Il est toujours là, et pas seulement quand quelqu’un visite la page. Les sites internet statiques sont donc basés sur le stockage de fichiers quand les sites dynamiques dépendent de calculs récurrents. En conséquence, un site statique nécessite moins de puissance de calcul, donc moins d’énergie.

Le choix d’un site statique nous permet d’opérer la gestion de notre site de manière économique depuis notre bureau de Barcelone. Faire la même chose avec un site web généré depuis une base de données serait quasiment impossible, car cela demanderait trop d’énergie. Cela présenterait aussi des risques importants de sécurité. Bien qu’un serveur avec un site statique puisse toujours être piraté, il y a significativement moins d’attaques possibles et les dommages peuvent être plus facilement réparés.

optimisées pour en réduire le « poids »

Le principal défi a été de réduire la taille de la page sans réduire l’attractivité du site. Comme les images consomment l’essentiel de la bande passante il serait facile d’obtenir des pages très légères et de diminuer l’énergie nécessaire en supprimant les images, en réduisant leur nombre ou en réduisant considérablement leur taille. Néanmoins, les images sont une part importante de l’attractivité de Low-tech Magazine et le site ne serait pas le même sans elles.

Par optimisation, on peut rendre les images dix fois moins gourmandes en ressources, tout en les affichant bien plus largement que sur l’ancien site.

Nous avons plutôt choisi d’appliquer une ancienne technique de compression d’image appelée « diffusion d’erreur ». Le nombre de couleurs d’une image, combiné avec son format de fichier et sa résolution, détermine la taille de cette image. Ainsi, plutôt que d’utiliser des images en couleurs à haute résolution, nous avons choisi de convertir toutes les images en noir et blanc, avec quatre niveaux de gris intermédiaires.

Image: exemple d’images traitées pour en réduire le poids, elles sont monochromes et d’une définition dégradée.

Image: exemple d’images traitées pour en réduire le poids, elles sont monochromes et d’une définition dégradée.

Ces images en noir et blanc sont ensuite colorées en fonction de la catégorie de leur contenu via les capacités de manipulation d’image natives du navigateur. Compressées par ce module appelé dithering, les images présentées dans ces articles ajoutent beaucoup moins de poids au contenu; par rapport à l’ancien site web, elles sont environ dix fois moins consommatrices de ressources.

Police de caractère par défaut / Pas de logo

Toutes les ressources chargées, y compris les polices de caractères et les logos, le sont par une requête supplémentaire au serveur, nécessitant de l’espace de stockage et de l’énergie. Pour cette raison, notre nouveau site web ne charge pas de police personnalisée et enlève toute déclaration de liste de polices de caractères, ce qui signifie que les visiteurs verront la police par défaut de leur navigateur.

une page du magazine l’image d’illustration est rouge, le fond est jaune, aucun logo n’est ajouté, l’essentiel est du texte et une image Une page du magazine en version basse consommation Nous utilisons une approche similaire pour le logo. En fait, Low-tech Magazine n’a jamais eu de véritable logo, simplement une bannière représentant une lance, considérée comme une arme low-tech (technologie sobre) contre la supériorité prétendue des « high-tech » (hautes technologies).

Au lieu d’un logo dessiné, qui nécessiterait la production et la distribution d’image et de polices personnalisées, la nouvelle identité de Low-Tech Magazine consiste en une unique astuce typographique : utiliser une flèche vers la gauche à la place du trait d’union dans le nom du blog : LOW←TECH MAGAZINE.

Pas de pistage par un tiers, pas de services de publicité, pas de cookies

Les logiciels d’analyse de sites tels que Google Analytics enregistrent ce qui se passe sur un site web, quelles sont les pages les plus vues, d’où viennent les visiteurs, etc. Ces services sont populaires car peu de personnes hébergent leur propre site. Cependant l’échange de ces données entre le serveur et l’ordinateur du webmaster génère du trafic de données supplémentaire et donc de la consommation d’énergie.

Avec un serveur auto-hébergé, nous pouvons obtenir et visualiser ces mesures de données avec la même machine: tout serveur génère un journal de ce qui se passe sur l’ordinateur. Ces rapports (anonymes) ne sont vus que par nous et ne sont pas utilisés pour profiler les visiteurs.

