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Né à Paris, j’ai ensuite grandi dans la banlieue bordelaise, jusque très récemment. J’étudie le design graphique depuis désormais 4 ans, développant une passion que je fais vivre depuis un peu plus longtemps. Au fil du temps, ma manière de voir le monde qui m’entoure a progressivement évolué, j’analyse ce qui m’entoure. La diversité culturelle de Bordeaux, et la relation étroite avec mes études m’ont amené à fréquenter plusieurs lieux publics culturels, dont la communication, et donc l’identité, est présente en ville.
Ce sont aussi des sujets de conversation avec des camarades, des enseignants, d’autres designers graphiques, de la famille, faisant écho à des souvenirs. Quand je repense à ces lieux, il me vient des images de leur identité visuelle, où un élément revient souvent, la gestion typographique.
J’ai remarqué que ces lieux avaient tendance à utiliser une police de caractère linéale. Alors plutôt que de vérifier cette affirmation, ce mémoire va questionner l’application et le déploiement de manière plus large les identités des deux principaux lieux culturels de la ville de Bordeaux. À travers ces études de cas, je cherche donc des tendances, des différences, ou des rapprochements. Il faut dans un premier temps définir de manière plus précise le champ de recherche.
Introduire
Le terme culture, de sa définition sociologique et éthologique, serait défini comme « ce qui est commun à un groupe d’individus » et comme « ce qui le soude ». Cela s’apparente donc au savoir, à la connaissance, à l’application, l’utilisation et à la transmission de ces dernières. Ainsi, d’après une organisation internationale comme l’UNESCO « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les lois, les systèmes de valeur, les traditions et les croyances ». Ce « réservoir commun » n’est jamais figé (fait donc écho à la dynamique du design graphique) puisqu’il est porteur de l’histoire de l’humanité, symbole de progrès. Il se constitue en de multiples manières distinctes d’être, de penser, d’agir et de communiquer en société. Par abus de langage, le mot « culture » est employé pour désigner presque exclusivement l’offre de pratiques et de services culturels dans les sociétés modernes, et en particulier dans le domaine des arts et des lettres. Le design graphique étant une application précise du design, étant lui-même une pratique sous-jacente de l’art, le design graphique est une pratique culturelle.
Un espace public est un espace accessible à tous, qui appartenant à la collectivité, ou un espace dont l’usage est géré collectivement par une communauté. Il est donc différent de l’espace privé, qui est la propriété d’un individu ou d’un groupe susceptible d’en restreindre l’accès.
Cela signifie que cet espace est un espace de mouvement : il est constamment fréquenté par des individus tous différents. Les individus qui fréquentent ces lieux se fréquentent aussi : se déplaçant, statiques, présents indéfiniment ou simplement de passage, les raisons de leur présence sont diverses. On peut rapidement constater que la notion d’accessibilité est cruciale puisqu’il s’agit de rendre ce lieu accessible et compréhensible par tous. La qualification d’espace public comprend les terrains ouverts au public. Il peut alors s’agir des espaces urbains, des espaces de circulation (voie publique) ou de rassemblement (places, parcs).
Cette relation entre la fonction du lieu et la diversité de son public dictera les grandes lignes de l’identité. L’identité devra servir le lieu, et répondre à de multiples contraintes, d’abord celles d’une identité visuelle : distinctive, mémorable, claire et pérenne. À ces premières contraintes viendront s’ajouter celles d’un espace public, ajoutant une autre profondeur dans l’identité : d’abord par les supports, puisqu’il est question d’un lieu il faut penser une signalétique pour guider les flux, optimiser l’espace et desservir son offre par une scénographie, penser la communication, car c’est un espace vivant grâce au public qui le fréquente, afin se faire connaître et attirer du public, mais une partie interne est requise, pour coordonner l’équipe, ainsi que les personnes et entités extérieures.
Pour le designer graphique, cette complexité force la réflexion de tous les axes en parallèle, la dimension fonctionnelle afin de coordonner toutes les fonctions du lieu, l’anticipation afin de pouvoir enrichir l’identité dans le temps, mais surtout l’aspect identitaire, propre au lieu. (logo du Centre Pompidou en 1977 par Jean Widmer, qui travaille avec les architectes du bâtiment pour trouver un principe identitaire propre au lieu). Pourtant, des contraintes naissent la créativité, et l’abondance de ces dernières orientent ou forcent certains choix graphiques ou de supports. En ce sens, mon hypothèse de l’utilisation fréquente d’une certaine famille de caractère dans l’identité des musées d’art contemporain de Bordeaux pourrait être la conséquence d’une solution pratique et vaste, qui pourrait résoudre plusieurs problèmes à la fois.
Analyser
La première hypothèse dépendait de la localisation : c’est à dire que ma réflexion et mon travail de recherche se forment d’abord autour des centres bordelais. Je me suis donc rendu sur place afin de mener une analyse complète du déploiement de l’identité des principaux sites culturels de la ville. La démarche d’investigation m’a forcé à questionner, imager, capturer, chercher du sens, le déconstruire. Traiter le sujet de la manière la plus large possible va me permettre dans un premier temps de me pencher sur les contraintes de l’identité culturelle, et creuser ces pistes pour vérifier ou démonter l’hypothèse formulés en amont.
Le commerce était une activité bien plus que lucrative qui a essentiellement participé au développement de la ville. À la suite de l’abolition de l’esclavage, la dynamique commerciale de la ville a fait de Bordeaux une métropole, concentré de personnes d’horizons et d’intérêts différents. Ce mélange culturel (bien que progressif) a permis à la ville de développer une offre attractive, pas uniquement d’un point de vue culturel.
Aujourd’hui, la ville de Bordeaux regroupe un peu moins d’une dizaine de musées et centres dédiées à l’art contemporain. Mon travail va se concentrer sur les deux principaux lieux, qui sont les plus fréquentés et qui ont le plus d’impact culturel, et dont les identités ont été réalisées par des studios de design graphique, ou designers reconnus.
