Transe et danses populaires

Envoûté..e et silencieus..e, la musique transperce chaque microscopique particule de ton corps. La dissociation cognitive dans laquelle tu plonges, et tes membres qui s’activent sans penser, ton état de conscience est modifié, tou t se chevauche et se rencontre, comme se dédouble : tu es en état transe.

On a besoin de ça, de la musique, de se lâcher, de danser, pour se sentir bien, vivant..e ! Nous ne sommes que des humains Après tout ! La musique, immatérielle et vibratoire, grande gardienne des secrets de la résonance, est la seule capable de faire tinter en l’humain quelque chose qui lui est de l’ordre de l’instinct, du naturel, contre lequel il ne peut lutter. Calquée sur les battements de notre cœur ainsi que sur notre souffle respiratoire principalement, la musique dans sa logique de construction étant, la répétition, permet d’éveiller en-nous des petits fragments de choses qui nous constituent, nous permettent de vivre, mais que, par habitude, nous n’écoutons plus. C’est ce que l’on appelle le cadence

La cadence, c’est la danse du peuple. La danse populaire. Loin des froufrous et tutus de ballets. Loin de la rationalité des gestes par Louis XIV. Loin du solo. Proche du collectif : Loin de l’académie. Proche du faire ensemble. Loin de la scène. Proche de la rue. Loin des institutions. Proche de la communauté. Loin du protocolaire. Proche du lâcher prise.

Les danses populaires se sont toujours faites par passion et non par notion. Elles sont influencées par la cadence, une force qui vient directement du corps. Cette énergie est innée, elle dort en nous, elle surgit sans prévenir. La danse en a tellement effrayé plus d’un..e. La danse des enfers, l’incarnation du diable, la tentation du corps féminin dit trop désirable, donc en conséquence, condamnable [parce que les hommes se tiennent peut-être aussi ? La blague...], la danse a longtemps été blâmée par l’Église catholique, et elle l’est toujours d ans certains contextes actuels. Elle fait peur parce qu’elle a la puissance de réunir, de mieux se découvrir soi-même, de se connaîtr e, de se trouver. Quand quelque chose empêche de gouverner convenablement, c’est bien connu que la réponse au problème, passe par l’é radication à la souche de ce qui dérange. La danse, et l’état de transe, sont des chemins qui t’amènent à effleurer une chose précieuse dont tu es très souvent privé.e, j’ai nommé : la liberté ! Imagines la tête qu’ils font quand ils voient que t’arrives au bout de ce chemin ! La peur bleue qui les submerge ! Les tronches qu’ils tirent Ohlalaaa !

Par le rythme cadencé, tu as la possibilité de totalement t’abandonner. Il est quasi impossible de ne pas frapper des mains, taper des pieds, d’osciller son buste, de faire ce va-et-vient avant arrière avant arrière. C’est en nous ! Après tu peux ne pas bouger, mais dans ces cas-là c’est un acte volontaire, et franchement, c’est bien dommage d’aller écouter de la musique classique en s’asseyant, impassible, sans aucune once de mouvements... On bouge, c’est spontané, sans réfléchir. C’est ça vivre la musique, c’est se laisser prendre de court, s’étonner, et la laisser t’envoûter.

C’est lorsque que tu accueilles la musique comme si tu l’avais toujours eu en toi. Elle ne t’a jamais été inconnue, et elle entre chez «toi» ou plutôt en toi, comme elle le souhaite [puisque tu la laisses s’installer]. Dénué..e d’armure, sans protection, elle se répand en toi, et crée de multiples sensations, bonnes comme mauvaises, à la fois auditives, cutanées et internes - musculaires, viscérales, émotionnelles. Tous tes organes se mettent à vib rer, et la musique réveille cette présence invisible, immobile et silencieuse, mais ni inerte, ni passive, qu’il suffisait d’un peu secouer pour qu’elle ressuscite immédiatement. «Il y a entre la musique et la chair humaine une attirance vibratoire». Leur rencontre obéit à une loi de la physique, la résonance : tout corps susceptible de vibrer à une certaine fréquence entre en vibration quand il reçoit un son de même fréquence.» Les sons graves, les fréquences de basses, sont plus faciles à percevoir, car notre être tout entier vibre à leur réception.

