Introduction

En février 1975, les éditions Gallimard et le philosophe français Michel Foucault publiaient Surveiller et punir : naissance de la prison, 1 une œuvre majeure où des décennies plus tard de nombreux artistes et auteurs en prendront appui pour mettre en exergue l’évolution d’une société qui se montre de plus en plus docile vis à vis des pouvoirs. Surveiller et punir porte une réflexion sur l’emprisonnement et les relations de pouvoirs qu’elles impliquent au sein du cadre pénitentiaire et au-delà.

Michel Foucault aborde la sobriété punitive, ou comment obtenir une société disciplinaire en visant une efficacité sociale, fruit d’une organisation et d’un quadrillage de la vie des individus. En rendant les corps dociles par une répartition et un quadrillage des tâches, le pouvoir se scinde de micro-pouvoirs permettant de le rendre plus diffus. Pour maintenir son emprise et l’assujettissement des individus, le pouvoir met en place une société de surveillance, permettant de réguler et normaliser les comportements sous peine de sanctions punitives. C’est là qu’intervient le concept du panoptique.

Le panoptique est un dispositif architectural permettant de pouvoir surveiller tout un espace grâce à une tour de surveillance située au centre d’un espace circulaire ou semi-circulaire où se logent autour les détenus. La particularité de ce système est que le gardien peut voir l’ensemble des individus de l’unique point de vue qui l’occupe sans pouvoir être vu en retour. En ne sachant jamais la présence ou non du gardien cela a pour conséquences de créer des troubles comportementaux chez les détenus. En effet, par le fait d’avoir la sensation d’être constamment vu sans savoir si ils le sont vraiment, le panoptique va induire les détenus à intégrer la surveillance directement dans l’esprit de chacun, les poussant à se contrôler eux-mêmes et entre-eux, ce qui va permettre au pouvoir central de garantir sans interruption une discipline et une docilité souhaitées.

De nos jours le principe du panoptique s’est matérialisé par un objet en particulier, la caméra de vidéosurveillance. Instauré dans les années 1940 en Allemagne pour le secteur de l’armement puis popularisé en Occident dans les années 1970 avant d’être finalement un outil généralisé dans le monde au tournant du siècle, le recourt à la vidéosurveillance s’est vu être l’outil de contrôle adéquat tant dans le secteur public que privé. Accessible et facile d’utilisation, ne reposant sur l’unique sens qu’est la vue, l’outil se positionne en plongée vis à vis d’un espace donné et ne cesse de l’observer par la suite, ne se limitant pas à enregistrer l’inattendu il saisit tous mouvements présents dans son champ de vision.

La vidéosurveillance est surtout l’intermédiaire parfait entre un pouvoir dissimulé et l’individu. Sa présence notamment imposée dans l’espace public a souvent été pointée du doigt comme une atteinte à la vie privée. De ce fait, artistes engagés ou simplement intéressés par ce dispositif vont s’emparer de ce sujet à partir des années 1990 et vont contribuer à mettre en lumière le contrôle et le voyeurisme qui émanent de ce système, notamment par le recours de codes graphiques, nous essayerons d’en comprendre le rôle de ces derniers. C’est ce que nous aborderons dans un premier temps en nous intéressant à la relation avec cette caméra de vidéosurveillance, puis une exploration se fera sur les potentiels visuels qui gravitent autour de la surveillance pour en analyser les moyens directs ou indirects où l’individu s’est réapproprié visuellement cette thématique pour en sensibiliser ses controverses, notamment par le biais de l’édition.

La caméra de surveillance, l’ingérence une machine invasive

Une protestation graphique

Dans les années 1990, la politique britannique fut une des premières à avoir eu recours massivement à la vidéosurveillance, Londres est encore aujourd’hui la ville la plus surveillée au monde, atout qui n’a inévitablement jamais fait l’unanimité. Face à ça, le territoire britannique à vu naître ses premiers artivistes2 contestataires de ce système, qui ont tenté d’interroger par la lettre ce dernier.

« What Are You Looking At? — Qu’est-ce que tu regardes ? » inscrivait Banksy sur un mur de Londres en 2004. Inscrite en noir au pochoir sur un mur gris, cette question était destinée directement non pas à un humain mais à une machine, la caméra de vidéosurveillance, fixée proche sur un mur perpendiculaire. Par le biais d’une simple phrase, l’artiste venait ici dénoncer tout un dispositif d’intimidation où le dispositif de vidéosurveillance se montre finalement comme un prolongement et l’intermédiaire de ce que Michel Foucault affirmait avec le panoptique, un pouvoir qui peut constamment nous garder sous observation sans être vu en retour. Par ce message installé dans l’espace public, Banksy tente de dialoguer avec la machine mais également avec les passants. Il permet de rendre visible dans l’espace un outil qui se montre plutôt discret au quotidien car omniprésent et banalisé, et indirectement stimuler une certaine prise de conscience vis à vis d’une politique de contrôle globalisée qui se montre très intrusive dans la vie de chacun en nous apercevant constamment comme potentiel suspect.

Banksy prolongera son discours en 2007 avec « One Nation Under CCTV3 — Une nation sous vidéosurveillance »Banksy, One Nation Under CCTV, graffiti, Londres, 2007, une inscription massive peinte en blanc sur une façade de la Royal Mail, l’opérateur postal du gouvernement britannique, et est toujours à proximité d’une caméra de vidéosurveillance. Le message relate quasiment les mêmes préoccupations que celui inscrit 3 ans auparavant mais prône ici le symbolisme, « One Nation Under CCTV » fait directement référence à « One Nation Under God — Une nation sous l’autorité de Dieu » présent dans le serment d’allégeances au drapeau des États-Unis. Une œuvre qui ne tardera pas de faire parler d’elle à l’époque, accentuée par l’importance d’un cadre contextuel établi, ici un service public affilié directement à la plus haute sphère politique de l’Etat. Elle sera effacée quelques mois après.