Avec un serveur auto-hébergé, pas besoin de pistage par un tiers ni de cookies.

Low-tech Magazine a utilisé des publicités Google Adsense depuis ses débuts en 2007. Bien qu’il s’agisse d’une ressource financière importante pour maintenir le blog, elles ont deux inconvénients importants. Le premier est la consommation d’énergie: les services de publicité augmentent la circulation des données, ce qui consomme de l’énergie.

Deuxièmement, Google collecte des informations sur les visiteurs du blog, ce qui nous contraint à développer davantage les déclarations de confidentialité et les avertissements relatifs aux cookies, qui consomment aussi des données et agacent les visiteurs. Nous avons donc remplacé Adsense par d’autres sources de financement (voir ci-dessous pour en savoir plus). Nous n’utilisons absolument aucun cookie.

À quelle fréquence le site web sera-t-il hors-ligne?

Bon nombre d’entreprises d’hébergement web prétendent que leurs serveurs fonctionnent avec de l’énergie renouvelable. Cependant, même lorsqu’elles produisent de l’énergie solaire sur place et qu’elles ne se contentent pas de « compenser » leur consommation d’énergie fossile en plantant des arbres ou autres, leurs sites Web sont toujours en ligne.

Cela signifie soit qu’elles disposent d’un système géant de stockage sur place (ce qui rend leur système d’alimentation non durable), soit qu’elles dépendent de l’énergie du réseau lorsqu’il y a une pénurie d’énergie solaire (ce qui signifie qu’elles ne fonctionnent pas vraiment à 100 % à l’énergie solaire).

Image: Le panneau photo-voltaïque solaire de 50 W. Au-dessus, un panneau de 10 W qui alimente un système d’éclairage.

Image: Le panneau photo-voltaïque solaire de 50 W. Au-dessus, un panneau de 10 W qui alimente un système d’éclairage.

En revanche, ce site web fonctionne sur un système d’énergie solaire hors réseau avec son propre stockage d’énergie et hors-ligne pendant les périodes de temps nuageux prolongées. Une fiabilité inférieure à 100 % est essentielle pour la durabilité d’un système solaire hors réseau, car au-delà d’un certain seuil, l’énergie fossile utilisée pour produire et remplacer les batteries est supérieure à l’énergie fossile économisée par les panneaux solaires.

Reste à savoir à quelle fréquence le site sera hors ligne. Le serveur web est maintenant alimenté par un nouveau panneau solaire de 50 Wc et une batterie plomb-acide (12V 7Ah) qui a déjà deux ans. Comme le panneau solaire est à l’ombre le matin, il ne reçoit la lumière directe du soleil que 4 à 6 heures par jour. Dans des conditions optimales, le panneau solaire produit ainsi 6 heures x 50 watts = 300 Wh d’électricité.

Le serveur web consomme entre 1 et 2,5 watts d’énergie (selon le nombre de visiteurs), ce qui signifie qu’il consomme entre 24 et 60 Wh d’électricité par jour. Dans des conditions optimales, nous devrions donc disposer de suffisamment d’énergie pour faire fonctionner le serveur web 24 heures sur 24. La production excédentaire d’énergie peut être utilisée pour des applications domestiques.

Nous prévoyons de maintenir le site web en ligne pendant un ou deux jours de mauvais temps, après quoi il sera mis hors ligne.

Cependant, par temps nuageux, surtout en hiver, la production quotidienne d’énergie pourrait descendre à 4 heures x 10 watts = 40 watts-heures par jour, alors que le serveur nécessite entre 24 et 60 Wh par jour. La capacité de stockage de la batterie est d’environ 40 Wh, en tenant compte de 30 % des pertes de charge et de décharge et de 33 % de la profondeur ou de la décharge (le régulateur de charge solaire arrête le système lorsque la tension de la batterie tombe à 12 V).

