Corpus de film
Affiches en composition triangle























































Avant d’entamer notre analyse, il convient de souligner que les informations présentes dans ce documents sont le fruit d’une analyse formelle ne prétendant pas à l’exhaustivité, s’appuyant principalement sur une étude de Daniel Bô publiée en 2000, de rapports du CNC et d’un corpus de quatre-vingt-cinq affiches de films. Le corpus a été constitué en sélectionnant des affiches correspondantes à notre sujet d’étude à partir de listes des meilleurs films de fiction par année, avec donc une dominance des films américains. À noter qu’il existe plusieurs versions des affiches pour chaque films, toutes ne présentent pas les caractéristiques présentées plus haut. Cette sélection se trouve être principalement axées sur ces quinze dernières années et le but n’est pas de porter des jugements de valeurs sur les films dont on analyse les affiches.
Si l’on vous demande de deviner un film en décrivant son affiche, vous avez déjà certains films en tête. Si l’on précise que sur cette affiche les visages des différents personnages sont mis en avant par des effets de fondu, vous commencez à vous concentrer parce que vous avez bien l’intention de trouver ce film. Afin de vous aider on vous décrit un peu plus cette affiche : En dessous des personnages se dessine le paysage emblématique du film qui lui donne toute son atmosphère. Vous vous approchez de la solution, vous le sentez. Voici un dernier indice : le titre est placé sur la partie inférieure de l’affiche et il y a une volonté de représenter le film par le choix du caractère typographique. Toujours pas ? Vous vous rendez compte qu’il y a de nombreuses affiches de films qui correspondent à cette description dont de grosses licences telles que : Le Seigneur des Anneaux [1]Affiche du film Le Seigneur des Anneaux: La Communauté de L’Anneau., Avengers : Infinity War [2]
Affiche du film Avengers: Infinity War., Star Wars : Rogue One [3]
Affiche du film Rogue One: A Star Wars Movie., Indiana Jones et le Cadran de la destinée [4]
Affiche du film Indiana Jones et le Cadran de la destinée. ou encore Harry Potter à l’École des Sorciers [5]
Affiche du film Harry Potter à l’école des sorciers..
Lors de la recherche d’un film à regarder au cinéma ou sur un site de streaming, nous sommes accueillis par un défilé d’affiches de films, chacune cherchant à captiver notre attention, voulant se démarquer. Or, l’on peut rapidement se rendre compte que de nombreuses affiches jouent avec les mêmes codes et finissent par se ressembler.
Une affiche est un outil de communication graphique qui se sert de différents éléments comme la typographie, les couleurs ou la composition pour délivrer son message. En l’occurrence, les affiches de films ont pour objectif de faire la promotion de ce dernier, habituellement en donnant un aperçu de l’atmosphère générale ou de l’histoire mais aussi en donnant à voir les « têtes d’affiches ».
Ici, nous allons nous concentrer sur une analyse d’une tendance au sein des affiches de cinéma contemporaines. Cette tendance se distingue par la mise en avant d’un ensemble de personnages par un photomontage et l’utilisation restreinte de compositions.
Notre interrogation portera sur les raisons du choix de ces affiches standardisées et de comment leur utilisation systématique peut nuire aux différents acteur.ice.s de ce medium de communication graphique.
Tout d’abord, ce travail précisera les principes de ces affiches qui présentent un florilège de comédien.ne.s, puis d’identifier les motifs de l’utilisation excessive de cette stratégie commerciale, avant d’envisager les conséquences de cette pratique sur les différents acteur.ice.s
Si la mise en avant des personnages pour promouvoir un film a toujours été présente, on peut remarquer une nette augmentation, pour ne pas dire saturation, de leur utilisation dans le paysage cinématographique. Dans ce travail, nous ne nous attarderons uniquement sur certaines composantes de l’affiche qui sont pertinentes pour cette analyse.
C’est la raison pour laquelle nous ne nous développerons par plus sur le choix de caractère typographique ni sur le choix des couleurs qui suivent les codes pré-établis de la communication autour du cinéma. Ces dernières années, on remarque qu’un modèle précis d’affiches se dégage qui peut se présenter de cette façon.
