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Self in Progress

"L'animation est une superbe façon de raconter des histoires sur les problèmes de santé mentale, car le créateur peut utiliser des images imaginatives et fantastiques pour montrer les émotions et les expériences intérieures d'un personnage d'une manière difficile à réaliser dans un film en direct."page 3

Kayla Lehman a exploré les questions clés de sa recherche qui portent sur la manière de représenter des récits de maladies mentales à travers l'animation, et comment l'esthétique surréaliste peut renforcer et améliorer cette narration grâce à une recherche pratique.

Les animateurs ont constamment cherché à mettre en avant les capacités uniques de l'animation dans le monde du cinéma. La particularité de l'animation réside dans sa capacité à accomplir ce qui est impossible dans les films en prise de vue réelle, représentant une forme de réalité que l'on pourrait qualifier de "surréaliste". Cet aspect "surréaliste" de l'animation signifie qu'elle peut ressembler à la réalité de certaines manières tout en s'en éloignant dans d'autres, et, de cette perspective, l'animation peut être considérée comme un médium intrinsèquement surréaliste.

La pandémie de la COVID-19 a eu un impact significatif sur la santé physique et mentale des individus, attirant ainsi davantage l'attention sur les discussions relatives à la santé mentale dans notre société actuelle. Néanmoins, la persistance de la stigmatisation est préoccupante, en particulier car la majorité des personnes s'informent principalement sur la santé mentale via les médias. Des études ont révélé que ceux qui adoptent une attitude négative envers les traitements de la santé mentale tirent souvent leurs opinions de leur première source d'information, à savoir la télévision et les médias électroniques. Les médias de divertissement semblent exercer un impact plus négatif que les programmes non fictifs. De plus, ils contribuent à forger l'opinion publique en présentant des informations erronées et des mythes, souvent associant de manière injuste les personnes souffrant de troubles mentaux à des images violentes. Un mythe répandu concerne également les traitements et les professionnels de la psychiatrie, souvent dépeints de manière effrayante dans les films.

Bien que certains troubles soient fortement stigmatisés en raison de leur association avec la violence, d'autres troubles mentaux plus courants sont souvent idéalisés, minimisés ou exploités à des fins comiques, comme la tendance à romantiser les tentatives de suicide comme des actes héroïques. Une autre représentation médiatique préjudiciable concerne les traitements psychiatriques et les professionnels de la santé mentale, ce qui peut dissuader les personnes vivant avec des troubles mentaux de chercher de l'aide. Il est donc crucial de changer la narration des médias sur la santé mentale. Cependant, même avec de bonnes intentions, traiter ce sujet délicat nécessite des recherches approfondies et des consultations avec des personnes vivant avec des troubles mentaux pour éviter les stéréotypes. L'auteur explique comment sa recherche sur la représentation des troubles mentaux dans les médias l'a amené à modifier la structure de l'histoire, donnant au personnage un rôle plus actif pour illustrer ses efforts actifs pour affronter son anxiété à travers la thérapie. L'auteur souligne également l'importance de la compassion envers soi-même dans le processus de guérison, où le personnage principal parvient à accepter son trouble mental et à se montrer de la compassion, amorçant ainsi une transformation vers sa véritable et entière personne.

L'auteur a discuté et analysé quelques films traitant de la santé mentale, les films mentionnés sont "Inside Out" (2015), "Tzadik" (2013), "But Milk is Important" (2012) et "Joy Street" (1995).

L'autrice décrit son film "Self in Progress" en expliquant que son film raconte l'histoire d'une femme souffrant de troubles d'anxiété qui entreprend un voyage surréaliste pour affronter et finalement accepter sa maladie mentale. Elle entame ainsi son parcours vers la guérison grâce à l'acceptation et à la compassion envers elle-même. Son concept d'histoire est basé sur les recherches qu'elle a effectuées, mentionnées précédemment dans mon article, portant sur la santé mentale, les troubles mentaux, la représentation de ces sujets par les médias, les stéréotypes courants, et incluant l'exploration des œuvres animées.

L'auteure explique ce qui distingue son film des autres œuvres abordant le thème de la santé mentale, en mettant en avant la partie finale de son film où la protagoniste acquiert la capacité d'accepter et de faire preuve de bienveillance envers elle-même. Contrairement à la plupart des films où le personnage parvient à s'échapper ou à surmonter sa maladie mentale, la maladie mentale est souvent chronique. L'objectif, selon elle, n'est pas de la vaincre, mais d'apprendre à l'accepter et à vivre avec. Elle partage son expérience personnelle, soulignant que ce qui l'a aidée a été d'apprendre à gérer sa vie avec ses troubles d'anxiété plutôt que de chercher à guérir ou à s'échapper. Pour atteindre cette étape, elle a d'abord accepté l'idée qu'elle avait besoin d'aide.

Dans son film, l'auteure met en lumière les défis associés à la gestion des troubles mentaux, soulignant leur impact sur les pensées auto-critiques et la difficulté d'atteindre un meilleur bien-être mental. Elle insiste sur l'importance d'apprécier les petites victoires, de se créditer, de faire preuve d'empathie envers soi-même en cas d'échec, et de favoriser une attitude bienveillante.

Les éléments fondamentaux de la narration de l'histoire n'ont pas changé, mais de petits détails ont subi plusieurs modifications pour les affiner davantage, faisant l'objet de révisions multiples afin de les améliorer. Lors des révisions du scénario, elle s'est particulièrement concentrée sur trois points principaux : la relation entre le "moi" intérieur et extérieur du personnage, la nature du rôle du personnage en tant que participant passif ou actif, et la sélection des scènes et des métaphores.

