Introduction
Le streetwear est aujourd’hui connu de tous, consciemment ou non, et adopté par une grande majorité des gens. Dans le monde de la mode qui est vaste, constamment changeant, innovant et riche de nombre d’identités visuelles différentes, le design graphique a une place importante, voire intrinsèque. Le streetwear, intimement lié à la culture pop/hip-hop/R&B des années 80, mais aussi à la surf culture de la côte ouest des États-Unis, puise donc son inspiration directement dans le street-art, lui-même une manifestation du design graphique. Le streetwear et le design graphique sont donc indissociables, et ne cessent de se réinventer pour séduire une nouvelle génération et faire passer des messages actuels. Cependant, est-il possible de plaire aux générations nouvelles en préservant l’identité et les revendications d’origine de ce style vestimentaire ? Est-il souhaitable mais aussi viable de le faire ?
Nous tenterons de répondre à ces questions en abordant tout d’abord l’origine et l’évolution du streetwear au travers des années, puis en nous penchant sur la richesse visuelle du style vestimentaire. Enfin, nous soulèverons les questionnements que pose le streetwear dans notre société actuelle.
Origine du streetwear
L’origine du streetwear remonte aux quartiers urbains des grandes villes américaines, plus précisément à New York dans les années 1980, mais aussi sur la côte ouest des États-Unis avec la culture californienne du surf et du skateboard. Ce mouvement vestimentaire a émergé en réaction à la mode conventionnelle et a été influencé par la culture urbaine, le hip-hop, le skateboard et le graffiti. Le streetwear a été façonné par la jeunesse rebelle qui cherchait à exprimer son individualité et à défier les normes établies.
À ses débuts, le streetwear se caractérisait par des vêtements confortables, fonctionnels et accessibles, souvent inspirés des tenues de sport. Les baskets, les sweat-shirts, les jeans et les casquettes étaient des pièces emblématiques de ce style. Des marques pionnières telles que Nike, Adidas et Converse ont joué un rôle crucial en introduisant des articles de sport dans la garde-robe quotidienne, contribuant ainsi à populariser le streetwear.
Le mouvement a également été fortement influencé par la scène hip-hop émergente à l’époque, avec des artistes tels que Run-DMC (cf. annexe 1) et Beastie Boys (cf. annexe 2) qui ont adopté un style décontracté et distinctif de la mode disco-pop très présente à cette époque. Les graffitis, une forme d’art urbain, ont également joué un rôle majeur en inspirant les motifs et les imprimés présents sur de nombreux vêtements streetwear.
Le streetwear, à son apparition, est avant tout une revendication. Comme nous l’avons évoqué précédemment, il met en avant des sous-cultures comme celle du skateboard, du surf, du street-art etc., en opposition au style très puritain de l’époque, qui les oublie complètement. Souvent associé à la jeunesse, à la musique, au sport et à la culture urbaine, le streetwear s’inspire de ces éléments culturels, créant ainsi des pièces qui résonnent avec son public cible. Cela permet aux consommateurs de se connecter émotionnellement aux vêtements, transformant chaque pièce en une déclaration de style et d’appartenance à une communauté culturelle. Cependant, plus qu’un style vestimentaire, il s’agit d’un style de vie qui représente comme son nom l’indique, « ce qui se porte sur la rue ». Le street-art fait donc partie intégrante de l’identité visuelle du streetwear, qui intègre des designs inspirés de graffitis, aussi bien dans la dynamique visuelle que dans les typographies utilisées. Au-delà d’une simple représentation visuelle, le street-art (et donc le streetwear), est souvent porteur de message. On peut penser par exemple à Banksy, dont les œuvres sont toujours parlantes et qui, jusque dans la façon dont elles sont mises en scène, véhiculent une idée. Une de ses œuvres les plus connues, La petite fille au ballon (cf. annexe 3), a par exemple été auto-détruite lors de sa vente aux enchères pour plus d’un million d’euros. La toile est passée dans une broyeuse qui était cachée dans le cadre. Il s’agit peut-être d’une simple performance artistique, mais on peut aussi y voir une protestation contre le monde élitiste de l’art ou plus particulièrement des collectionneurs d’art.
On peut également penser à Shepard Fairey, créateur de l’image aujourd’hui iconique d’André le Géant, sous-titré du mot “Obey”. À l’origine, Fairey crée des stickers avec une représentation stylisée d’André le Géant, suivi des mots “Andre the giant has a posse”(cf. annexe 4), distribués par les communautés underground de skaters et de street-artists. Il s’agit d’un sticker qui se veut ironique, parti d’une blague entre amis et d’une envie d’expérimenter, que Fairey décrit comme “une expérience en phénoménologie”. Il change ensuite de style et le slogan original disparaît, pour être remplacé par “Obey” (cf. annexe 5), donnant l’affiche symbolique du street-art que tout le monde connaît.