Par conséquent, le serveur solaire restera en ligne pendant un ou deux jours de mauvais temps, mais pas plus longtemps. Cependant, il s’agit d’estimations et nous pouvons ajouter une deuxième batterie de 7 Ah en automne si cela s’avère nécessaire. Nous visons un uptime, c’est-à-dire un fonctionnement sans interruption, de 90 %, ce qui signifie que le site sera hors ligne pendant une moyenne de 35 jours par an.

Premier prototype avec batterie plomb-acide (12 V 7 Ah) à gauche et batterie Li-Po UPS (3,7V 6600 mA) à droite. La batterie au plomb-acide fournit l’essentiel du stockage de l’énergie, tandis que la batterie Li-Po permet au serveur de s’arrêter sans endommager le matériel (elle sera remplacée par une batterie Li-Po beaucoup plus petite).

Premier prototype avec batterie plomb-acide (12 V 7 Ah) à gauche et batterie Li-Po UPS (3,7V 6600 mA) à droite. La batterie au plomb-acide fournit l’essentiel du stockage de l’énergie, tandis que la batterie Li-Po permet au serveur de s’arrêter sans endommager le matériel (elle sera remplacée par une batterie Li-Po beaucoup plus petite).

Quel est la période optimale pour parcourir le site?

L’accessibilité à ce site internet dépend de la météo à Barcelone en Espagne, endroit où est localisé le serveur. Pour aider les visiteurs à « planifier » leurs visites à Low-tech Magazine, nous leur fournissons différentes indications.

Un indicateur de batterie donne une information cruciale parce qu’il peut indiquer au visiteur que le site internet va bientôt être en panne d’énergie – ou qu’on peut le parcourir en toute tranquillité. La conception du site internet inclut une couleur d’arrière-plan qui indique la charge de la batterie qui alimente le site Internet grâce au soleil. Une diminution du niveau de charge indique que la nuit est tombée ou que la météo est mauvaise.

Outre le niveau de batterie, d’autres informations concernant le serveur du site web sont affichées grâce à un tableau de bord des statistiques. Celui-ci inclut des informations contextuelles sur la localisation du serveur : heure, situation du ciel, prévisions météorologiques, et le temps écoulé depuis la dernière fois où le serveur s’est éteint à cause d’un manque d’électricité.

Matériel & Logiciel

Nous avons écrit un article plus détaillé d’un point de vue technique: Comment faire un site web basse technologie: logiciels et matériel.

SERVEUR : Ce site web fonctionne sur un ordinateur Olimex A20. Il est doté de 2 GHz de vitesse de processeur, 1 Go de RAM et 16 Go d’espace de stockage. Le serveur consomme 1 à 2,5 watts de puissance.

SOFTWARE DU SERVEUR : le serveur web tourne sur Armbian Stretch, un système d’exploitation Debian construit sur un noyau SUNXI. Nous avons rédigé une documentation technique sur la configuration du serveur web.

LOGICIEL DE DESIGN : le site est construit avec Pelican, un générateur de sites web statiques. Nous avons publié le code source de « solar », le thème que nous avons développé.

CONNEXION INTERNET. Le serveur est connecté via une connexion Internet fibre 100 MBps. Voici comment nous avons configuré le routeur. Pour l’instant, le routeur est alimenté par le réseau électrique et nécessite 10 watts de puissance. Nous étudions comment remplacer ce routeur gourmand en énergie par un routeur plus efficace qui pourrait également être alimenté à l’énergie solaire.

SYSTÈME SOLAIRE PHOTOVOLTAÏQUE. Le serveur fonctionne avec un panneau solaire de 50 Wc et une batterie plomb-acide 12 V 7 Ah. Cependant, nous continuons de réduire la taille du système et nous expérimentons différentes configurations. L’installation photovoltaïque est gérée par un régulateur de charge solaire 20A.

Qu’est-il arrivé à l’ancien site?

Le site Low-tech Magazine alimenté par énergie solaire est encore en chantier. Pour le moment, la version alimentée par réseau classique reste en ligne. Nous encourageons les lecteurs à consulter le site alimenté par énergie solaire, s’il est disponible. Nous ne savons pas trop ce qui va se passer ensuite. Plusieurs options se présentent à nous, mais la plupart dépendront de l’expérience avec le serveur alimenté par énergie solaire.