CAPC (identité par Spassky Fischer)
Le CAPC (Centre d’Arts Plastiques et Contemporains) est un musée d’art contemporain et conceptuel, situé aux alentours du centre-ville, inauguré en 1984. Avant cette date, le lieu était déjà orienté vers la pratique artistique, puisqu’il était un lieu de production, d’exposition et de diffusion de travaux d’artistes locaux, nationaux et internationaux, mais géré par une association. En 1975, le CAPC s’installe dans l’entrepôt LainéEntrée du CAPC., bâtiment actuel, représentatif de l’histoire de la ville, puisqu’il fut construit pour stocker les marchandises issues du commerce triangulaire. En 1984, l’activité y prend de l’ampleur et est remarquée par le ministère de la culture et le conseil municipal.
Le CAPC est situé dans l’ancien entrepôt Lainé, au centre de la ville, dans le quartier des Chartrons, à proximité des quais de Garonne, où il dispose de 3 422 m2 de surfaces d’exposition. L’Entrepôt Lainé, ancien entrepôt réel de denrées coloniales bâti en 1824, a été rénové par les architectes Denis Valode et Jean Pistre, en collaboration avec la designer Andrée Putman, entre 1984 et 1990. Le lieu est desservi par une ligne de tram et de bus du réseau de la métropole, dont l’arrêt comporte son nom, preuve de l’intérêt et de l’empreinte du CAPC dans le patrimoine bordelais.
Aujourd’hui, l’offre culturelle du CAPC se diversifie : au-delà de proposer des expositions, performances d’art d’une très grande variété de médiums, le lieu accueille des évènements externes, vernissages, évènements privés/privatifs, concerts, séminaires mais aussi des ateliers et cours publics, destinés à tous âges. Plus largement, le CAPC se veut être un lieu attractif, accessible par une large cible, des jeunes enfants en éveil aux séniors. Le CAPC propose de nombreux services et hybridations, et est présent sur de nombreux segments. Cette diversité, évidemment valorisatrice des ressources du lieu, pose aussi des contraintes dans la cohérence et le déploiement de l’identité. L’identité se déploie sur de nombreux axes : la communication interne (les professionnels, collaborateurs, curateurs…) et la communication externe. Nous supposerons la première, et analyseront la seconde.
Spassky Fischer est un studio de design graphique composé de Julia Andréone, Manon Bruet, Hugo Anglade, Thomas Petitjean et Antoine Stevenot. Premièrement actif sous le nom de Hey Ho à partir de 2005, puis de Maquette & Mise en page en 2011, des membres du studio ont travaillé à de nombreux catalogues d’exposition (Flammarion, Musée d’Orsay, Jeu de Paume), et ont réalisé le système de communication du MAC VAL. En 2014, continuité de cette collaboration, ils fondent le bureau Spassky Fischer, qui poursuit ce travail avec le MAC VAL, les éditions Flammarion, le Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont, ainsi qu’avec des artistes tels que Christophe Lemaitre, Benoit Maire ou Natacha Nisic. Depuis début 2016, ils sont chargés de la communication visuelle du Mucem à Marseille.
Le studio Spassky Fischer a réalisé la nouvelle identité visuelle du CAPC en 2020, qui fait suite à la précédente établie en 2014 pour les 40 ans du lieu, réalisée par le studio londonien Zak. Spassky Fisher collabore régulièrement avec des centres culturels en France, s’occupant toujours de l’identité du CAPC, du théâtre de Gennevilliers, ou de l’identité du MAC-VAL (jusqu’en 2023) avant celui-ci. Ils sont alors habitués à la commande du milieu culturel, comprenant les contraintes et les besoins des entités du secteur.
Comme dans un grand nombre d’identités, c’est le logo qui dicte la direction et introduit les premiers principes visuels et logiques. Le logo du CAPC Logo du CAPC. est exclusivement typographique, en Neue Haas Grotesk, presque une signature pour le studio parisien. On comprend directement qu’il s’agit d’une identité quasiment exclusivement typographique.
La communication suit aussi ce principe. Le CAPC est très présent au sein de la ville, les affiches y sont répandues un peu partout, pour autant il ne me semble pas avoir déjà vu des affiches en dehors de la ville de Bordeaux. Le musée est donc bien présent dans le tissu culturel de Bordeaux. On y retrouve des affiches sucettes, et des affiches A3 dans certains rares commerçants, mais plus souvent dans d’autres lieux culturels (médiathèque, théâtre). Le CAPC diffuse aussi des dépliants, livrets d’exposition ou programmes directement dans ces lieux culturels : ce choix leur permet de cibler leur public, s’adressant à des individus déjà intéressés par ce domaine. La relation entre la communication large dans les espaces publics et plus ciblée dans les autres lieux publics culturels est ainsi complémentaire, informant de leur présence, attirant vers l’enceinte. Le sujet de ces affiches est majoritairement l’exposition phare en cours dans la nef, mais il arrive que ce soit sur un atelier/workshop du weekend, d’une activité pour les enfants, et parfois du programme d’exposition du mois. Ainsi, les bordelais seraient difficilement ignorants de l’existence du lieu et de ce qu’il s’y passe.
Suivant l’identité typographique, le travail de la photo vient dynamiser l’allure globale de l’afficheAffiches de communication., et introduire un principe de collection intéressant. Chacune des images est traitée en bichromie (ou monochromie suivant le papier), permettant de s’approprier une photo qui n’est pas spécialement dirigée par et pour l’identité. Côté textuel, on observe très peu de niveaux de lecture différents, avec une seule graisse mais une complexification et un enrichissement des valeurs de texte avec l’utilisation de l’italique, pour ne pas surcharger l’information. La relation texte-image est aussi synthétisée sur les affiches : le texte est de la même couleur que l’image. Le nom du lieu est écrit en toutes lettres, succédé par la mention « musée d’art contemporain de Bordeaux », pour informer le lecteur du domaine du lieu et de son si l’affiche n’est pas assez explicite. L’identité développe ensuite un principe de répétition, permettant de créer un rythme, et de donner de l’importance à certaines informations (ici le nom du lieu & les dates de l’exposition/sujet de l’affiche). Les logos des institutions et des soutiens, ainsi que les crédits/textes informatifs sont situés en pied de page, permettant de poser le contenu et de stabiliser un peu plus la page. Ainsi l’affiche est très rapide à lire et à comprendre, elles attirent l’œil dans l’espace, et le lecteur comprend bien.