L’élément qui attire en premier lieu l’attention du regardeur est sans doute la composition. En effet la disposition des différents composant de l’affiche permet d’indiquer des informations et de diriger le regard. On parlera ici de la composition des différent personnages au sein de l’affiche. Cette composition est généralement réalisé par la manipulation du photomontage des photographies de ces personnages. Le photomontage va être principalement fait à l’aide des outils numériques en détourant et fondant les bords avec les autres éléments graphiques.
On peut distinguer trois compositions dominantes qu’on peut nommer ainsi : la pyramide, la diagonale et la dichotomie. On peut déjà dire que passer par des formes géométriques courantes permet une facilité de lecture et un attrait immédiat puisque le regardeur à l’habitude de lire ces formes.
La composition de la pyramide par de la base du triangle inversé ou non pour présenter les acteurs.ices. Assurément la plus commune, elle permet d’avoir une vision d’ensemble des personnages et guide de manière instinctive les yeux du regardeur. Elle pose aussi une hiérarchie des protagonistes et rassure de sa forme stable et courante.
Prenons l’exemple de l’affiche de Spider Man: Far From Home [6]Affiche du film Spider Man: Far From Home. réalisé par John Watts et sorti en 2019. Si le travail sur le générique du film est bien documenté, les informations concernant la création de l’affiche sont plus réservés comme pour de nombreux films contemporains. Quoi qu’il en soit, notre intérêt est porté sur le produit final. On peut voir sur cette affiche six personnages placés en pyramide inversé.
Le protagoniste principal est centré sur la partie supérieure de l’affiche, encadré par l’antagoniste et une figure d’appui. Juste en dessous, on retrouve deux personnages secondaires, la figure « romantique » et une autre figure d’appui. Tout en bas de la pyramide se trouve un autre antagoniste qui interagi avec le décors et se fait éclipser par les autres éléments. Cette composition permet d’établir une hiérarchie.
Bien que cette pyramide est inversée, il y a l’impression générale d’une composition triangulaire classique qui est renforcée par les deux triangles vert et les monuments britanniques placés des deux côtés et en dessous des personnages qui les encadrent donc. Cette composition, ajoutée aux autres éléments comme la symbolique des couleurs, les valeurs, les échelles et la typographie guident le regard du spectateur du haut vers le bas.
Si la composition en pyramide est stable, la composition en diagonale crée un certain déséquilibre. Elle permet de scinder l’affiche en deux de manière dynamique et d’avoir une grande figure et de placer de nombreux personnages à la fois. Elle peut aussi être utilisée pour séparer les éléments graphiques du texte.
L’affiche de Mission impossible : Dead Reckoning, partie 1 [7]Affiche du film Mission impossible: Dead Reckoning, partie 1. réalisé par Christopher McQuarrie, sorti en 2023 est un bon exemple. En effet on peut y voir un ensemble de neuf personnages qui sont combiné le long d’une ligne comme un bandeau. Pour renforcer cette diagonale, on peut constater que l’épaule du personnage principal fait la continuité de cette ligne bleue. Pour appuyer sur le dynamisme on a les éléments textuels qui s’alignent eux aussi sur cette forme qui découpe l’affiche.
Tout les personnages ne sont pas en mouvement et pourtant il y a une impression de dynamisme exprimé par la disposition des personnages et la diagonale qui les encadre et font de ces éléments distincts une masse mouvante.
Enfin, l’on peut observer une troisième composition qui caractérise ces affiches. La dichotomie, le duel, la séparation de l’affiche est souvent employée pour mettre en image l’opposition entre deux éléments, en général le bien et le mal, l’eau et le feu ou encore le ciel et la terre.
L’affiche de Star Wars : Le Réveil de la Force [8]Affiche du film Star Wars : Le Réveil de la Force. réalisé par Jeffrey Jacob Abrams en 2015 reste un exemple flagrant. Même si l’on est tenté d’être déconcentré par les sabre lasers qui forment un triangle, on voit assez bien la division centrale.
En effet on a pour la plupart des personnages une formation en pyramide avec du côté gauche la figure de l’antagoniste et du côté droit une figure de soutien. La ligne centrale n’est pas visible, elle est surtout démarquée par le changement drastique de couleurs. Deux camps sont opposés, on parle d’une guerre avec toutes les armes, les vaisseaux et les soldats de l’espace présents sur l’affiche. La composition renforce cette idée en gardant l’équilibre et en nous montrant toujours une grosse partie du casting.
Si l’on a pu dégager des types de composition, il arrive de trouver des assemblages entre ces derniers. On peut aussi faire le lien entre les effets de ces compositions.