Tant que nous n’avons pas déterminé la manière d’intégrer l’ancien et le nouveau site, il ne sera possible d’écrire et lire des commentaires que sur notre site internet alimenté par réseau, qui est toujours hébergé chez TypePad. Si vous voulez envoyer un commentaire sur le serveur web alimenté en énergie solaire, vous pouvez en commentant cette page ou en envoyant un courriel à solar (at) lowtechmagazine (dot) com.

Est-ce que je peux aider?

Bien sûr, votre aide est la bienvenue.

D’une part, nous recherchons des idées et des retours d’expérience pour améliorer encore plus le site web et réduire sa consommation d’énergie. Nous documenterons ce projet de manière détaillée pour que d’autres personnes puissent aussi faire des sites web basse technologie.

D’autre part, nous espérons recevoir des contributions financières pour soutenir ce projet. Les services publicitaires qui ont maintenu Low-tech Magazine depuis ses débuts en 2007 sont incompatibles avec le design de notre site web poids plume. C’est pourquoi nous cherchons d’autres moyens de financer ce site :

Nous proposerons un service de copies du blog imprimées à la demande. Grâce à ces publications, vous pourrez lire le Low-tech Magazine sur papier, à la plage, au soleil, où vous voulez, quand vous voulez.

Vous pouvez nous soutenir en envoyant un don sur PayPal, Patreon ou LiberaPay.

Le serveur alimenté par énergie solaire est un projet de Kris De Decker, Roel Roscam Abbing, et Marie Otsuka.










Permacomputing


These design principles have been modeled after those of permaculture.

These are primarily design/practice principles and not philosophical ones, so feel free to disagree with them, refactor them, and (re-)interpret them freely. Permacomputing is not prescriptive, but favours instead situatedness and awareness of the diversity of context. Said differently, its design principles can be as much helpful as a way to guide practice in a specific situation, as it can be used as a device to help surface systemic issues in the relationship between computer technology and ecology.

Also, this is a big work-in-progress :)

Care for life

This is the ethical basis that permacomputing builds on. It refers to the permacultural principles of "care for the earth" and "care for people", but can be thought of as the basic axiom for all choices.

Create low-power systems that strengthens the biosphere and use the wide-area network sparingly. Minimize the use of artificial energy, fossil fuels and mineral resources. Don't create systems that obfuscate waste.

Care for the chips

Production of new computing hardware consumes a lot of energy and resources. Therefore, we need to maximize the lifespans of hardware components – especially microchips, because of their low material ?recyclability.

Keep it small

Small systems are more likely to have small hardware and energy requirements, as well as high understandability. They are easier to understand, manage, ?refactor and ?repurpose.

Hope for the best, prepare for the worst

It is a good practice to keep everything as resilient and collapse-tolerant as possible even if you don't believe in these scenarios.

Keep it flexible

Flexibility means that a system can be used in a vast array of purposes, including ones it was not primarily designed for. Flexibility complements smallness and simplicity. In an ideal and elegant system, the three factors (smallness, simplicity and flexibility) support each other.

If it is possible to imagine all the possible use cases when designing a system, the design may very well be too simple and/or too inflexible. Smallness, simplicity and flexibility are also part of the "small, sharp tools" ideal of the Unix command line. Here the key to flexibility is the ability to creatively combine small tools that do small, individual things.

Build on a solid ground

It is good to experiment with new ideas, concepts and languages, but depending on them is usually a bad idea. Appreciate mature technologies, clear ideas and well-understood theories when building something that is intended to last.

Amplify awareness

Computers were invented to assist people in their cognitive processes. "Intelligence amplification" was a good goal, but intelligence may also be used narrowly and blindly. It may therefore be a better idea to amplify awareness.

Expose everything

As an extension of "amplify awareness": Don't hide information!

Respond to changes

Computing systems should adapt to the changes in their operating environments (especially in relation to energy and heat). 24/7 availability of all parts of the system should not be required, and neither should a constant operating performance (e.g. networking speed).

Everything has a place

Be part of your local energy/matter circulations, ecosystems and cultures. Cherish locality, avoid centralization. Strengthen the local roots of the technology you use and create.