Nous pourrions citer également cet autre artiviste britannique, Mobstr, repéré à Newcastle en 2009 avec « These Things Make My Life Difficult — Ces choses me rendent la vie compliqué » en capitale, suivant scolairement la rainure horizontale d’un mur et agrémenté d’une flèche pointant en direction d’une caméra de vidéosurveillance. Par le choix des mots le texte projeté sur le mur révèle d’avantage une motivation personnelle de l’auteur pour retranscrire par écrit ce qui semble être une volonté profonde et impossible d’échapper aux champs de visions de ces caméras car omniprésentes dans l’espace urbain. Il porte son message comme une atteinte à l’individu, lisible par l’emploi du « je ». Ici, la caméra est plus perçue comme un outil de traçage et d’espionnage qui limite à l’individu ses actions. Comme il n’y a pas la moindre indication de sa présence, Mobstr est obligé d’y ajouter une flèche directionnelle pour accompagner celui qui lira son message.

Ces messages in situ, malgré leur simplicité, marquent des résonances très diverses par l’importance du choix des mots (humanisation, préoccupation personnelle ou sacralisation…). Ils semblent pour autant dépourvus d’utilité, mais de part leur cadre spatial, ils communiquent avant tout au spectateur, le passant, en leur recommandant de lever les yeuxMobstr, These Things Make My Life Difficult, graffiti, Newcastle, 2009.


Entre l’Homme et la machine, entre voir et savoir.

La contestation envers la vidéosurveillance est aussi marquée par un décalage entre un objet technologique accordé à une tâche qu’il exécute et l’être humain. Une fracture d’un dialogue impossible entre un individu pourvut d’état d’âme et un produit mécanique comme seul interlocuteur ; c’est la sensation qui transparaît à travers la performance de Denis Beaubois, In the event of Amnesia the city will recall… — En cas d’amnésie, la ville se souviendra…4, Il y explore en 1997 la relation de l’individu entretenue avec l’environnement urbain autour de lui.

Cherchant le contact avec son interlocuteur, il se tourne naturellement vers la caméra de vidéosurveillance, un outil qui visiblement se rapproche de l’oeil humain. Bien que la ville à trouvé la vue, elle ne sait toujours pas parler, alors Beaubois se munira de pancartes pour collaborer avec son partenaire. On le retrouve donc sur différents sites de Sydney, se positionnant au centre du champ de vision des dispositifs de vidéosurveillance et impose la discussion à ces derniers qui ne semblent pas préparés à ce genre de situation. Comme il le décrit, motivé par l’ordre elles sont davantage imprégnées par « une âme de chien de garde qui n’ont comme unique tâche de scruter les environs à la recherche de pistes »5. Soumisent, les caméras ne bronchent pas face aux propositions de Denis Beaubois faites par le biais de ses pancartes : « Move the camera up and down to agree » ; « Move the camera sign to sign to disagree » ; « Warning you may be photographed reading this sign » ; « May I have a copy of the camera footage », Elles semblent surtout devenir nos semblables par l’insistance avec laquelle Beaubois tente de communiquer. Confrontées à ses indications, elles semblent perdre petit à petit de leur statut de supériorité et donc d’objet du pouvoir.

Au-delà du caractère intrusif du dispositif, les artistes mettent en avant également la légitimité du système en nuançant entre la visualisation d’une scène et la compréhension de cette dernière. Dans l’impuissance de pouvoir reprendre le contrôle sur ces outils qui nous sont imposés à notre insu au quotidien, l’artiste italien Fra Biancoshock tente de déconstruire par le texte l’efficacité de l’outil avec Control the ControllersFra Biancoshock, Control the Controllers, installation, Milan, 2012. En 2012 à Milan il place devant une caméra un tableau comportant des lettres à tailles variables, similaire à ceux que l’on trouve dans les cabinets d’ophtalmologie, donnant l’illusion de faire passer un test d’acuité visuelle à une machine avec une vision défaillante. L’artiste vient ici remettre en doute l’efficacité même de l’objet, pourtant indiscutable par sa généralisation autour du globe, dans sa tâche de surveiller qui lui est destinée.

En 2013, l’artiste Joachim Schmid, au travers de sa série X Marks the Spot, nous donne à voir la vulnérabilité d’interprétation des images. La série en question nous montre des visuels issus d’une webcam pointant en plongée sur une section d’une large route sans passage piétons qui semblerait être une voie d’insertion vers une voie rapide. Ce qui est pour le moins étonnant c’est que l’on voit au fil des images, des piétons, seuls ou à deux qui se trouvent en plein milieu de cette voie, se mélangeant parfois aux rares voitures qui empruntent la route.

Par la démarche de l’auteur qui a extrait ces scènes et par leurs comportements anormaux des individus au sein des images, cela laisse présager une atmosphère suspicieuse vis-à-vis d’eux et de ce qui se déroule à cet endroit. Trafic de stupéfiants ? Envies suicidaires ? Protestants ? Les imaginations sont nombreuses. Pourtant il n’en ait rien de tout ça : nous sommes à Dallas, la webcam est placée à une fenêtre du sixième étage du bâtiment de la Texas School Book Depository. L’endroit même où le 22 novembre 1963 un assassin aurait tué John Fitzgerald Kennedy se trouvant sur la même chaussée que nous montre la série, et les piétons ne sont que des touristes venant se prendre en photos sur ce lieu d’assassinat.