L’identité ne repose donc pas sur des couleurs mais sur un système, la rendant facile à décliner, permettant d’utiliser n’importe quelle couleur. La réflexion d’une combinaison de couleur se fait pour des occasions spéciales (lors des 50 ans du musée par exemple), ou le bleu et l’orange étaient les couleurs dominantes.
Dès lors qu’on entre dans le lieu, on arrive dans un espace dédié aux enfants. On y retrouve des coloriages illustrés, sans spécialement de rapport avec le lieu. Visuellement ce lieu se distingue par la variété de couleurs, mais on ne trouve aucune trace de l’identité du CAPC ici. On trouvera un peu plus tard un second espace enfants un peu plus haut dans le bâtiment, plus loin de la visite, sans aucune trace d’identité non plus, mais un peu mieux équipé, aménagé (crayons, dessins, livres, poufs).
Aux entrées d’exposition, on retrouve des documents destinés aux enfants simplifiés, qui utilisent la même police de caractère et la même mise en page, mais on peut faire une distinction vis-à-vis du livret destiné aux adultes par un petit badge, des illustrations et la synthétisation des informations (le contenu est aussi plus gros). Le contenu du livret est ludique, il incite à la pratique artistique, ou au moins manuelle.
Dans le lieu, on retrouve une autre police de caractères, changeante mais ne contraste pas énormément, qui est utilisée uniquement sur la signalétiquePanneau de guidage disséminé le long de la visite., les panneaux/écrans et les affichages vidéo. La complexité des niveaux, des espaces, et l’architecture du bâtiment sont à prendre en compte dans l’installation de la signalétique : le bâtiment est un lieu historique (présence de signes au sol), investi sur plusieurs étages intérieurs et avec un extérieur, il a fallu déployer des méthodes respectueuses et donc adapter les choix graphiques.
En suivant sur la lignée de la signalétique et le fil de l’exposition, on remarque une variation dans les formats. Les formats d’information directe, destinés à l’attention du visiteur, qui impliquent un comportement ou indiquent une information importante sont imprimés en A4, tandis que les panneaux venant indiquer une information secondaire sont imprimés en A5 (QR-codes, renseignement par téléphone). Cette solution permet de pouvoir gérer facilement les problèmes rencontrés, de réagir rapidement pour diffuser une information, puisque ce format est imprimable par tous. Ces formats rentrent dans l’identité par la présence du même caractère typographique. Au fil des l’expositions et des niveaux, on observe que tout ce qui est affiché aux murs, ou dont les cartels d’informations sont fixés aux murs possèdent le même format. Le format me semblait décliné du A4, et en approchant mon livret à ce dernier : il s’apparentait être un demi A3, coupé dans la hauteurObservation des rapports de taille.. Je suppose donc que les formats sont modulaires, permettant alors de s’adapter à l’imprimeur, ainsi on fait moins de perte de papier, on gagne en facilité et en prix de production. L’identité utilise aussi plusieurs plans, puisque certaines rares informations sont présentes au sol avec l’utilisation d’un sticker vinyle.
L’identité se propage jusque dans la boutique, via des produits dérivés, des sacs, des stylos, certaines des affiches en vente, des stickers de papier cadeau. On remarque aussi que c’est une boutique qui comporte beaucoup d’ouvrages, avec sélection orientée, certainement en référence aux différentes expositions passées, aux travaux de designers annexes. On peut aussi y trouver les livres d’expositions des années passées qui montrent que le travail de Spassky Fischer se perpétue jusqu’à un travail de design éditorial via ces archives, mais aussi des co-éditions avec d’autres centres d’art ou lieux culturels.
L’identité ne s’arrête pas à ce qu’il est donné de voir, elle est aussi développée en interne. J’ai pu discuter avec une hôtesse d’accueil (crédits) qui a pu me renseigner sur les archives. J’ai collecté des formats destinés aux passage des informations en interne (lettres, porte documents, couvertures de dossier presse). Le travail sur l’identité du lieu est complet, et est perpétué jusqu’au bout, restant cohérent et permettant de continuer à propager l’identité même sur le côté branding/professionnel à professionnel.
FRAC de Nouvelle Aquitaine (identité par Fanette Mellier)
Le FRAC Nouvelle-Aquitaine MECA est le Fond régional d’art contemporain de la région Nouvelle Aquitaine, résident depuis 2019 à la MÉCA (Maison de l’économie créative et de la culture). Le bâtiment est situé Quai de PaludateBâtiment de la MÉCA., juste derrière la gare (visible en arrivant par le train). Le lieu recueille plusieurs entités culturelles régionales : en plus du FRAC, l’Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine (OARA) et l’Agence Livre Cinéma Audiovisuel (ALCA) de Nouvelle-Aquitaine.
L’espace culturel a été inauguré le 28 juin 2019 après 1 an et demi de travaux, pensé par l’architecte Bjarke Ingels. Au-delà des espaces de production et d’administration communs, La MECA possède 1200 m² de salles d’expositions temporaires, 900 m² de réserve, un auditorium de 90 places sur 120 m², une scène de création de 360 m² et un studio de création de 80m². Le bâtiment commun possède 6 étages ainsi qu’une terrasse (l’accueil se situant au rez-de-chaussée), un espace café/restauration et un petit coin boutique, qui recense principalement des objets liés au FRAC.
Le FRAC se situe quant à lui au cinquième et sixième étage du bâtiment. L’identité visuelle est très peu présente dans l’enceinte commune du bâtiment, hormis sur le stand boutique (le FRAC étant le seul proposant des objets dérivés). Le repérage est donc difficile, il faut dans un premier temps s’adresser aux hôtesses qui nous expliqueront le fonctionnement et l’accès à la galerie.
Contrairement au CAPC, le FRAC est un espace exclusivement réservé à l’exposition de travaux et d’œuvres d’art contemporain. Ainsi, aucun autre évènement extérieur à une programmation culturelle ne pourrait avoir lieu. Le FRAC est en liaison avec les autres centres culturels de Bordeaux, proposant ainsi un conseil et un circuit logique quant à sa direction d’exposition.