While operating locally and at present, be aware of the entire world-wide context your work takes place in. This includes the historical context several decades to the past and the future. Understanding the past(s) is the key for envisioning the possible futures.

















Monopoly


media: Arrêt sur images

Alors que les signes de l'éclatement de la bulle financière de l'IA s'amoncellent, le marché continue de dépenser comme jamais. Le signe d'un régime politique et économique délirant, dans lequel une poignée de monopoles s'exonère de la rationalité.


La vérité, a un jour écrit l'immense Philip K. Dick, c'est ce qui perdure lorsque l'on cesse d'y croire. Ce sont les faits, têtus et inexpugnables, qui s'installent lorsque la psychose reflue et que l'hallucination se dissipe. Parfois, le retour au réel se fait en douceur. Parfois, seul un choc violent avec le réel peut desserrer l'emprise de l'illusion. Depuis le début de l'été, l'industrie de l'intelligence artificielle et le techno-capitalisme dans son ensemble vivent enfin un début de crise de foi. Après dix-huit mois à empiler les superlatifs jusqu'à l'absurde pour nous convaincre (et s'auto-convaincre) que des générateurs de texte améliorés étaient l'inévitable futur des sociétés, les voilà obligés d'admettre une possibilité encore impensable il y a six mois : l'IA censée révolutionner le monde ne sert en réalité à rien, et la bulle financière qui la soutient s'apprête à éclater. Les indices s'amoncellent, pour peu qu'on se force à regarder au-delà du brouillard médiatique hallucinogène qui entoure la technique depuis les premiers balbutiements de ChatGPT.

"une question à 200 milliards de dollars". Une question toute simple : comment comptent-ils gagner de l'argent à court ou moyen terme avec l'IA lorsqu'elle nécessite des investissements gigantesques dans l'infrastructure - data centers, cartes graphiques et désormais centrales nucléaires pour alimenter le tout - tout en ne rapportant absolument rien? La seule réponse que l'industrie daigne fournir, par la voix de ses PDG prophètes : gardez la foi et laissez-nous faire. Mark Zuckerberg, un patron qui a un jour dépensé 36 milliards de dollars en 18 mois dans un métavers totalement inutile sans être une seconde inquiété par son conseil d'administration, explique par exemple que son prochain modèle d'IA nécessitera "10 fois plus" de puissance de calcul que l'actuel et affirme qu'il faudra "des années" avant que la technique ne soit rentable. Une foi aveugle partagée par Satya Nadella, Sundar Pichai et les autres, patrons de conglomérats devenus techno-prophètes aux poches sans fond, totalement détachés des impératifs de base de l'économie de marché - notamment celui de vendre un produit plus cher que ce qu'il coûte à produire, afin d'en tirer un bénéfice.

La question (à 200 milliards) qui fâche

La question (à 200 milliards) qui fâche

Sequoia Capital, 20 septembre 2023

Alors, en l'espace d'un an, la question à 200 milliards est devenue... une question à 600 milliards, estimait ce même Sequoia Capital en juin. À ce rythme infernal, l'industrie aura bientôt une question à 1000 milliards de dollars sur les bras, "sans résultats probants" pour y répondre, hallucinait pour sa part un autre faiseur de pluie du capitalisme, Goldman Sachs, dans un rapport de juin. Au seul second trimestre 2024, les dépenses en capital ("capex", en jargon de téléspectateur de BFM Business) d' Alphabet, Apple, Amazon, Meta et Microsoft ont atteint 59 milliards de dollars, et plus de 106 milliards au premier semestre 2024. Du délire. Selon le média The Information, OpenAI, "leader" du marché (inexistant) de l'IA générative, pourrait perdre 5 milliards de dollars en 2024 - dix fois plus qu'en 2022. Réaction de son PDG Sam Altman, interrogé en mai sur l'inanité de son business model : "Cramer 500 millions ou 5 milliards de dollars par an, je m'en fous - vraiment, je m'en fous." Altman le dit et le répète, il est au-dessus des basses motivations pécuniaires. Son truc à lui, c'est d'atteindre la "singularité technologique" et de l'offrir à toute l'humanité. Le fait que sa philanthropie ait fait de lui un milliardaire en avril dernier relève de la coïncidence.