Cette dissonance entre voir et comprendre est étudiée par Harun Farocki par trois vidéographies Eye/Machine I, Eye/Machine II, Eye/Machine III entre 2000 et 2003. De manière générale, elles viennent remettre en perspectives les technologies d’imagerie automatisées et utilisées dans la guerre et la façon dont elles ont intégré la vie civile. On retrouve des images servant la cartographie, la surveillance, la reconnaissance et le ciblage qui viennent mettre en exergue de quelle mesure notre rapport à l’image est distant.

Farocki énumère avec différents exemples une vision qui se veut en partie erronée. Le rôle de l’œil comme témoin de l’image authentique n’est plus face à l’image simulée. L’usage des codes graphiques et colorés dans l’imagerie de reconnaissance dirige le regard sur ce qui est à voir et ce qui est à nier ou encore comment l’image est devenue une arme de manipulation. Pour ainsi nous exposer comment nos capacités d’analyse se montrent de plus en plus défaillantes vis-à-vis de l’image intelligente particulièrement.

La surveillance continue d’alimenter les débats sur sa véracité de l’information et de retransmission, niant le rôle de l’homme dans ses capacités d’interprétations des flux d’images que la caméra lui propose.

Naissance d’une thématique

La surveillance intrigue, dérange, fascine, et surtout elle ne répond pas, donnant la voix au démarches artistiques envers elle qui sont multiplieront lors des années 2000, Des premières expositions lui seront dédiés, comme CTRL [Space]: Rhetorics of Surveillance from Bentham to Big Brother (2002)CTRL [Space]: Rhetorics of Surveillance from Bentham to Big Brother, couverture du catalogue d’exposition, 20 x 28 cm, 665 pages, MIT Press, 2002 ou encore EXPOSED: Voyeurism, Surveillance and the Camera (2010)EXPOSED: Voyeurism, Surveillance and the Camera, couverture du catalogue d’exposition, 25 x 31 cm, 256 pages, Tate Publishing, 2010 et bien d’autres.

Par la profusion de projets ( photographie, installation, peinture, cartographie ), un monde artistique se définit. On peut notamment le distinguer au travers du livre de l’exposition WATCHED! Surveillance, Art and Photography (2016) qui se servira d’un champ lexical propre à cette nouvelle thématique pour catégoriser les différentes oeuvres exposés, comme : « Screening, Controlling, Scanning, Tagging, Exposing — Capturer, contrôler, scanner, étiqueter, exposer ». De ces mots-clés, une iconographie nait et gravite autour de cette thématique de l’observation avec insistance, au delà de la simple caméra de vidéosurveillance.

Dans la documentation et le recensement du territoire, la vidéosurveillance s’est imposée dans l’espace public pour en garantir une observation continue, avec une autorisation de visualisation restreinte. Si certain réussisent tout de même à s’approprier et à manipuler ces caméras comme l’a pu le faire Andrew Hammerand avec The New Town ( 2013 )Andrew Hammerand, The New Town, photographie, 2013, d’autres étendent cette thématique commune vers nos outils du quotidien, tel que Google Street View. Dans le but d’améliorer les perceptions des utilisateurs de Google Earth et Google Maps, le 25 mai 2007 voit le jour sur internet une cartographie interactive accessible à tous offrant une vue à 360 degrés sur les villes et les campagnes d’une grande partie du globe. À l’aide de flèches suivant les trajectoires de la voirie, l’utili-sateur peut désormais naviguer librement et observer quasiment chaque recoin public où une voiture a pu se rendre. Le dispositif résulte d’un enregistrement pris sur le toit d’un véhicule parcourant le territoire, dévoilant aux yeux du monde chaque action capturée à cet endroit précis et à ce temps donné.

Par la suite, de nombreux curieux ont commencé à s’aventurer dans cet espace virtuel du monde réel, pour visualiser un espace particulier, explorer le monde, chercher l’insolite ou le questionner. C’est notamment le cas de Michael Wolf qui propose plusieurs séries d’images issues de l’outil Google Street View. Parmi elles, la série nommée Fuck YouMichael Wolf, Fuck You 10, photographie, 2011 imagera d’une certaine manière le « What Are You Looking At? » de Banksy en donnant à voir par des photographies de son écran les civils dressant leur majeur face à la caméra désormais visible, mobile et imposante.

qui comme le nom l’indique met en relation l’outil interactif avec le panorama cartographié à 360 degrés. Google Street View est accessible notamment par l’usage de codes géométriques permettant de se déplacer de manière intuitive au sein de l’image ; des flèches pour pointer les directions à suivre, un rectangle pour signifier les plans verticaux et un cercle les horizontaux. Ce qui se veut être en premier lieu des outils pour se repérer, Wolf les utilise et les « aplanit » au même plan que l’image afin d’en créer des compositions avec les civils déambulant dans les rues, les animaux traversant la chaussées et autres détails que cette cartographie interactive propose.

Comme on le voit dans cet exemple, la surveillance dans l’art englobe un monde voyeur, un monde de perceptions à sens unique où les démarches artistiques se jouent d’un point de vue d’observateur externe, quel que soit le médium.


Du point de vue de l’individu

Communiquer un pouvoir diffus

Pour faire face au Big Brother6, différentes actions graphiques ont notamment été menées pour exposer l’intrusion de la surveillance dans notre vie quotidienne.

À Paris, au début des années 2000, l’initiative mené par l’artiste plasticien Renaud Auguste-Dormeuil, a été de mettre en service un parcours touristique nommé Mabuse Paris Visit Tour au sein de la ville lumière avec chauffeur et conférencier, non pas pour contempler les monuments les plus prestigieux mais justement pour nous laisser apercevoir ce qui est dissimulé, les caméras de vidéosurveillance. Le nom fait justement référence au docteur Mabuse, un personnage littéraire décrit comme étant un hypnotiseur capable de se dissimulé sous diverses apparences, il est notamment rendu célèbre au travers de la filmographie du réalisateur Fritz LangFritz Lang, Das Testament des Dr. Mabuse, affiche de film, 1933. Suite à ce choix de nom, un logotype en est dessiné afin d’être visible sur le minibus, les badges, la carte du parcours et autres supports. Vulgarisant les codes graphiques typiques de Paris ( le « a » prend la forme de la Tour Eiffel, présence de la Seine en arrière-plan, ainsi que la délimitation de Paris intra-muros ), Mabuse ne communique pas son concept visuellement, mais se montre davantage comme une activité touristique à contre-pied par l’amateurisme visible du renduRenaud Auguste-Dormeuil Mabuse Paris Visit Tour, plan, 2000.  