Le public qui fréquente le FRAC sera uniquement présent dans ce contexte. Aussi, le lieu est pensé pour être inclusif : on y retrouve un espace dédié pour les enfants, des cartes qui résument les sujets d’exposition et le contexte de création des différentes œuvres (pour les enfants, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées…).
L’orientation précisément culturelle du FRAC, lui permet une certaine clarté. Le lieu a moins de services que le CAPC, ainsi il n’aurait pas besoin d’une identité aussi polyvalente, permettant l’ouverture à un terrain d’expérimentation, le développement d’une identité visuelle forte et distinctive.
L’identité visuelle actuelle a été conçue par Fanette Mellier, qu’elle perpétue au gré des saisons et des projets développés depuis 2015. Passée par les rangs de l’école supérieure des arts décoratifs de Strasbourg (HEAR) en design graphique, elle poursuit son apprentissage aux côtés de graphistes comme Pierre di Sciullo ou Pierre Bernard. Fanette Mellier s’installe en 2005 comme graphiste indépendante. Depuis, elle répond à des commandes de design graphique, et collabore sur des objets éditoriaux, des identités visuelles, avec des acteurs du domaine culturel, éducatif, et du luxe en collaborant récemment avec Hermès.
Le logo du FRACLogo du FRAC Nouvelle-Aquitaine. est composé avec une linéale, il est aussi renseigné MECA au sein du logo, un peu mis à l’écart. L’utilisation d’une seconde police de caractère sur les affiches est aussi à mentionner, attribuée à certaines informations spécifiques. Mais, dès le premier coup d’œil on remarque un signe qui vient substituer les « A » présents au sein même du mot. Ce signe s’apparente à une aiguille, une boussole, et viendra occuper tous les supports nécessaires au déploiement de l’identité : des catalogues d’exposition, aux petits encarts de prévention devant les ascenseurs. Un jeu se crée justement avec cette forme, elle devient un emblème du lieu, à fort caractère identitaire. Elle attire, guide la lecture, dirige les flux, et est acteur de la structure graphique de chaque document (répartition du colonage, jeux de plis, blancs tournants).
Concernant la communication du FRAC, cette dernière est très ciblée, on retrouve quelques affiches en ville à proximité du lieuAffiches de communication, mais elle est déjà moins présente que le CAPC. Pour autant on y retrouve une similarité dans les lieux de communication : de multiples lieux culturels de Bordeaux. À noter que l’acronyme FRAC n’est pas directement présent sur la façade du lieu, il faut être au courant qu’il se situe à la MECA. Pour éviter toute confusion quant au lieu, il est mentionné MECA dans le logo du FRAC.
La couleur est un élément important dans l’identité du lieu : sont utilisés seulement des tons directs. Ainsi, une grande gamme de couleur est utilisable, le signe étant assez puissant pour faire identité à lui seul, Fanette Mellier renouvelle sa proposition en faisant varier la mise en page, et les combinaisons de couleur de chaque document. C’est une solution économique que de ne pas travailler avec des couleurs spécifiques, permettant d’utiliser des couleurs PANTONE si la commande est de grande échelle, mais c’est aussi un choix fort, puisque la variété de couleur reste tout à fait large.
L’utilisation de la photo est en lien avec la question de la couleur, sur les affiches et certains documents de communication elle est utilisée en bichromie, et vient compléter le choix du papier, lui aussi souvent teinté
On retrouve aussi le signe graphique en grand, au milieu des affiches, venant se distinguer dans le paysage urbain. La composition des autres éléments et informations s’articule autour de ce dernier.
Malgré la grande variété de résultats visuels, tous différents, au même titre que les affiches et autres supports de communication, on y trouve quand même une cohérence. La richesse de cette identité en fait donc sa force « à l’image de la riche « polyphonie » du Frac Aquitaine ! » (fanettemellier
Dans l’enceinte du lieu, l’identité vit avec les surfacePrésence de l’identité sur les murs, pour transmettre les informations. Les expositions se situent dans un-e galerie/espace ouvert, sur 2 niveaux mais ne comportant pas spécialement de fléchage indiqué, malgré la présence du signe graphique identitaire, décliné pour devenir un élément de guidage au sol
Signage au sol., perpétuant la cohérence dans son exploitation. On retrouve le plan de la salle ainsi que le contexte de l’exposition directement sur le mur, stickés. Il y a un jeu de perspective, on retrouve les titres et textes des expositions sur les murs, parfois inclinés, pas sur un encart surélevé de manière traditionnelle. Ainsi l’identité, bouge, investit pleinement l’espace, et donne l’impression de nous suivre durant notre visite. Cette manière de répartir l’information permet de complexifier le langage déployé, sans trop accrocher l’oeil.
Le lieu propose aussi des cartons informatifs, résumant les textes et les contenus des expositions : ainsi on porte intérêt à tout type de public avec la notion d’inclusivité, d’accessibilité pour les enfants, malvoyants, malentendants, les personnes en situation de handicap et les PMR.
Constat(s) puis voyage :
Avec l’analyse des deux principaux musées d’art contemporains bordelais, on peut déjà effectuer des constats, évoquer des similarités. Ces deux lieux partagent déjà le fait qu’ils sont tous deux des lieux culturels, énonçant des contraintes similaires. Tout d’abord les contraintes de communication, puisque même s’ils n’ont pas les mêmes offres culturelles, celles-ci doivent être mises en avant. Elles investissent l’espace public, pour informer de leur actualité respective. Elles distribuent aussi les programmes de saisons dans les établissements ciblés, collaborent parfois avec certains d’entre eux (écoles) et partagent des expositions avec d’autres lieux dédiés au sein de la ville (Jardin Public, le Bassin des Lumières). Elles accueillent aussi un public très varié, parfois sensible à l’art, parfois plus novice. Le type de public fait aussi partie des contraintes, ces deux entités trouvent des solutions dans l’accessibilité de certains formats.
Dans la continuité des musées d’art contemporain bordelais, j’ai voulu voir si les constats établis étaient aussi valables à une plus large échelle. J’ai choisi de répéter le processus d’analyse dans la ville de Nantes. À l’image de Bordeaux, la métropole nantaise propose une offre culturelle variée héritée de son histoire assez similaire à celle de Bordeaux (avec un port commercial très actif), et un tourisme national important. De nombreux évènements culturels et de design graphique sont organisés à Nantes (Motion Motion par exemple), et la diversité de lieux culturels s’étend aussi jusque dans la banlieue.