Conséquence logique d'une caste de patrons qui a visiblement décidé de laisser le bon sens économique au vestiaire, un seul réel gagnant se détache de cette hallucination collective : Nvidia, qui fabrique et vend les cartes graphiques sur lesquelles fonctionnent les machines à désinformation vendues par la clique de camelots californiens. Mais là encore, quelque chose cloche. L'entreprise vaut désormais 3000 milliards de dollars en Bourse - soit 500 millions de dollars de plus que l'intégralité du CAC 40 - et talonne Apple pour la position d'entreprise la plus chère du monde. Pendant la ruée vers l'or, il fait bon être vendeur de pioches.

IA générative : trop de dépenses, pas assez de bénéfices?

IA générative : trop de dépenses, pas assez de bénéfices?

Goldman Sachs, 27 juin 2024

Les chiffres donnent le tournis. L'IA générative est le vaporware le plus cher, le plus inutile et le plus polluant de l'histoire des gadgets inutiles. Ce n'est pas moi qui le dis. Même chez les gardiens du temple sociopathes du capitalisme spéculatif, pourtant habitués à s'enrichir en prédateur sur des conditions macroéconomiques absurdes, l'industrie de l'IA générative passe pour une secte millénariste. Dans un courrier supposément confidentiel envoyé à ses clients début août, le fonds spéculatif Elliott Management conseille à ses clients de prendre ses distances avec les entreprises de l'IA, qu'il décrit comme une technique "surévaluée dont la plupart des applications ne sont pas prêtes", qui ne sera "jamais économique, ne fonctionnera jamais correctement, consommera trop d'énergie et restera perpétuellement faillible". Ippon. Chez Goldman Sachs, le ton se fait presque menaçant : "Plus le temps passe sans usages significatifs, plus le récit de l'intelligence artificielle deviendra difficile à tenir. Si aucun cas d'usage important n'apparaît dans les 12 à 18 prochains mois, l'enthousiasme des investisseurs va peut-être se dissiper." Même le cabinet McKinsey, qui promettait en juin 2023 que ChatGPT et les autres allaient bientôt produire l'équivalent du PIB annuel du Royaume-Uni (il faut se rendre compte du degré d'insanité) a cessé les bouffées délirantes, et suggère désormais de "regarder au-delà de la hype". En plissant les yeux et en priant pour qu'un modèle économique rentable se matérialise à l'horizon ? Raté. Parce qu'au-delà de la hype, il n'y a rien.

Même Bloomberg commence doucement à comprendre

Même Bloomberg commence doucement à comprendre

Bloomberg, 2 août 2024

Dans la presse aussi, le discours a changé. Oubliés le messianisme et les prophéties techno-apocalyptiques de l'été dernier, quand grands patrons de la Silicon Valley, "parrains de l'IA" et experts autoproclamés promettaient alternativement transcendance et extinction de l'humanité à des journalistes en état de sidération. Depuis un an, la nullité constante de l'IA générative dans toutes les industries où elle a été implémentée a fracassé un à un les discours publicitaires contre le mur du réel. Dernier fiasco en date, celui d'une campagne présidentielle étasunienne "alimentée par IA", nous informe le New York Times. Dans le monde réel, personne n'a envie de parler politique avec un chatbot, qu'il bosse pour le camp démocrate ou républicain.

Alors, depuis le décrochage boursier du Nasdaq fin juillet, conséquence de la publication des (mauvais) résultats des conglomérats de la tech, on s'autorise enfin à poser la question de la bulle financière. Les comparaisons se multiplient avec la bulle dot-com de l'an 2 000, qui a vu le Nasdaq perdre 70% de sa valeur après des années de survalorisation de jeunes entreprises du Web. Sur Google, les recherches du terme "bulle de l'IA" n'ont jamais été aussi nombreuses, reflet d'un zeitgeist médiatique et économique qui voit enfin l'industrie de la tech dans sa glorieuse absurdité. Car pendant que Zuckerberg, Nadella, Pichai, Altman et les autres brûlent des dizaines de milliards de dollars en riant, le nombre de faillites de start-ups a augmenté de 60% aux Etats-Unis l'année dernière. Ce n'est plus de la concentration de capital, c'est un siphonnage en règle. Tout le capital-risque disponible va directement dans la fournaise de l'IA générative.