Si certains guides offrent un parcours pour signifier les caméras de vidéosurveillance, d’autres proposent des cartes pour au contraire les éviter. Comme ce fut le cas outre-atlantique, dans la ville de New York. Imposées dans l’espace public à fortes fréquentations, il est devenu difficile de se défaire ce ces outils qui pointe sur nous constamment, alors les citoyens ont alors commencé à recenser les caméras au sein de Manhattan et en 2006 Steve Rowell diffusera une carte physique nommé Routes of Least Surveillance. Elle a pour but d’indiquer à celles et ceux qui veulent échapper à l’oeil mécanique, un trajet entre un point A et un point B où les caméras seront les moins présentes. La carte, designée par Steve Rowell et publié dans Atlas of Radical Cartography se montre très succincte et conceptualise plus une contestation et une approche militantiste que la volonté de se représenter comme un véritable outil. Par ailleurs, il est important de noter que cette carte à été créé en collaboration avec Institute for Applied Automny et se base sur leur carte numérique réalisé quelques années auparavant, entre 1998 et 2002. Nommé iSeeInstitute for Applied Automny, iSee, logiciel informatique, 1998–2002, elle se destinait comme un outil qui pour le coup semblait réellement efficace, car interactif, avec notamment la fonction de calculer le meilleur itinéraire en fonction d’une position choisie. Un projet mené avec la même motivation de revendiquer le droit à la vie privée, comme l’exprimera un membre du projet : « La tendance avérée de la vidéosurveillance à mettre en avant les minorités ethniques pour les observer et à se concentrer de manière voyeuriste sur les seins et les fesses des femmes fournit à la majorité de la population de nombreuses raisons légitimes d’éviter les caméras de surveillance publiques. » Par la suite d’autres actions de visualisation de cartographies interactives avec les positions des caméras de vidéosurveillance ont étés menés dans différentes villes du globe. En revanche aujourd’hui il est possible de retrouver différentes actions menées par les citoyens permettant de visualiser sur Internet des cartographies interactives avec les positions des caméras de vidéosurveillance, et ce dans différentes villes du globe.

Ruben Pater quant à lui propose le Drone Survival GuideRuben Pater, Drone Survival Guide, poster imprimé sur papier aluminium, 2012, un dépliant proposant un guide de survie de drones militaires et domestiques, un autre mécanisme de surveillance et d’attaque à distance. Le guide fait le référencement des différentes silhouettes de drones accompagnés de leur noms respectifs et de pictogrammes signifiant qu’il s’agit de drone de surveillance, d’attaque ou des deux. Les drapeaux des pays utilisant les différents appareils sont également mentionnés.

Au verso on retrouve différents conseils pour se cacher des drones ou encore comment hacker ces derniers. Parmi un de ses conseils, l’un est de tromper la visibilité de ces appareils en utilisant des matières réfléchissantes, ainsi le guide est est imprimé sur du papier aluminium et peut être utilisé en ce sens.

Au travers de ces différentes actions, on voit des démarches concrètes et fonctionnelles, bien qu’à l’efficacité limitée, d’axes de réflexions pour contrer et guider le regard à l’égard des principes de surveillances, que ce soit par une volonté de créer une attraction, d’instruire ou de renseigner le citoyen.


L’édition comme outil de restitution

Cette idée que nous soyons dépossédés de notre image au quotidien est le sujet même de Pascal Anders dans son ouvrage Podmoskovye. Ce dernier montre des scènes issues de vidéosurveillance couvrant le réseau du métro moscovite et ses alentours. On retrouve des caméras ayant le pouvoir de pointer à une certaine distance des individus seuls ou en groupe, marchant, s’allongeant, discutant ou flânant sur un banc, qu’ils soient à pied, à moto ou sur leur balcon, jusqu’à même rentrer parfois dans l’appartement de certains. Pour aller au bout de son propos, Pascal Anders auto-édite ses éditions puis les redistribue gratuitement aux personnes intéressées, faisant de cet acte un geste symbolique de restitution des images volées chaque jour à notre insu. Dans le prolongement du simple constat par l’image, Pascal Anders met en exergue la circulation de nos corps, faits et gestes via la vidéosurveillance. Parfois acceptée et consentie, elle reste aussi un système discret et ignoré. Le livre est vu ici comme un discours public qui circule et se transmet de citoyen à citoyen, de victime à victime. Les éditions consacrées à la surveillance permettent de remettre dans les mains des civils une partie d’eux qu’ils ignorent.

Un autre exemple de série crée et tirée à partir des flux vidéos est l’édition de Corey Presha nommé Lovers ( 2013 ). Il est fait d’images d’amoureux anonymes en train de s’embrasser dans des ascenseurs new-yorkais. On y retrouve sur une vingtaine de pages, différents couples voyant l’ascenseur comme une bulle intime à l’abri des regards. C’est une opportunité illusoire de partager leur amour dans l’anonymat car la caméra est là, constamment sous éveille, et sans se faire remarquer elle ose sans se lasser observer ces scènes. De plus, de par sa fonction protectrice, elle devient l’intermédiaire idéal déresponsabilisant toute perversité à celui qui visionne ces mêmes scènes.