Ainsi, bien que l’intention originale puisse être vue comme une simple envie d’ironie de la part de l’artiste, le soutien de la part de la communauté underground qu’a gagné la campagne de Fairey, lui donne un tout nouveau sens. Aujourd’hui, Obey est devenu une marque de streetwear qui se montre engagée, appuyant encore le lien entre street-art et streetwear. Ainsi, tout comme le premier véhicule des idées, des messages, le second, qui puise son inspiration directement dans le premier, peut en véhiculer tout autant.
Au-delà d’un message politique ou d’une position d’activisme cependant, le streetwear peut aussi être une simple façon d’exprimer ce que l’on aime, ce à quoi on apporte de l’importance. On peut par exemple penser aux produits dérivés d’artistes, qui sont avant tout un moyen de montrer ce que l’on aime, mais qui utilisent aussi le design graphique et les codes du street-art.
Ainsi, de façon générale dans le streetwear, les logos, les illustrations, les slogans et les imprimés graphiques deviennent des éléments visuels clés qui, au-delà de l’esthétique, permettent aux individus de partager des messages puissants et/ou de marquer leur appartenance à une communauté. Qu’il s’agisse de messages explicites, avec des slogans engagés, ou plus subtils, jouant sur des symboles ou des motifs qui ont une signification culturelle ou historique particulière, c’est là que le design graphique a tout particulièrement une part à jouer dans le streetwear. Il permet aux marques de transmettre des messages, des idées et des valeurs au travers de visuels percutants.
En résumé, le streetwear agit comme un médium dynamique pour la libre expression, et le design graphique est au cœur de cette démarche. Cette synergie entre le streetwear et le design graphique contribue à créer une plateforme visuelle unique et accessible à tous pour communiquer des idées, des émotions et des opinions.
Diversité graphique
Le streetwear a émergé en tant que réponse à la mode conventionnelle et formelle. Il repré- sente une forme de rébellion, avec des codes vestimentaires et une attitude anticonformistes. Les jeunes ont adopté le streetwear comme moyen de rejeter les normes établies et de créer leur propre style.
Pour rappel, le streetwear naît de la culture underground influencée par un tas de cultures propres à la jeunesse et à la localité de la rue comme le hip-hop, la R&B, le graffiti, mais aussi des sports de rue comme le skateboard ou le basketball.
On peut citer par exemple Run-DMC, un groupe formé dans les années 1980 originaire du quartier d’Hollis à New York. Il s’agit d’un groupe précurseur du rap hardcore. Le groupe a popularisé les baskets Adidas et les survêtements, créant ainsi une esthétique vestimentaire associée au mouvement hip-hop (cf. annexe 6). Les paroles engagées et les styles uniques des artistes ont influencé la manière dont le streetwear est utilisé comme moyen d’expres- sion personnelle.
À notre époque de nombreux artistes de la scène Rap proposent des marques, à dif- férencier d’un merch à leur effigie. Nous pouvons parler de Yeezy (cf. annexe 7), la marque créée par Kanye West en collaboration avec Adidas, ou bien à notre échelle nationale la marque Ünkut (cf. annexe 8) du rappeur Booba.
La culture skate a apporté une esthétique rebelle au streetwear. Les marques comme Vans et Supreme ont émergé de la scène skate, intégrant des designs décontractés et des logos distinctifs. Les vêtements durables et confortables, adaptés à l’activité physique du skateboard, ont façonné le style du streetwear. On peut parler notamment des modèles de chaussures Old Skool (cf. annexe 9) et Chuck Taylor (cf. annexe 10) des marques Vans et Converse qui ont d’abord été adoptés par la culture skate avant de devenir des icônes plané- taire du streetwear, faisant partie des chaussures les plus vendues de tous les temps. En effet, ce sont des paires de chaussures qui mettent en avant de nombreuses qualités qui font sens avec leur utilisation : confort, légèreté et une liberté de mouvement.
On trouve désormais chez les marques de streetwear orienté skate telles que Volcom, Element ou bien Vans, des habits amples comme les pantalons baggy et les t-shirts oversize permettant de garder beaucoup de liberté dans le mouvement de la pratique (cf. annexe 11/12). On retrouve également au sein de ces marques des chaussures optimisées pour leur pratique (cf. annexe 13) tout en gardant l’allure emblématique des modèles qui ont fait connaître mondialement les marques.