Evolution des recherches "AI bubble" depuis cinq ans

Evolution des recherches "AI bubble" depuis cinq ans

Google Trends, 22 août 2024

Il ne faut pas avoir un doctorat en économie pour comprendre que ce que nous vivons est absurde. Une entreprise fonctionnelle et saine n'investit pas des dizaines de milliards en pure perte dans un produit qui ne sert à rien et dont personne ne veut. Certes, dans la Silicon Valley, le profit a depuis longtemps cessé d'être un indicateur de succès - rappelez-vous d'Amazon, qui a mis 14 ans à générer du profit, ou d'Uber, qui a mis 15 ans à y parvenir (et encore, en manipulant ses chiffres). Certes, le capitalisme de start-up des quinze dernières années n'était rien d'autre qu'un programme de subventions généralisé, permis par des fonds d'investissements de Wall Street aux poches sans fond et une politique monétaire de taux d'intérêts nuls, qui a plus ou moins pris fin en 2022 lorsque la réserve fédérale étasunienne a décidé la fin de la gratuité de l'argent. Certes, nous vivons un moment d'emmerdification généralisée de la tech, où le profit laisse progressivement place à la rente et la qualité des produits commercialisés n'entre plus en ligne de compte. On le sait, mais ce qui se joue autour de l'IA générative est autrement plus grave. Car non seulement la bulle n'a pas encore explosé, mais le Nasdaq et Nvidia sont repartis à la hausse ces derniers jours, toujours plus loin dans l'aberrant. Des dizaines de milliards de dollars partent en fumée chaque mois et les investisseurs, comme sous emprise sectaire, continuent de mettre la main au portefeuille contre la promesse de l'au-delà technologique.

Pour reprendre l'excellent technocritique Edward Zitron, effaré par cet étalage d'insensé et probablement dans un état de frustration terrible, ce que raconte cette bulle, c'est l'histoire d'une poignée d'entreprises - Meta, Amazon, Microsoft, Alphabet et Apple, dans une moindre mesure - en train de pourrir de l'intérieur, en pénurie d'idées, désespérément en quête d'un marché à hypercroissance à dominer et maintenant pris au piège des coûts irrécupérables -en économie comportementale, le biais cognitif qui nous pousse à nous entêter dans un comportement irrationnel au nom de l'investissement déjà consenti. L'IA générative n'est ni le prochain iPhone, ni le prochain réseau social, ni le prochain changement de paradigme sociotechnique. Elle est la manifestation de l'imaginaire frelaté d'une poignée de charlatans démiurges, déconnectés du corps social aussi bien idéologiquement que géographiquement, qui tentent de nous vendre des machines à brasser du vide après avoir échoué à écouler des casques de VR pourris, une "monnaie" virtuelle qui n'achète rien et des fichiers JPEG de singes, en affirmant à chaque tentative que leur camelote annonçait une nouvelle étape de la civilisation. Il n'y a pas de grand plan, de surprise du chef, d'arme secrète développée dans des labos de R&D d'OpenAI et consorts qui s'apprête à révolutionner le monde - il n'y a même pas de GPT-5 à l'horizon ! Ce qui se joue en ce moment n'est pas une partie d'échecs en 5D jouée par des entrepreneurs de génie pour prendre le contrôle du futur. Comme la bulle crypto de 2022, c'est une partie de Monopoly entre monopoles, qui se foutent complètement de ce qui adviendra au-delà du plateau de jeu, improvisent au jour le jour et se justifient ensuite.