Les différents supports d’explorations visuelles qui se sont servis de la vidéosurveillance comme matière première ont permis de mettre en avant un travail d’analyste généralisé par les artistes vis à vis d’un enregistrement qui se perd dans son flux infini. Une matière idéale pour des artistes comme Joachim Schmid ou Gregory Eddi Jones qui consacre la majeure partie de leur travail à la réappropriation d’images pour y repenser leur constructions au travers de spectres culturelles, politiques ou technologiques. Nous pourrions ainsi citer l’édition Another Twenty-Six Gas Station (2014) de Gregory Eddi Jones, qui fait directement référence par son nom au livre d’artiste Twentysix Gasoline Stations d’Edward Ruscha parut en 1963, et qui se montre comme une réinterprétation des 26 photographies de stations services américaines. En effet les images sont cette fois-ci un recensement de captures d’écran provenant de vidéosurveillance présentent dans des stations services et retransmises au monde via leur partage sur YouTube. On y observe des scènes criminelles et de braquages, qui viennent se mettre en relation avec des éléments décalés que sont les publicités, les titres, les suggestions et les fiches d’annotations proposés sur le lecteur du réseau social. Par ce livre, Gregory Eddi Jones tente de restituer une réalité sociale avec la confrontation de deux ères américaines, celle d’une culture automobile des années 60 et celle à l’heure d’Internet, post 11 septembre 2001. Another Twenty-Six Gas Station est une tentative de réactualisation de ce qui était autrefois un sujet photographique au caractère assez banal de 26 stations services qui, 50 ans après, deviendra cette banalité nouvelle à laquelle on y associe l’anarchie, la criminalité, le vandalisme, la malveillance, tous cela saisit continuellement par la vidéosurveillance. Loin des photographies en noir et blanc d’Edward Ruscha, l’édition de Gregory Eddi Jones reprend tout de même en clin d’oeil la police de caractère du titre du livre référent mais le format et la composition ne sont quant à eux non fidèles.

Ces éditions d’artistes, additionnées entre elles, et de par leurs approches différentes se voient créer une base de données visuelles très diverse pour un même sujet traité, c’est de ce principe que naîtra par la suite des initiatives de curation comme le projet Surveillance Index.

L’édition comme gardien du visible

En 2016 est publié Surveillance Index7, une édition qui se veut comme une collection regroupant une centaines de livres d’artistes traitant visuellement la thématique de la surveillance. L’auteur derrière ce projet est un états-unien, Mark Ghuneim, sensible aux questions de vie privée il avait déjà notamment répertorié dans les années 1990 les caméras de vidéosurveillance de la ville de New York pour en établir une carte interactive ayant pour but d’échapper au mieux à ce système. Plus tard il entamera une collection de nombreux livres explorant les concepts de visions avant de voir le projet Surveillance Index se mettre en exergue durant ses recherches. Dès lors, le projet se voulait être en premier lieu un outil permettant de montrer les caractéristiques visuelles de la représentation de la surveillance dans les livres d’artistes. L’importance de vouloir les regrouper en une seule édition selon lui permettait d’obtenir une vision plus complète du sujet, avec un potentiel de créer un dialogue entre les différentes démarches artistiques. Il en ressortira de nouvelles significations, en plus de contextualiser les oeuvres sous un sujet commun.

Le second point était celui aussi de créer un objet de référence à toutes personnes s’intéressant au sujet pour mieux le comprendre. Une motivation supplémentaire pour une thématique aussi imprécise aux yeux de tous qu’est la surveillance. Le livre, de par sa palpabilité et son pouvoir de transmission permet d’une certaine manière une réponse à cela. Il est intéressant de voir que ces livres sélectionnés offrent, au delà de leurs démarches, une communication et une sensibilisation au sujet qu’ils traitent. L’acte de curation de Surveillance Index permet de mettre en lumière ce point.

C’est en partie pour cette raison que préserver le contexte d’origine des visuels est important. La décision a été de ne pas se limiter aux visuels présent dans ces livres, mais plutôt de prendre des photographies de ces derniers afin de préserver la mise en page souhaitée par les artistes. Cela avec l’ajout de différentes manières de recenser les projets, que ce soit par année, titre, artiste, description ou format. On peut ainsi mieux comprendre les intentions et comparer les différents axes de narrations et d’appropriations de la thématique commune.

La compréhension et la visibilité étaient un axe primordiale dans la conception de Surveillance Index. Cette dernière se voit être très minimaliste, donnant le maximum de place à l’image (une double-page correspond à une double-page d’un livre sélectionné). Les zones dédiées au texte prennent le plus de place possible pour assurer sa visibilité et sa lisibilité en ne se limitant qu’aux informations utiles et techniques. En gardant cette simplicité dans la répartition des informations dans l’édition, que ce soit un sein de l’objet mais également dans l’adaptation numérique du site internet éponyme qui reprend les mêmes codes graphique, Mark Ghuneim traduit une volonté de compréhension et d’accessibilité au plus grand nombre.

Finalement, de par sa conception, Surveillance Index peut inclure en lui une réponse au sujet qu’il traite, celle d’un objet qui se veut efficace par sa simplicité, sa lisibilité, sa facilité de communication avec son lecteur, sa nature tangible et finalement sa visibilité vis à vis d’une surveillance abstraite aux caractéristiques opposées.

Conclusion

En somme, le moyen graphique, que ce soit par la lettre, l’image, l’illustration, ou l’édition, se voit jouer un rôle médiateur sur un sujet qui se montre trop peu, dépassant le simple cadre démonstratif pour devenir de vrais discours visuels.