Description de l'animation

Dans le brouillon, le récit initial de cette histoire présente le moi intérieur du personnage guidant le moi extérieur lors d'un périple à travers son esprit afin de confronter ses angoisses.

Le soi intérieur finit par être cruel envers le soi extérieur en le poussant trop loin et fort afin d'apprendre la compassion envers soi-même. Cependant, l'auteure a rencontré un problème dans cette ébauche narrative, car il n'était pas très clair ce que "le soi intérieur" et "l'extérieur" représentaient, surtout qu'il y avait des moments où "le soi intérieur" semblait clairement aider l'autre, mais d'autres fois, il agissait de manière cruelle et malveillante. L'objectif de l'auteure est que le soi intérieur motive le soi extérieur.

Relation entre le Soi Intérieur et le Soi Extérieur:

L'auteur a modifié l'idée initiale pour clarifier la représentation de deux personnages, se concentrant sur le protagoniste confrontant une version d'elle-même symbolisant son anxiété. La construction du personnage d'anxiété a posé des défis, surtout au départ où il était en conflit avec le protagoniste, contrecarrant le message d'acceptation et de compassion de l'auteur. Des ajustements ont été apportés pour éviter la confusion chez les lecteurs. Au fil de l'histoire, le protagoniste surmonte les sentiments antagonistes envers l'anxiété, révélant une transformation où cette dernière devient une version effrayée et non menaçante du protagoniste. Cette modification rend la décision du protagoniste d'accepter et de montrer de la compassion envers ses propres souffrances plus compréhensible, créant ainsi une connexion plus profonde avec le public.

Participant Passif vs Actif dans la Narration:

Le changement majeur dans l'histoire s'est produit en passant de la dualité du moi intérieur et extérieur à la focalisation sur le personnage principal et son anxiété. Dans la première version, le moi intérieur guidait le moi extérieur, mais ce rôle a été abandonné, privant le personnage principal de sa plénitude d'action. Les situations anxieuses semblaient alors lui arriver sans qu'elle puisse agir. Cette absence d'initiative contredisait le message du film sur la thérapie mentale et la compassion envers soi, impliquant une participation active. Dans la version finale, le personnage fait face intentionnellement à ses angoisses, reprenant le contrôle avant de passer à la suivante. Elle s'engage activement dans le parcours de gestion de son anxiété, choisissant en fin de compte de l'accepter comme partie intégrante d'elle-même. Ce changement aligne l'histoire avec l'idée que chacun a le pouvoir de surmonter ses luttes mentales.

Sélection de scènes et métaphores:

L'auteur a conçu l'histoire avec une séquence d'événements anxieux guidant le personnage principal vers sa décision finale dans le film. Cette méthode narrative permet d'explorer plusieurs idées sans tout réécrire, s'inspirant du surréalisme où les situations s'enchaînent sans logique claire, similaire à la logique des rêves. Initialement, il y avait des images et métaphores clichées qui ont été modifiées ou retirées, notamment le concept de "spiraling".

Au commencement, plusieurs versions d'une séquence dépeignant l'anxiété de l'auteur lors de sa recherche d'emploi sont explorées. Dans l'idée d'enrichir le récit en ajoutant une source d'anxiété, elle a réalisé, après un développement approfondi, que cela devenait trop détaillé. Ces scènes spécifiques ne cadraient pas avec l'essence de l'histoire qu'elle souhaitait initialement raconter et ne s'harmonisaient pas visuellement avec les influences surréalistes présentes dans d'autres séquences.

Dans la scène finale du film, une idée initiale a été modifiée. Au départ, la protagoniste devait participer à un défilé avec des mannequins composés de morceaux de corps féminins idéalisés, agencés de manière étrange. L'auteure trouvait que cette représentation ne transmettait pas clairement le message sur l'objectification du corps féminin. Elle a donc changé les images pour mettre davantage l'accent sur le regard masculin violent et l'objectification.

Analyse de narration

Processus de conception du personnage principale

Au début, l'autrice envisageait d'utiliser un design de personnage surréaliste inspiré de l'œuvre de l'artiste Leonora Carrington, "The Giantess: Guardian of the Egg", pour en créer un modèle 3D, mais son croquis ne la satisfaisait pas. Ensuite, elle a réalisé qu'un personnage ordinaire et moderne était plus en accord avec la narration de son film. Elle souhaitait également que le personnage présente de l'asymétrie, visible dans ses cheveux, avec une longueur différente d'un côté et d'un autre, et qu'il ait un tatouage sur un seul bras. Cela donne un aspect artistique à quelqu'un qui pratique la sculpture, comme on peut le voir dans la vidéo. Le tatouage, représentant des fleurs et des vignes, symbolise la croissance, et le lotus est associé à la méditation et à la paix intérieure.

Pour la scène où le personnage est en version marionnette, la première transformation dans le film, l'autrice a souhaité conserver les mêmes détails pour que les spectateurs puissent le reconnaître facilement. Ainsi, on remarque que le personnage devient en bois et que ses vêtements sont peints. Dans la scène où le personnage se transforme en sculpture, elle a également conservé le même style de cheveux pour assurer une continuité d'une scène à l'autre. Il s'agit d'une sculpture au torse nu, avec de nombreuses fissures dans la statue en marbre, préfigurant la destruction plus substantielle à venir. La statue est représentée sans bras ni jambes pour illustrer son manque de mobilité et d'agence pour échapper au regard masculin.