Les premiers objets identifiables comme tels apparaissent dans les
années 30 ; ils reprennent en vidéo sur film 16mm ce que les guides de
beauté imprimés prônaient jusqu’alors. Viennent ensuite les VHS et DVD
de cours de maquillage professionnel à acheter ou à louer. L’arrivée
d’Internet ouvre dans les années 2000 le genre aux amateur·ices, qui
inventent de nouveaux codes jusqu’à l’identification du « monde de la
beauté » sur les plateformes vidéos. Certain·es de ces amateur·ices
deviendront d’ailleurs quelques années plus tard celleux qu’on appelle
beautyguru ; des YouTubeur·euses beauté devenu·es célébrités.
Aujourd’hui encore, le genre du tutoriel beauté s’écrit sur les médias
sociaux ; avec son format vertical de moins de 90 secondes, il est un
haut lieu de la création de trend en tous genres.
L’objectif de ce mémoire est de définir, en exploitant un corpus de
tutoriels beauté vidéos de 1937 à 2023, les évolutions techniques mais
surtout idéologiques de ces objets. Nous étudierons la question d’un
possible parallèle entre les guides de beauté vidéos produits par des
compagnies de cosmétiques, et les tutoriels amateurs postés sur les
médias sociaux. Nous aborderons cette question en observant si le
développement des nouvelles technologies a influencé le format et ses
modalités de diffusion. Nous nous demanderons également si l’arrivée
d’Internet a simplement ouvert les portes d’une redéfinition collective
des standards de beauté ou si, au contraire, la reproductibilité de ces
tutoriels a entretenu les standards établis, et enfin, si les modalités
des plateformes de diffusion elles-mêmes jouent un rôle dans l’écriture
des dits standards.
Cette étude met ainsi en évidence la résurgence des liens entre les
tutoriels beauté et la presse féminine, soulignant une certaine
perpétuation des mécaniques publicitaires et des normes esthétiques
malgré l’émergence de nouveaux médias. L’arrivée du tutoriel beauté sur
les médias sociaux a permis bien sûr d’ouvrir de multiples débats et de
questionner ensemble des injonctions à une beauté nourrie de sexisme, de
racisme, d’âgisme, de classisme… Les contestations prennent la forme de
vidéos parodiques, de challenges anticonformistes, de tutoriel fusionné
à une lettre ouverte – des formes nouvelles portées par le champ des
possibles des médias sociaux. Il est cependant difficile d’ignorer le
succès de tendances, comme celui de la cleangirl, qui rappelle
étrangement la bourgeoise idéale totale illustrée dans les revues
féminines du siècle dernier. Il est difficile aussi de passer outre les
mécaniques algorithmiques des plateformes et les biais qui y sont
associés.
L’obsession pour la beauté semble réelle – que ce soit le fruit des
logiques algorithmiques, mais aussi des utilisateur·ices des plateformes
concernées.
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