Les divers dispositifs graphiques tentent non pas de communiquer avec un pouvoir inaccessible mais de créer et ramener une proximité à l’égard du sujet, directement ou indirectement. Rapports sociaux, au corps, à l’oeil, à l’individu ou au territoire, que ce soit dans des sphères intimes ou politiques, le sujet est déconstruit par de nombreuses approches artistiques en tout genre et celles traitées ici ne restent pas moins qu’une courte sélection. Elles donnent naissance à une véritable thématique aux caractéristiques visuelles singulières sous un unique enjeu commun, celle de la vision.

L’art de la surveillance se joue d’un positionnement singulier et externe offrant finalement aux artistes une large matière à la création et aux potentiels narratifs. Elle possède une résonance politique, dans un entre-deux hiérarchique entre un pouvoir ascendant et une impuissance de l’autre. Une résonance technologique, entre une mécanisation des dispositifs et le relation entre nous, individus, vis à vis des machines. Une résonance esthétique, par des codes définis par ces moyens technologiques et de l’évolution de ces derniers (des prises de vues en plongées ou aériennes, d’un domaine civil ou militaire, passant par un rendu visuel numérique reconnaissable et agrémenté parfois d’appendices formels et textuels spécifiques). Enfin elle est une résonance au sens visuel, entre ce qui est à voir et à ne pas voir, ce qui est vu et ce qu’il ne l’ai pas, à ce qu’il faut voir et ce qu’il ne faut pas. La surveillance tranche sans cesse sur quoi donner à notre regard.Un constat rendu possible par les différentes initiatives de curation au sein d’expositions ou de projets d’édition. Ils ont permis d’être un vecteur concret de communication et d’analyse qui par le rassemblement, ont donnés du poids à chacune des oeuvres.

L’approche de la surveillance a été axée essentiellement vis à vis du monde matériel dans lequel nous vivons pour la matière artistique et graphique qui en a découlé. La surveillance est un sujet tout aussi présent important dans notre monde numérique actuel et il est encore moins bien perçu. En dessiner un itinéraire pour s’en défaire en est d’une grande complexité.

Annexes

Maxime Carle
Annexes
Maxime Carle
Entretiens

Entretiens

Entretien avec Mark Ghuneim, auteur du projet Surveillance Index.

Maxime Carle Lorsque vous avez commencé à collectionner des livres d’artistes sur ce thème, était-ce dans l’idée de créer ensuite Surveillance Index ?

Mark Ghuneim Non, la collection de livres d’artistes sur le thème de la surveillance a commencé avant que l’idée de créer le Surveillance Index n’apparaisse. L’accent mis sur ce thème spécifique est apparu à la suite d’une focalisation sur certains domaines au sein du corpus plus large des livres de photos, en mettant l’accent sur l’exploration du concept du regard et de la distribution de l’agence entre la caméra et le sujet.

MC Surveillance Index est-il davantage perçu comme un inventaire des livres et des artistes traitant de ce thème ou comme une volonté de montrer le potentiel, les buts et les caractéristiques visuelles du traitement de la surveillance ?

MG Surveillance Index est avant tout considéré comme un outil permettant de mettre en évidence le potentiel, les buts et les caractéristiques visuelles de la représentation de la surveillance dans les livres d’artistes. La collection de livres et d’artistes traitant de ce thème est un sous-produit de cette intention. J’ai toujours gardé un vif intérêt pour le sujet de la surveillance et de la société, notamment en travaillant avec la New York Civil Liberties Union dans les années 90 pour cartographier les caméras de surveillance à New York. Et la collection s’est tellement développée qu’ils pourraient sortir de nombreuses éditions. Le créateur de l’index aurait préféré que le sujet ne soit pas un discours visuel aussi répandu…

MC Quelle était pour vous l’importance de les regrouper en une seule édition ?

MG La curation, ou l’acte d’organiser et de sélectionner des éléments à inclure dans une collection, peut ajouter une nouvelle couche de signification aux pièces individuelles en les regroupant dans un contexte spécifique. Elle permet d’avoir une vision plus complète du sujet et peut créer un nouvel ensemble d’œuvres en mettant en évidence des liens et des thèmes qui n’étaient peut-être pas immédiatement apparents auparavant.

Dans le cas de la première édition de Surveillance Index, le regroupement des différents livres d’artistes sur le thème de la surveillance permet un examen plus approfondi de la manière dont les différents artistes et auteurs ont abordé le sujet. Il permet également d’accéder facilement à un large éventail de perspectives sur le sujet. Cela peut s’avérer précieux pour les chercheurs, les éducateurs et toute autre personne intéressée par le sujet, car il s’agit d’une sélection soignée de ressources plutôt que d’un nombre écrasant de pièces individuelles.

De ce fait, l’acte de conservation crée également un dialogue entre les œuvres, ce qui peut enrichir la signification des œuvres et permet au spectateur de les voir sous un jour nouveau.

En outre, la constitution d’une collection axée sur un thème spécifique permet une exploration et une compréhension plus ciblées du sujet, ainsi que la mise en contexte des œuvres individuelles dans le cadre de ce thème.

MC Considérez-vous que ces livres dans leur ensemble jouent enfin un rôle de sensibilisation et de communication sur un dispositif trop diffus et invisible qu’est la surveillance ? Voyez-vous dans le livre, par sa matérialité, l’outil palpable adéquat pour traiter d’un sujet si imprécis et sous-estimé aux yeux de tous alors qu’il est omniprésent autour de nous ?

MG Oui, il est possible qu’en conservant et en présentant la collection de livres d’artistes sur le thème de la surveillance sous une forme physique, elle puisse jouer un rôle de sensibilisation et de communication sur la nature souvent diffuse et invisible de la surveillance.