Le streetwear tire souvent son inspiration du street art, créant une symbiose entre les deux formes d’expression artistique. Les motifs graphiques, les couleurs vives et les messages sociaux sont fréquemment utilisés dans le design streetwear. Comme présenté en amont, l’artiste Shepard Fairey crée la marque Obey Clothing en y intégrant le style street art dans ses créations, avec des designs audacieux et politiquement engagés. Par ailleurs, on retrouve de nombreuses références au street art et notamment à la pratique du graffiti dans certains visuels, comme l’ancien logo typographique (cf. annexe 14) de la marque Quiksil- ver ou même cette variante de son logo créée pour une collection récente (cf. annexe 15).
Il est à noter également que de nos jours, les stars de la NBA (National Basketball Asso- ciation) ont une place très importante dans l’industrie du streetwear et notamment des snea- kers, et cela depuis l’énorme succès qu’à eu l’association entre Michael Jordan et Nike (à l’époque une toute petite industrie largement devancé par Adidas), avec les fameuses snea- kers portant le logo du Jumpman, les Air Jordan (cf. annexe 16/17/18). Dès lors, dès qu’un joueur performe dans la grande ligue américaine de basketball, les marques proposent des contrats au stars montantes, par exemple Lebron James avec Nike (cf. annexe 19), LaMelo Ball avec Puma (cf. annexe 20) ou bien Shaquille 0’Neal avec Reebok (cf. annexe 21).
Le streetwear tire ses influences de diverses sources culturelles telles que la musique, le skateboard, le graffiti, le street art et bien d’autres. Cette diversité d’inspiration se reflète dans les motifs, les couleurs et les styles variés présents dans le streetwear créant ainsi une richesse visuelle dynamique et éclectique.
Pour rappel, les marques de streetwear fonctionnent en grande partie par collection. Lors de la sortie de ces dernières on y découvre à chaque fois des visuels différents. Ce prin- cipe permet au monde du streetwear d’être constamment dans une dynamique de création et d’innovation visuelle.
Prenons pour exemple la marque Element, une marque de streetwear créée en 1992 issue de la skate culture. Au sein des designs de la marque, on peut facilement faire une compilation
permettant d’observer la diversité graphique et notamment typographique (cf. annexe 22) avec des influences gothiques ou bien des caractères rappelant le Far West et plus précisément « l’affiche Wanted ».
Les collaborations entres marques, artistes, designers et même des personnalités célèbres contribuent à la richesse visuelle du streetwear. Ces collaborations permettent de fusionner dif- férents styles, techniques et visions créatives, donnant naissance à des collections uniques et innovantes. On y retrouve notamment des collaborations entre marques de streetwear et de luxe, comme la collaboration entre Palace skateboards et la légendaire maison de mode américaine Ralph Lauren pour créer une collection capsule qui mêle l’esthétique du skate avec l’élégance classique de Ralph Lauren. La collection comprenait des pièces telles que des pulls, des chemises à col boutonné et des casquettes, avec des détails distinctifs des deux marques.
En somme, la richesse visuelle du streetwear découle de sa capacité à puiser dans une multitude d’influences culturelles, à offrir une plateforme de liberté d’expression, à favoriser les collaborations créatives, à intégrer l’art et le graphisme, et à innover dans les matériaux et les techniques. C’est cette combinaison d’éléments qui rend le streetwear si visuellement riche, diversifié et fascinant.
Evolution et enjeux actuels
Aujourd’hui le streetwear s’est tant démocratisé qu’il est plus ou moins partout. Un style vesti- mentaire qui se voulait représentant de l’underground, est devenu le représentant des masses. On pourrait célébrer le gain de popularité du streetwear, mais aussi se poser la question : qu’en est-il devenu des valeurs de l’underground ? Est-ce que le message d’origine fait toujours sens alors que la majorité même qui rejetait le streetwear à l’époque de sa création, s’en est aujourd’hui emparé ?
Comme nous avons pu le voir plus tôt avec Palace et Ralph Lauren, le streetwear et les marques de luxe s’ouvrent aujourd’hui à des collaborations, mêlant respectivement leurs styles. Les minorités ne sont donc plus les seuls visés par les marques de streetwear. Le public s’étend avec les marques, qui se réinventent. Cela permet de créer des collections riches visuellement, mais qui éloigne également le streetwear de son public d’origine, et donc de ses propres origines.