FRAC des Pays de la Loire (identité par Mathias Schweizer)
Le FRAC des Pays de la Loire existe depuis 1982. À partir de 1984, il s’ouvre et accueille des artistes en résidence. Jusqu’en 2000, le FRAC change de lieu d’implantation plusieurs fois, dans des anciens bâtiments (villa, abbaye) de la région nantaise. Le premier lieu fixe physique du FRAC est inauguré en 2000, à Carquefou, une ville voisine au nord de Nantes. C’est le premier FRAC « nouvelle génération », dont le bâtiment avait été pensé spécialement pour ses besoinsBâtiment du FRAC des Pays de la Loire.. Le bâtiment est donc relativement moderne, l’activité du FRAC ne devrait pas avoir à s’adapter, et ce ressenti est bien présent lorsqu’on s’y rend : le bâtiment est moderne, simple, et tranche facilement avec la végétation aux alentours, mais propose tout de même des prises de vue intéressantes et un apport lumineux qui peut être utilisé pour mettre en valeur un contenu, une oeuvre.
Le FRAC des Pays de la Loire à la particularité de posséder une deuxième antenne encore plus récente, dans un quartier activement culturel, le Hangar à bananes au sein de l’ile de Nantes. Cette division lui permet de couvrir une zone géographique un tout petit peu plus large, offrant un accès à la culture en banlieue, mais aussi de répartir ses résidences, et de donner une particularité à chaque lieu. Mais cette particularité s’avère aussi être une contrainte pour l’identité visuelle. La distinction géographique de ces deux lieux doit paraitre évidente : il ne serait pas pratique de se tromper de lieu.
Le FRAC collabore régulièrement avec d’autres organismes, comme des écoles supérieures (LISAA) ou des lycées de proximité. Ainsi, le FRAC tourne son offre vers la jeunesse, inculquant rapidement les notions et sens issus de la culture et de l’art. Plus largement, la politique et le programme de mécénat du FRAC est intéressante : le soutien peut s’apporter sur 3 plans différents, dont le plan éducatif, les projets créatifs mais aussi les projets solidaires, qui cherchent à permettre aux publics empêchés d’accéder à la culture (santé, milieu pénitentiaire/carcéral…). Le FRAC des Pays de la Loire veut donc toucher et conquérir un public vaste, mettant l’accent sur des personnes qui ne sont pas forcément sensibles ou sensibilisées à l’art.
Le FRAC à collaboré avec Mathias Schweizer pour faire évoluer la première identité graphique qu’il avait créée pour le FRAC en 2007. Designer graphique suisse, Mathias Schweizer a plus récemment travaillé sur l’identité de la dernière biennale de design graphique de Chaumont, et pour de nombreux centres culturels, comme le CRÉDAC d’Ivry ou le Signe (CNDG) dont il est toujours en charge.
La nouvelle identité du FRAC des Pays de la Loire agit dans la continuité de la précédente. Le signe évolue, intégrant à présent le nouveau satellite du FRAC à NantesLogo du FRAC des Pays de la Loire.. Trois modules, Carquefou, Nantes et région s’imbriquent et se complètent. Le signe région, symbolisé par un soleil qui se lève, par une ligne d’horizon, évoque la mission première du Frac de déployer et partager sa collection. Le logo composé d’un caractère conçu sur-mesure par Mathias Schweizer et du signe imageant le trio local est travaillé de sorte à ce que la police de caractère ait plus d’impact, comme si le signe venait simplement contextualiser qu’il s’agissait d’une identité visuelle. Ce caractère s’apparente à une linéale, ou seule la mention FRAC se distingue par la présence d’empattements, introduisant une première hiérarchie au sein du logo. Ce rapport de force entre les deux éléments qui composent le logo laissent suggérer qu’une grosse partie du travail identitaire sera attribué au caractère plutôt qu’au signe. Le développement de ce caractère vient alors renforcer le principe identitaire, puisqu’il permet l’appropriation d’un grand nombre de supports, qu’il devient facile d’associer au FRAC.
Les affiches du FRAC sont très peu présentes en villeAffiches de communication, hormis à proximité des lieux, mais on retrouve des formats plus réduits dans les lieux culturels et de passage en ville (même si personnellement je n’en ai jamais trouvé à Nantes). Pour autant, Carquefou se situant en banlieue de Nantes, la mention du lieu est facilement trouvable sur des panneaux de direction dans la ville. Cette présence est due à la localisation du lieu, un peu caché à Carquefou. Notons aussi que contrairement au CAPC ou à d’autres musées bordelais, aucun transport ne dessert aussi facilement FRAC des Pays de la Loire. Une fois le lieu repéré, le chemin est (par expérience) difficile à assimiler la première fois, par manque de distinction entre le parking visiteur, et l’accès aux livraisons (pouvant être pallié par l’installation de la signalétique du lieu). On y accède via un long chemin piéton, le long duquel nous commençons à observer les premières traces de l’identité visuelle, avec la présence de drapeaux accrochés aux lampadaires, les rendant visibles aussi bien de jour que de nuit
Présence de fanions le long du trajet jusqu’à l’entrée..
Des informations classiques se trouvent sur les portes du lieu, l’accueil est facilement visible depuis l’extérieur, les différentes profondeur de champ sur lesquelles l’identité est déployée sont intéressantes, puisqu’elles aident à définir la lecture du contenu. À l’intérieur, on y retrouve directement des informations au mur concernant l’exposition et la résidence en cours, un système similaire à celui déployé au FRAC Nouvelle-Aquitaine. Jouer sur les hauteurs et les échelles constitue un principe intéressant, qui vient enrichir le déploiement de l’identité, parfois légère, avec l’utilisation du noir et du blanc, et globalement typographique.
L’exposition en cours avait la particularité de ne pas avoir de panneaux ou de cartels d’information, alors un plan légende est proposé directement à l’entrée de la salle principale, accompagné d’un livret d’informations, un porte documents empruntéPortevue retraçant exposition.. À l’intérieur, la gestion du contenu reste anecdotique, la seule récurrence reste le caractère typographique.