Les livres et l’art, en général, ont une capacité particulière à transmettre des émotions, des récits et une pensée critique, ils peuvent rendre l’abstrait concret, ce qui est particulièrement important lorsqu’on aborde un sujet aussi nébuleux que la surveillance. La sélection de la collection permet de rassembler des œuvres qui peuvent offrir un éventail de perspectives, certaines sous forme d’avertissements, d’autres sous forme de satire et d’autres encore de manière plus expérimentale, mais toutes peuvent contribuer à une compréhension plus globale du sujet.

En outre, la forme physique de la collection, qu’il s’agisse d’un livre ou d’une exposition, est également tactile, ce qui peut rendre le sujet de la surveillance plus tangible et plus réel pour le public. Elle peut également aider les gens à aborder le concept de surveillance d’une manière spécifique et concrète, ce qui peut avoir plus d’impact que des discussions plus abstraites sur le sujet.

La surveillance est une forme d’assujettissement, et il est important de la comprendre de cette manière. La forme physique de la collection peut être un outil puissant pour sensibiliser à ces questions et promouvoir une réflexion critique sur la surveillance.

MC D’un point de vue éditorial, est-ce en partie pour cette raison que le choix a été fait de prendre en compte ce support en montrant des photographies directement issues des livres et de ne pas se limiter à sélectionner uniquement le contenu visuel que les livres offrent ?

MG D’un point de vue éditorial, il est possible que le choix de montrer des photographies directement issues des livres plutôt que de se limiter au seul contenu visuel des livres soit en partie lié à l’objectif de sensibilisation et de communication sur la surveillance.

En présentant des photographies directement tirées des livres, le contexte et la mise en page de la publication originale sont préservés et le spectateur peut voir comment l’artiste ou l’auteur souhaitait que les images soient présentées. Cela peut être plus efficace pour transmettre le message du livre, car les images ne sont pas sorties de leur contexte d’origine, ce qui peut leur donner un sens ou une signification différents.

En outre, le choix de documenter l’ensemble de la collection de livres, en montrant une photo ou une mise en page de chacun d’entre eux, permet de donner une vue d’ensemble de la collection, ce qui peut ensuite être utile pour se faire une idée du langage visuel utilisé par les différents auteurs, des différentes manières de créer une narration, des différentes manières de communiquer un message et également des différentes manières d’aborder visuellement le concept de surveillance.

Dans ce cas, le processus photographique passe de « je vous regarde » à « nous vous regardons », à « ne me regardez pas », puis à « regardez-moi s’il vous plaît », ce qui permet de montrer comment les différents auteurs et artistes abordent le sujet et les différentes manières dont ils veulent communiquer leurs idées. Cela peut être utile pour montrer comment le concept de surveillance peut être dépeint de différentes manières au fil du temps, et comment il peut être utilisé pour transmettre différents messages et émotions.

MC On voit aussi que la visibilité dans l’élaboration du livre est l’axe primordiale, vous donnez une très grande importance aux livres sélectionnés, une double page équivaut à une double page d’un livre sélectionné. Le texte prend le plus de place possible pour assurer la visibilité et la lisibilité, noir sur blanc ou blanc sur noir, et se limite aux informations utiles et techniques. Simple, lisible, direct, tangible, communicatif, informatif et finalement visible, par ses choix graphiques, Surveillance Index n’est-il pas en quelque sorte une réponse au sujet qu’il traite, souvent dénoncé comme son contraire ?

MG Oui, l’accent mis sur la visibilité dans la conception et la mise en page de Surveillance Index peut être considéré comme une réponse au sujet qu’il traite. On reproche souvent à la surveillance d’être invisible et difficile à comprendre. En créant une collection facile à parcourir et à comprendre, Surveillance Index est donc en mesure de communiquer efficacement ses idées et de sensibiliser le public à son sujet.

En donnant une grande importance aux livres sélectionnés, en utilisant une double page pour représenter une double page d’un livre sélectionné, cela peut permettre au spectateur de comprendre le contexte dans lequel l’image a été présentée à l’origine et cela donne également plus d’importance à l’image.

Le choix d’utiliser un texte simple, lisible et direct, noir sur blanc ou blanc sur noir, et de le limiter aux informations utiles et techniques, permet de s’assurer que les informations sont faciles à comprendre et accessibles à un large public. Cela permet également de se concentrer sur les images et de leur donner plus d’impact en ne les submergeant pas de trop de texte.

En gardant le design de l’indice de surveillance simple et minimaliste, il est en mesure de communiquer efficacement son message, tout en étant visuellement frappant et mémorable. Cela permet de rendre le thème de la surveillance plus tangible et plus accessible, ce qui est particulièrement important compte tenu de la nature souvent abstraite de ce sujet.

Dans l’ensemble, la conception de Surveillance Index peut être considérée comme une réponse au sujet qu’il traite. En rendant les informations claires et faciles à comprendre, il est en mesure de communiquer efficacement ses idées et de sensibiliser au sujet de la surveillance.

Il est important de noter que l’ensemble du processus de production du livre Surveillance Index a été réalisé en collaboration avec le Studio Lin, un cabinet de graphisme basé à New York. Le studio est connu pour la création de livres, d’identités et de sites web pour des clients locaux et internationaux, appliquant un langage visuel à la fois très documenté et facilement assimilable. Le processus de travail transparent du Studio Lin et le fait que beaucoup de ses clients sont engagés dans l’art et le design, signifient souvent que les projets sont plus collaboratifs que commandés. Jenna, en particulier, était une collaboratrice extraordinaire. Le studio compte un large éventail de clients, dont MOS Architects, MoMA, Capricious, Harvard GSD, Whitney Museum.

MC Le fait qu’il soit auto-publié signifie-t-il quelque chose pour vous dans le processus de création du livre ? Cela symbolise-t-il une revendication personnelle ?