Malgré cela, le streetwear continue d’être engagé. On peut évoquer ici la volonté de marques comme Element ou Obey d’être engagé pour défendre différentes causes. Obey par exemple a une page entière sur le site de la marque dédiée à la sensibilisation. Notamment avec des programmes de sensibilisation abordant des sujets tels que l’éducation et/ou l’apprentissage de l’art et la musique au sein de pays en manque d’infrastructures. C’est donc avec la fondation Playing For Change (cf. annexe 23) que la marque Obey à décidé de s’associer mais le domaine d’action de sensibilisation de la marque ne s’arrête pas là. On pourrait notamment citer leur présence dans la cause LGTQIA+ et le combat contre le cancer du sein en soutenant Lindsey Schaffer (cf. annexe 24) une figure importante du skate et de la cause, atteinte d’un cancer de phase avancé. Obey a donc créé une collection dont 10 % des revenus sont versés à l’association SU2C (Stand Up To Cancer). On observe une nouvelle dynamique entre l’acheteur et sa façon de consommer. En effet, au-delà de la simple esthétique du vêtement entre en jeu le soutien plus ou moins indirect à une association. Le fait de soutenir une bonne action peut renforcer le client dans son choix. Il est également possible d’évoquer Element et Quiksilver, deux marques qui proposent des solutions au problème grandissant de la dégradation de notre environnement naturel. Element, reverse 1 % de la totalité des revenus de la marque à différentes associations qui prônent l’écologie, comme WeForest (cf. annexe 25). Quant à la marque Quicksilver (cf. annexe 26), ils tendent récemment vers une production plus écologique, en proposant des vêtements faits en co- ton biologique ou bien en fibres recyclées. Ils équipent donc les vêtements de la mention « made better » pour en notifier l’acheteur et ainsi répondre à la demande d’un public sensible à la cause écologique.
Dans un monde où la fast-fashion prend de plus en plus de place sur le marché du textile de façon générale, il devient de plus en plus difficile de faire subsister les valeurs sur lesquels le streetwear s’est construit. Le système commercial actuel, régi par le succès des collections et l’argent rapporté à la marque, fait que le coût de production des articles se doit d’être le moins onéreux possible. Cette production, pour qu’elle soit peu coûteuse, fait souvent l’impasse sur les questions d’éthique (employer des travailleurs payés correctement et qui travaillent dans de bonnes conditions) et environnementales (utiliser des matériaux durables, recyclés, locaux, proposer des solutions alternatives, etc.)
La tâche complexe du consommateur, repose donc sur la nécessité d’une clairvoyance, c’est à dire différencier les marques qui ont un réel souhait de réfléchir à une façon de produire différemment, et celles qui font usage de greenwashing (méthode de marketing qui consiste à utiliser un argument écologique auprès de ses clients, en cachant une réalité toute autre). Malheureusement, les marques aujourd’hui, selon le modèle économique actuel, se voient contraintes pour le succès de la marque, de sacrifier la qualité de leurs produits et/ou d’utiliser de la main d’œuvre peu coûteuse afin de faire baisser les prix de leurs articles. C’est d’ailleurs en profitant de ce modèle là que des marques d’ultra fast-fashion comme Shein ou Primark connaissent un tel succès. Il devient donc difficile, avec un revenu moyen de se permettre d’être consommateur de marques qui mettent réellement en avant les artisans locaux et la qualité de leurs produits, le tout en accord avec le respect de l’environnement.
Conclusion
À son apparition, le streetwear se voulait être un mouvement de contre courant, un style vestimentaire peu coûteux, fait pour la majorité, voulant contrecarrer la mode voyante de l’époque. Le streetwear a donc puisé ses sources dans celle dont il porte le nom ; la rue. À l’époque appartenant plutôt aux classes défavorisées, le streetwear est aujourd’hui très présent, majoritairement chez les générations plus jeunes. Les logos de marques comme Stüssy, Supreme ou Obey sont aujourd’hui des « incontournables » du monde de la mode et de la pop culture. Parce qu’il est devenu plus mainstream, ce style vestimentaire a considérablement évolué, et le marché avec lui. Les vêtements sont plus coûteux, ne sont plus nécessairement inspirés de cette esthétique « do-it-yourself », car de plus en plus de marques proposent du prêt à porter en streetwear. Alors, ce style vestimentaire qui se voulait à la base un mouvement de contre-culture aujourd’hui mainstream, semble être une contradiction. Malgré cette idéologie originale qui semble avoir changé, le streetwear reste un moyen d’expression et de revendication, et le design graphique y joue énormément. En proposant des collections autour de la protection de l’environnement par exemple, les marques continuent de faire passer un message. Mais à l’ère du greenwashing et de la fast-fashion, jusqu’où vont les marques pour soutenir le message qu’elles semblent vouloir faire passer ?
Annexes
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