Ce que nous raconte enfin ce moment économique absurde, c'est la culmination d'un processus de féodalisation économique enclenché par cinq ou six multinationales pour vassaliser le reste de l'économie. Le technocapitalisme, parodie de libre-échange, pourrit aux mains d'un cartel protégé aussi bien de la concurrence que de la régulation, libre de fixer les règles qui déterminent son propre enrichissement. Son objectif n'est donc plus de produire, mais de devenir l'infrastructure qui soutient le monde. Quitte à massacrer le vivant au passage et à maquiller sa toxicité à coups d'achat de crédits carbone au prix de gros. Mais tout le greenwashing du monde ne suffira pas à dissimuler l'intolérable évidence : l'IA générative est non seulement un écocide, mais un écocide pour rien. Dans une mise à jour inédite du capitalocène, les géants de la tech sont en train d'échanger le vivant contre une machine à générer des lettres de motivation, des dépenses... et aucun profit. De l'extraction et de la destruction pure, qui ne s'embarrasse même plus des apparences de l'utilité commune. Un trou noir environnemental qui grossit et grossit, dont la croissance devrait être stoppée par tous les moyens adéquats et les architectes traduits devant la justice.

Comment Big Tech redéfinit la neutralité carbone à son avantage

Comment Big Tech redéfinit la neutralité carbone à son avantage

Financial Times, 14 août 2024

Cette partie de Monopoly entre multimilliardaires pyromanes doit donc cesser, et il n'y a pas trente-six solutions : il faut les briser, comme la loi a brisé les "barons voleurs" du capitalisme industriel des années 20, alors aussi obscènes qu'un Elon Musk ou un Mark Zuckerberg, nouveaux visages de cette "société de provocation" ultrariche décrite par la sociologue Dahlia Namlian. L'espoir est infime, mais il existe. Le 7 août, le Département de la Justice étasunien a condamné Google pour pratique anticoncurrentielle sur son moteur de recherche, ce qui referme une période de 25 ans d'impunité pour le secteur étasunien de la tech. La procédure doit ouvrir la voie à des poursuites similaires contre Meta, Amazon et Apple. Tous sont champions de ce que Zitron appelle "l'économie du pourrissement", cette idéologie de l'expansion à tout prix qui ne s'embarrasse plus de concevoir des produits et services vaguement utiles au corps social et se contente de se rendre incontournable pour mieux gouverner en cartel. La Silicon Valley pourrit sur place, idéologiquement et stratégiquement, sous un feu d'artifice de dollars. Plus ses services sont mauvais, moins on peut y échapper.

Ainsi va Big Tech, en monopole ou duopole. Le cloud, c'est Microsoft et Amazon. La publicité en ligne, c'est Google et Meta. La recherche, c'est Google. Le commerce en ligne, Amazon. Le PC, Microsoft. Les applis mobiles : Apple, qui extorque une taxe exorbitante de 30% à tous les développeurs... excepté quelques privilégiés. Et le petit nouveau, Nvidia, déjà scruté par le Département de la Justice, truste le marché de la carte graphique. Et ainsi de suite, dans ce que Cory Doctorow baptise le "capitalisme d'étranglement" (chokepoint capitalism), devenu le système d'exploitation préférentiel d'une économie illibérale. Le seul avantage de cette hyper-concentration du capital, c'est qu'elle réduit le nombre d'ennemis à abattre et la diversité des tactiques à utiliser. Peu importe son secteur, un monopole est un monopole. On ne négocie pas avec, on le brise. Sans offensive de régulation, le devenir de la bulle financière de l'IA importe peu. Peu importe le scénario, les souverains arnaqueurs de la tech survivront à l'éclatement de leur délire, trébucheront sur les cadavres des victimes et reprendront leur lente marche de zombie vers la singularité capitaliste. Pour Amazon, Meta, Alphabet et Microsoft, ce sera une semaine comme une autre, quelques centaines de millions de dollars perdus jusqu'à la prochaine révolution bullshit. Pourquoi ? Car hype après hype, bulle après bulle, milliards après milliards, le cartel de la tech nous confisque la possibilité de penser l'avenir. Elle est là, la conséquence la plus terrifiante du monopole - un monde sans alternative à leur nullité.

Dans la "bulle de l'économie du pourrissement"

Dans la "bulle de l'économie du pourrissement"

Edward Zitron, 3 juin 2024



source: https://www.arretsurimages.net/chroniques/clic-gauche/monopoly author: Thibault Prévost