MG L’auto-publication de Surveillance Index m’a permis de garder le contrôle, d’être le créateur. Plus de contrôle sur mon propre travail, sans dépendre d’une maison d’édition traditionnelle pour produire et distribuer le livre. Contrôle sur la conception, la mise en page et le contenu du livre, plus de liberté dans la distribution et la promotion du livre, puisque le créateur peut le vendre directement au public.

En outre, l’auto-publication peut symboliser une revendication ou une déclaration personnelle. En choisissant l’auto-publication, le créateur s’approprie le livre et est responsable de l’intégralité du projet, du début à la fin. Il s’agit d’une forme d’autonomisation, une façon d’affirmer sa voix et sa vision du projet.

Dans le cas de Surveillance Index, le fait de ne pas inclure de code-barres ou de numéro ISBN dans le livre est un choix de conception, qui symbolise le désir de séparer le livre du système d’édition traditionnel et qui peut également être considéré comme un effort pour mettre l’accent sur l’aspect conceptuel du projet plutôt que sur un produit commercial.

MC Surveillance Index est-il un acte militant pour vous ?

MG Bien sûr !!!

Traduction française de l’anglais par deepl.com

Maxime Carle
Glossaire

Glossaire

Artivisme
L’artivisme définit un artiste qui pratique l’intervention militante afin d’interpeller le spectateur sur des sujets de société.
CCTV
« CCTV » est l’abrévation du terme anglais « Closed-circuit television » qui désigne en français la vidéosurveillance.
Big Brother
Big Brother est un personnage de fiction issu du roman 1984 de George Orwell publié en 1949. Un ouvrage dystopique portant sur une Grande-Bretagne dirigé en 1984 par un régime totalitaire où les libertés d’expressions sont anéantis car constamment surveillées. Depuis on utilise cette expression pour qualifier les institutions ou actions portant atteinte aux libertés et à la vie privée des populations.
Panoptique
Le panoptique définit l’idée de voir sans être vu, par extension il est aussi un nom donné à un type d’architecture qui met en oeuvre cet aspect.
Maxime Carle
Références

Références

Bibliographie

EDDI JONES, Gregory, _Twenty-Six Gas Station, In the In-between, 2014

EXPOSED: Voyeurism, Surveillance and the Camera, Tate Publishing, 2010

FOUCAULT, Michel, Surveiller et punir : Naissance de la prison, Gallimard, 2021

LIMARE, Sophie, Surveiller et sourire : Les artistes visuels et le regard numérique, Les Presses de l’Université de Montréal, 2015

LIMARE, Sophie, Perturbations textuelles de la vidéosurveillance dans l’art contemporain, pages 40 à 47, Revue Proteus, numéro 7 — L’art de la perturbation, 2014, Consulté à l’adresse : www.revue-proteus.com/Proteus07.pdf

Renaud Auguste-Dormeuil, Include Me Out, MAC / VAL, 2013, consulté à l’adresse : www.insituparis.fr/cspdocs/editions/files/catalogue_renaud_auguste_dormeuil_include_me_out_macval.pdf

ORWELL, George, 1984, Folio, 2021

PRESHA, Corey, Lovers, Sun Editions, 2013

WATCHED! Surveillance, Art and Photography, Verlag der Buchhandlung Walther König, 2016

Sitographie

ANDERS Pascal, Podmoskovye, www.hermannlohss.de/buch-der-woche/podmoskovye

BEAUBOIS Denis, In the event of Amnesia the city will recall…, denisbeaubois.com/Amnesia/In the event of Amnesia copy 2.html

Drone Survival Guide, www.dronesurvivalguide.org

Le Bal, Edition & Surveillance, www.le-bal.fr/2018/01/edition-surveillance

Le Monde Diplomatique, Contester, mais comment ? Les trajets les moins surveillés à Manhattan aux environs de 2001, www.monde-diplomatique.fr/cartes/l_atlas_histoire/a60612

Les écrits de Film-documentaire, Traverses / Formes politiques, politiques, Harun Farocki : Vidéosurveiller et punir, www.film-documentaire-ecrits.fr/traverse1-videosurveiller

Libération, Au Bal à Paris, une exposition d’un monde veilleur www.liberation.fr/arts/2018/01/12/au-bal-a-paris-une-exposition-d-un-monde-veilleur_1622040/

Macba, Harun Farocki, Eye/Machine I, 2001, https://www.macba.cat/en/art-artists/artists/farocki-harun/eye-machine-i

Surveillance Index, www.surveillanceindex.com/home

Maxime Carle
Remerciements

Remerciements

Alexandra Aïn, Mark Ghuneim


  1. FOUCAULT, Michel. Surveiller et punir : Naissance de la prison. Gallimard. 2021 ↩︎

  2. L’artivisme définit un artiste qui pratique l’intervention militante afin d’interpeller le spectateur sur des sujets de société. ↩︎

  3. « CCTV » est l’abrévation du terme anglais « Closed-circuit television » qui désigne en français la vidéosurveillance. ↩︎

  4. BEAUBOIS, Denis. In the event of Amnesia the city will recall… 1997. Disponible sur https://vimeo.com/64904119 ↩︎

  5. BEAUBOIS, Denis. In the event of Amnesia the city will recall… denisbeaubois.com. http://denisbeaubois.com/Amnesia/In the event of Amnesia copy 2.html ↩︎

  6. Big Brother est un personnage de fiction issu du roman 1984 de George Orwell publié en 1949. Un ouvrage dystopique portant sur une Grande-Bretagne dirigé en 1984 par un régime totalitaire où les libertés d’expressions sont anéantis car constamment surveillées. Depuis on utilise cette expression pour qualifier les institutions ou actions portant atteinte aux libertés et à la vie privée des populations. ↩︎

  7. GHUNEIM Mark. Surveilance Index. 2016. Version Web disponible à l’adresse http://www.surveillanceindex.com. ↩︎