L’exposition était répartie dans deux salles au sein desquelles il était possible de naviguer à l’aide du plan, et des informations sommaires, simples indications des salles, qui n’étaient pas personnalisées pour l’occasion, trouvables sur les portes. On ne retrouve aucune autre information au sols ou aux murs.
La sortie du lieu se fait aussi en passant par l’accueil, où on retrouve un espace boutique qui propose une sélection éditoriale spécifique au lieu. On retrouve des livres d’artistes qui ne sont pas gérés par le FRAC dans la conception ou l’impression, des artistes ayant exposé pour des occasions spécifiques ou des résidences. Mais le FRAC possède aussi ses propres éditions : un premier type de livret, format type A5 relié en piqûre à cheval, dédié aux expositions partenaires au sein de la région, et un second un peu plus travaillé, une recherche plus intéressante à propos de l’objet avec le travail du papier, des variations de structure et de reliure.
Le FRAC vend aussi d’autres petits objets imprimés comme des cartes postales, mais il est possible de récupérer des formats/objets comme des crayons, pins, où sont inscrits les logos et mentions du lieu. Par le passé, le lieu proposait une gamme d’objets personnalisés avec des casquettes, ou des chaises de plage, et les formats imprimés donnés étaient plus nombreux, mais par manque de budget la production à diminuée ou s’est arrêtée dans certains cas.
Musée d’art de Nantes (identité par Cartlidge Levenne)
J’ai délibérément souhaité faire un écart en traitant du musée d’art de Nantes, en effet le lieu n’est pas uniquement dédié à l’art contemporain, mais il possède une grande section traitant uniquement de la pratique contemporaine. La ville ne comportait pas de grands lieux dédiés à l’art contemporain pouvant être intéressants dans mon travail d’analyse (hors galeries, ateliers d’artistes).
Le musée d’art de Nantes (auparavant musée des Beaux-Arts de Nantes) et un musée d’art proposant l’accès à des oeuvres des principaux mouvements artistiques français et européens datées du XIIIe siècle à aujourd’hui. Ses collections sont reconnues en France, figurant parmi les plus importante du pays. Le Musée d’art de Nantes est aujourd’hui classé monument historique. Il fut inauguré en 1801, suite à l’arrêté du 1e septembre. Il hérite de d’oeuvres achetées par l’État et du musée central (le musée du Louvre, à Paris). La ville participera grandement à son développement, active dans l’achat d’oeuvres et de collections pour le musée, en plus des donations, héritages, et réserve du musée central.
Jusqu’en 1830, le musée ne possède pas de bâtiment d’exposition : ses propriétés sont réparties dans des bureaux de la ville, sans réelle utilité. Il s’installera dans la Halle aux toiles, mais rapidement bloqué par la surface disponible, malgré la privatisation de nouvelles salles au fur et a mesure, et les conditions . Le musée déménage en 1900 dans le Palais des ArtBâtiment du Musée d’art de Nantes, dans un premier temps partagé avec les fonds de la bibliothèque municipale, mais dont le Musée d’art de Nantes deviendra le seul occupant du lieu à partir de 1985.
Le bâtiment, monumental de ses 11000 m², au style architectural hérité de la Renaissance possède 4 étages, situé dans l’hyper centre de Nantes, à proximité de nombreux moyens de transports. Le Palais des Arts sera complété par un petit jardin, qui abrite des sculptures, la Chapelle, lieu raccordé et destiné à des expositions spécifiques, adapté à des installations lumineuses et sonores, et plus récemment par le Cube, dépendance de 2000 m², nouvel espace dédié à l’art contemporain.
Au delà d’un public averti ou simplement curieux, le musée d’art de Nantes travaille avec des étudiants en art et en histoire, propose une première expérience d’exposition, organise des évènements autour de ses expositions temporaires afin d’attirer du public, des dispositifs de médiation pour les familles. L’aspect très historique mis en avant au sein du musée pourrait donner à croire qu’il n’est pas prévu pour être visité par un jeune public, mais ces derniers sont parfois aux centres de certaines expositions, malgré l’absence d’un espace dédié ou de supports prévus à cet effet, mais sont accompagnés dans leur visite par le personnel du musée, qui vulgarise les oeuvres sous forme d’histoires, inculquant le premier éveil au monde de l’art. Le lieu est aussi accessible au personnes en situation de handicap et aux PMR, mais cette caractéristique est moins mise en avant que dans d’autres lieux comme le FRAC de Nouvelle Aquitaine. Il est desservi par les transports en commun, bus et trams, facilité par sa localisation en centre-ville.
En 2017, suite à l’évolution du bâtiment et aux développement de futurs projets, le musée d’art de Nantes fait appel au studio de design graphique Cartlidge Levene pour refaire l’identité visuelle de l’entité. Cartlidge Levene est un studio londonien fort d’une trentaine d’années d’expérience. Spécialisé dans les identités culturelles, et apportant un intérêt à la signalétique, ils ont notamment travaillé avec de nombreux musées, écoles et galeries dans le monde, comme le British Museum, ou le Royal College of Art.
L’identité se veut majoritairement typographique, comme l’introduit le logoLogo du Musée d’art de Nantes. Sa composition en bloc renvoie au caractère fort du bâtiment. Le travail s’est déroulé avec une collaboration étroite avec les architectes Staton Williams, en charge des nouveaux bâtiments afin de faire du lieu un point de départ à la réflexion du principe identitaire. En reprenant des caractéristiques propres au bâtiment, et inspirés par la gravure lapidaire, le studio développe une famille de caractère, comprenant 4 graisses basé sur le tracé de la Futura de Paul Renner, afin d’harmoniser le langage déployé sur les différents médiums et supports, comme la communication – assez classique dans sa localisation, et présente en ville notamment à travers plusieurs affiches.
La gravure lapidaire fait aussi un premier lien avec les volumes, permettant de varier et hiérarchiser des éléments de signalétique apposés au long du parcours dans le musée. Le travail de l’identité dans l’enceinte du lieu réside majoritairement dans le travail de signalétique et de scénographie, introduit par le développement d’un caractère au sein de l’identité.