La vibration : C’est lorsque tu sens ce mouvement oscillatoire parcourir toute ta colonne vertébrale, tout ton estomac, un espèce de va et vient d’un maximum à un minimum, se répétant en cycles réguliers, périodiques. Ce mouvement est le rythme du vivant. Que ce soit notre système nerveux [cycle de fréquences d’une fraction de secondes, ou rythme cardiaque (plus perceptible avec le battement par seconde [BPM])], la vibration intègre la vie et lui permet d’entretenir la machinerie du corps par la circularité dont est composé le vivant et le corps humain. La musique nous attire car nous lui sommes apparenté..es. Elle nous fait vibrer. La peau reçoit l’émission des fréquences rythmiques et cycliques, notre cerveau les relie directement à notre système corporel dans sa composition, et c’est foutu (pour le mieux), tu te fais catch par la zic. On a une musique qui résonne en nous sans arrêt , et qui nous permet de vivre tous les jours. Nous sommes un gigantesque sound system, composé..es de câbles ruisselants, et d’un sub marteleur. On atteint cette conscience de son propre corps via la musique lorsqu’on ne se précipite pas dans le mouvement. Quand on choisit d’effectuer un voyage vers l’extérieur, comme vers l’intérieur, c’est là que l’on capte tout ce qui se passe sous notre enveloppe. C’est ce qu’on appelle un état de double attention.

Dedans dehors dedans dehors, pour faire plus simple. Y a encore un schéma de va et vient t’as vu ? Les frappes sonores ne viennent pas se calquer sur l’intérieur de notre machine humaine. Elles viennent s’y intégrer, les accompagner, parfois les compléter, car notre corps est polyrythmique. C’est-à-dire que plusieurs rythmes se superposent, et pourtant nous ne nous sentons pas éclater, mais unifié..es.

Comme la conception d’un morceau tout entier, notre corps combine différentes couches rythmiques croisées. Lorsque qu’il reçoit la polyrythmie via la musique, c’est à ce moment-là qu’il y a dissociation cognitive. Tout semble désynchronisé avec notre appareil interne, qui pourtant lui-même est en polyrythmie constante [notre souffle n’est jamais en rythme parfait avec les battements de notre cœur par exemple]. Le cerveau déconnecte quand il rencontre la polyrythmie. Comme quoi, dans une sorte de chaos dichotomique du tempo, peut naître du flottement cérébral. Cette déconnexion c’est un peu comme la conduite. Tu roules de nuit par exemple, et ton regard est focus sur ce que les phare s de la caisse éclairent. En général tu vois d’autres phares qui te font face, et la succession r épétitive des lignes blanches sur le sol. Ça se succède mais jamais ça ne se superpose parfaitement, tes phares, leurs phares, les lignes blanches segmentées, le ronron du moteur, de leurs moteurs. Rien n’est synchronisé, mais t’es comme sous hypnose. Tu peux commencer à voir des formes dans ces bandes blanches qui se reflètent sur ton pare-brise. T’es dans la «dream machine» de Brion Gysin. Ton état de conscience est modifié. Lorsque tu atteins cet état de transe hypnotique, ton cerveau a acheminé un long processus dans plusieurs zones sombres et quasi inconnues du cerveau humain. Ces ombres de l’inconscient, quand elles se manifestent , peuvent être d’une douceur comme d’une noirceur inégalable.

Quand on se repose sur l’ordre, la rationalité de ce que l’on connaît, étant la partie consciente de notre cerveau, celle que l’on utilise au quotidien dans nos interactions sociales etc... on opte pour une simplicité de vie, par peur de nos névroses, des choses enfouies dont l’inconscient est l’unique gardien. C’est là où je me dis , pour revenir à la partie «répression» [plus haut], que c’est un peu une guerre des conscients contre les inconscients. L’ordre contre l’abstraction. La police contre les tranceux. La «norme» contre les «bizarres». Ça donne envie de poser la question : qu’est-ce qui est de l’ordre de la norme, finalement ?

Parce qu’au final, rien ne nous dit qu’être dans la soi-disant norme pour certaines, c’est aussi être à côté de la plaque pour d’autres. Être dans la norme, bien moulé..e dans un pyrex cristallin, c’est aussi accepter le pouvoir qui s’exerce sur toi, car ils souhaitent profondément que tu la suives, cette norme. La société a pour mission de faire de toi un tout beau, succulent gâteau, sans aucun raté, pas de bords cramés, par pitié, s’il vous plaît ! On place les «fous» dans des asiles sous prétexte que leur réalité n’équivaut pas à la «bonne» réalité qu’est celle de notre société. Eux, il..elles marchent sur la tête. Nous, nous marchons dans des rangs. L’ordre, l’ordre, toujours l’ordre. Synchronie, synchronie, synchro, chronie, nie, nier, dés, synchro, désynchronier, tout désynchroniser.

PRINT
Lien vers le instagram de l'artiste
Fumar Mata, Cosmic Conspiracy, 2025