L’arrivée dans le hall d’accueil est complexe, fréquenté, car le lieu possède aussi un café, et un espace boutique tous les deux accessibles par le hall, et la présence de plusieurs files différentes pour des situations particulières ne facilite pas la gestion du flux. Même si leur fonction est précisée, ce n’est pas forcément clair. On retrouve un plan à l’entrée du parcours qui retrouve toutes les informations nécessaires, ainsi qu’un petit guide de visite, indiquant les oeuvres intéressantes en fonction de nos centres d’intérêts ou du temps de visite.
Cartlidge Levene s’est servi des murs et des volumes qu’ils créent pour soutenir les informations mises en avantCartels informatifs présents sur les murs.. On retrouve un principe de récurrence dans l’emplacement des intitulés et numéros de salles
Marquage des niveaux inspiré de la gravure lapidaire., mais aussi dans l’application des cartels d’information tout au long du parcours. Le musée étant composé d’un grand bâtiment principal dans lequel il est facile de s’y perdre, et complété par des bâtiments annexes, le studio à conçu un mobilier spécifique inspiré des maquettes d’architecture qui permet de se retrouver dans le lieu
Mobilier de repère spécialement designé., grâce aux mêmes informations présentes sur le plan, mises en valeur par le biais de petits symboles mis en relief, qui sont eux aussi présents sur les panneaux de signalétique. On retrouve l’utilisation de la couleur (déjà présente sur les supports imprimés au début du parcours) avec une palette de couleur large, majoritairement sur des tons rosés et orangers permettant de mettre facilement en valeur des éléments, contrastant ainsi avec le noir et blanc utilisé sur une grande partie de la signalétique. Il en résulte une identité légère, une signalétique efficace, qui ne prend pas le dessus sur le bâtiment ou les oeuvres, parfois discrète, mais correctement mise en valeur et complétée par le mobilier et l’utilisation des surfaces.
Dans l’espace boutique, on peut retrouver des objets dérivés comme des totebag, des livres sur le lieu, l’histoire de l’art, de la ville, mais aussi sur des collections et expositions spécifiques, et des co-éditions d’artistes ou d’expositions comme avec le musée Fabre par exemple. Les éditions d’expositions, possédant des formats différents, sont moins travaillées en tant qu’objet éditoriaux, à la fois dans la conception graphique mais aussi dans la matérialité des objets. Ces éditions sont souvent réalisées en interne, mais il arrive que le musée fasse appel à des designers ou studios de design graphique extérieurs.
Constat(s) généraux suite aux analyses :
En mettant en lien les constats réalisés avec l’analyse des identités visuelles du FRAC et du CAPC à Bordeaux, avec celles du FRAC de Carquefou et du musée d’art de Nantes, il est possible de faire une conclusion générale : rapidement on retrouve d’abord des tendances, dans le choix du caractère typographique dans l’identité et dans sa fonction au sein de cette dernière, mais aussi dans la présence et communication des lieux ou l’utilisation de la signalétique, légère qui introduit le parcours. Mais on observe aussi des disparités, dans l’édition et la publication d’ouvrages, dans l’utilisation de la scénographie, le jeu avec l’espace, ou encore la place de la couleur dans l’identité.
Pour ce travail de recherche, j’ai souhaité me pencher sur une observation typographique. Les identités analysées en amont utilisent une linéale dans le logo et les formats destinés au déploiement de l’identité, un constat vérifié en poursuivant le même processus d’analyse. Je vais donc chercher à comprendre pourquoi les musées d’art contemporain auraient tendance à se tourner vers ce choix.
Comprendre
L’art contemporain, et plus largement l’art peut être fort visuellement et cognitivement, comme très léger ou subtil. Cette distinction induit une contrainte graphique : celle de la légèreté. En effet, si le visiteur vient regarder de l’art, l’identité vient accompagner sa visite, compléter ce qu’il regarde, le diriger physiquement, mais aussi mentalement en guidant l’œil et en facilitant le chemin de pensée. Alors, l’identité visuelle des musées d’art contemporain ne doit pas être trop forte pour ne pas prendre le dessus sur les œuvres, expositions, le contenu qui est mis en valeur. Puisque ces œuvres sont forcément plus importantes, identité arrive en second plan et vient accompagner. Cette obligation de ne pas prendre le dessus sur ce qui est exposé, en fonction de la diversité de personnes, demande une certaine clarté d’expression.
Au fil du temps, j’ai développé mon regard sur l’utilisation des caractères typographiques : je suis sensible à ce qui m’entoure, et suis informé de la définition du langage typographique. Le choix d’une police de caractères dans une commande de design graphique est d’autant plus important puisqu’il pourrait induire en erreur le lecteur. Aujourd’hui, le choix d’une police de caractère est soumis à de nombreuses questions. On pourrait parler d’accessibilité, de cohérence visuelle, de l’histoire du caractère, nous sommes forcés de constater que l’usage de la typographie ne possède pas pour seul enjeu de transmettre une information, c’est un moyen de communiquer plus qu’une information, mais un genre, une intonation, une temporalité
Cette lucidité est différente pour une personne lambda, n’étant pas avertie à l’usage typographique : la lecture d’un texte, d’une affiche, d’une carte, réside dans sa fonction primaire, la transmission d’une information (subconscient). Cette distinction presque arbitraire peut nous permettre de nous retirer de la contrainte de la cohérence graphique. Ainsi les choix de caractères ne seraient que purement fonctionnel, et on pourrait attribuer le choix des linéales à la variété de contraintes dont doit tenir compte un centre d’art contemporain.
Cette vocation fonctionnelle pourrait aussi s’expliquer d’un point de vue historique, en suivant le développement et l’usage de l’écriture dans le design graphique.
Le mouvement futuriste aura un impact fort dans la considération du langage typographique. Né en Italie au début du XXe siècle, il apporte une rupture significative avec l’usage traditionnel de la typographie. Célébrant le dynamisme, le mouvement, la technologie et prônant la modernité, la rupture des codes esthétiques et techniques. Le futurisme cherche aussi à intégrer la typographie dans le processus artistique.
Les futuristes questionnent la typographie et ses fonctions. Les lettres devraient devenir des entités, formes qui véhiculeraient une énergie, une émotion, une mouvance. Ainsi, les lettres auraient un caractère, c’est une sorte de personnification du dessin qui vise à donner au lecteur une intention, une interprétation personnelle. En ce sens, les compositions typographiques de Filippo Tommaso Marinetti, pionnier du mouvement, notamment dans l’ouvrage « Zang Tumb Tumb » (1914), dans lequel il casse les codes de la mise en page classique, en dispersant les mots, créant des formes, des superpositions. Le caractère graphique est intéressant puisqu’il crée de nouvelles formes avec des formes déjà existantes, ce travail étant plutôt expérimentale, mélangeant les médiums et les contenus. La typographie expressive déforme la composition typographique dans la page et le dessin des caractères, il aurait aussi pu inspirer le travail de Guillaume Apollinaire, avec des calligrammes, désignant un poème dont les vers sont disposés de façon à former un dessin moins personnel, plus universel (généralement des objets, personnages, bâtiments) en rapport avec le poème.
Le futurisme marque donc un tournant dans l’utilisation de la typographie, passant d’une vision fonctionnelle et normée à l’expérimentation et l’expressivité de l’écriture. Il remet en cause les principes hiérarchiques de l’utilisation de la lettre, considérant la typographie comme une discipline artistique à part entière, ouvrant la voie à la création et l’exploration d’un dessin plus libre, graphique, des caractères.
La famille des linéales apparait un peu moins d’un siècle plus tôt, en 1832, avec l’Antiqua, dont le dessin serait attribué à Vincent Figgins. Les polices linéales ont rapidement trouvé leur place dans le design graphique, notamment dans la communication, le commerce, ou la politique. Leur dessin moderne et épuré répondait aux besoins d’une société en pleine industrialisation, où l’efficacité et la clarté visuelle étaient des pré-requis quasiment essentiels.
C’est en 1957 que Max Miedinger et Eduard Hoffman développent l’Helvetica, pour la fonderie Haas. Dessin inspiré par l’Akzidenz-Grotesk, conçue par la fonderie berlinoise H. Berthold en 1896. Proposant une version modernisée de cette dernière, Max Miedinger et Eduard Hoffman chercheront à produire un caractère le plus harmonieux, rigoureux et neutre : symboles identitaires du Style suisse. Elle est devenue petit à petit une référence, de par son tracé et des possibilités qu’il lui confère, et inspirera le passage à l’écran et la déclinaison par de nombreuses polices de caractères un peu plus tard (Arial en 1982, utilisée par Microsoft en 1992 pour Windows).
Wim Crouwel explique à ce sujet que « la police de caractères Helvetica a été une réelle avancée dans la typographie du XXe siècle […]. Helvetica est une police neutre, car elle devait l’être. Elle ne devait pas avoir un sens à soi. Le sens est dans le contenu du texte et non pas dans les caractères. ». Spassky Fisher adhèrent notamment à cette vison fonctionnelle de l’utilisation d’une police de caractères, se servant des propriétés universelles de l’Helvetica (et autres dérivées et déclinaisons) et réalisant à chaque fois un choix presque arbitraire, restrictif mais leur permettant de se concentrer sur le fond plutôt que la forme, tout comme Expérimental Jetset. Ils se concentrent ainsi sur le gris du dessin de caractère, à l’échelle du mot plus qu’au paragraphe : ainsi ils combinent avec d’autres paramètres macro et micro typographiques, comme l’approche ou l’interlignage. Au delà de la reconnaissance grâce à des réponses graphiques toujours pertinentes, cette récurrence dans leur choix leur valent aussi une certaine image, une identité.
Aujourd’hui, l’utilisation des polices de caractères est vaste, il y a plusieurs écoles, celle du fonctionnalisme, et celle de l’expressivité. Les pratiques plus contemporaines questionnent aussi la lisibilité et la fonction du caractère, menant une recherche beaucoup plus expérimentale. Pour certains designers graphiques, la discipline se prête admirablement à l’expression personnelle, c’est notamment le cas de Rudy VanderLans. Avec Zuzana Licko, son épouse, ils créent leur propre magazine, Emigre, dédié à l’expression personnelle et l’expérimentation dans le design graphique, plus particulièrement dans le dessin de caractères et ses utilisations. Ils explorent l’utilisation de la technologie, la brutalité des images, questionnant tous les aspects des pratiques numériques, concevant ainsi l’idée que tout pourrait être exploitable et qu’il n’y aurait pas de standard de beauté, ni d’image (surtout numérique) belle ou moche.
Avec cette approche historique du développement des caractères, le choix des linéales sans sérifs au sein des identités pourrait être justifié. Une identité se devant être la plus durable possible, et pour des musées d’art contemporain la plus discrète vis à vis des œuvres, les caractères neutres sont un moyen de se focaliser sur l’aspect fonctionnel, lisible et accessible, sur le message transmis, plutôt que de la forme et l’expression de ce message. Fonctionnant en système, leur simplicité prévaut leur polyvalence, pouvant être fortement critiquée. Si le changement et la distinction est un enjeu de l’identité visuelle, quel qu’il en soit son domaine d’application, l’innovation dans les identités pourrait ne pas passer uniquement par le choix typographique semblable, mais pas l’inventivité et la réflexion des formats, la manière de communiquer et de faire passer son message, par la forme du support plutôt que celle du message et de la lettre.
Références
Bibliographie
étapes. étapes 269 : Usages typographiques Pyramyd, novembre 2022.
PHILIZOT, Vivien. Qu’est-ce qu’une image dans l’espace public ? éditions deux-cent-cinq (collection Milieux), 2022.
PAQUOT, Thierry. L’espace public. éditions La Découverte, 2009.
AICHER, Otl. Le monde comme projet. éditions B42, 2015.
Sitographie
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Remerciements
Je remercie l’ensemble du corps enseignant de l’École supérieure d’art et de design des Pyrénées pour son suivi sur ce document de recherche, plus spécifiquement Alexandra Aïn et Corinne Melin pour la direction et la relecture, Nicolas Delbourg pour les références ainsi que Julien Bidoret et Corentin Brule sur l’adaptation à l’écran. Je remercie aussi le personnel d’accueil des différents musées et centres visités, pour leur gentillesse et leur réactivité.