En effet on remarque que ces affiches de film se lisent de haut en bas, le titre bien en évidence en bas d’affiche comme pour la ponctuer. Ensuite on se rends compte qu’on entre directement par l’image, plus que l’image, c’est le visage du personnage et de l’acteur.ice principal.e qui parle avant le titre.
Enfin on peut voir que le photomontage permet de jouer avec les échelles pour donner à voir les dynamiques de personnages. Ces différents procédés, associés à la présence des paysages, des couleurs, de la typographie, du choix des différents caractères typographiques permettent de donner l’atmosphère du film, voire de donner des indices sur le déroulé de l’histoire afin d’attirer le public à visionner le dit film. Ce sont tout ces éléments qui caractérisent ce, pas si nouveau, type d’affiche qui s’étend sur l’ensemble des genres de films de fictions.
On peut ainsi se demander pourquoi est-ce que cette stratégie est actuellement la solution la plus courante pour la distribution cinématographique.
La création d’une affiche est un processus précipité, en général délaissé jusqu’au dernier moment. Ce sont les distributeurs qui encadrent le processus de « distribution » du film c’est-à-dire sa promotion au grand public.
L’intérêt étant de rendre le film le plus attractif possible dans l’océan de films qui se disputent la place sur les programmations chaque semaines. Avec plus de trois cent sorties inédites par an, il devient de plus en plus compliqué de se démarquer. En effet, selon des chiffres communiqués en 2019 par le CNC, on assiste à une augmentation de 16 % de sorties de films depuis 2009.
C’est pourquoi les distributeurs cherchent la façon la plus économique et efficace de vendre les films dont ils ont la charge. Pour se faire, ils vont avoir recours à toutes sortes de stratégies commerciales dont l’affiche de cinéma qui est l’une des premières images que l’on voit d’un film avant de potentiellement devenir la jaquette DVD par la suite. Si le type d’affiche que l’on à décrit plus tôt semble monopoliser une partie du marché, on peut se demander les raisons qui poussent les distributeurs à opter pour cette option.
Comme mentionné antérieurement, l’affiche est l’un des dernier éléments à être réalisé, environ un mois avant la sortie en salle du film. Réalisées dans la hâte ces dernières se doivent aussi d’être peu coûteuse. À savoir qu’en France en 2019, sur une moyenne de 4,98 millions d’euros dépensés pour la réalisation d’un film (toujours selon une étude du CNC) seulement 0,1 % est dédié à l’ensemble de la publicité.
Il est dans l’intérêt des distributeurs de dépenser le moins possible, le recours à la photographie est donc favorisé. Le processus de création d’affiche se sert de plusieurs photographies prises par les photographes de plateau afin de les combiner via les outils numériques. On joue sur l’opacité et des fondus pour homogénéiser l’amalgame d’acteur.ice.s et de potentiel décors.
Enfin on vient ajouter des effets de textures ainsi que les éléments de typographie pour compléter. L’affiche d’Avengers:Endgame [9]Affiche du film Avengers: Endgame. réalisé par Anthony et Joe Russo en 2019 est un autre exemple.
Les corps des nombreux personnages sont fondus dans le fond et mis en valeurs grâce à un contour lumineux. Les couleurs ont été remanié pour donner un rendu plus uniforme. Ces objets de design demandent évidemment beaucoup de travail, c’est leur recours abusif qui est ici questionné. Se servir des photographies de plateau de cette façon permet de gagner du temps sur le façonnage des composition, il est plus rapide est plus simple de faire de nombreux changements de dernière minute justement.
Si l’on veut gagner du temps lors du processus de création des affiches, les distributeurs misent également sur l’efficacité, et quoi de plus efficace que de mettre en avant le casting dans lequel on a beaucoup investi.
L’une des approches que l’on peut choisir pour vendre un film peut être d’avoir une histoire poignante, des décors dépaysants, des costumes détaillés ou encore une liste de têtes d’affiches. Montrer les étoiles montantes du moment, les habitués de la caméra et, bien sûr, les plus grandes vedettes du cinéma, permet de créer un lien direct avec le public. Les visages font vendre car on s’identifie plus facilement, c’est la première chose que l’on voit dans l’affiche.
Ces grandes images font appel à la partie mécanique du specatateur.trice qui à l’habitude, encore une fois, de lire des images tant il.elle.s y sont confronté.e.s. Reconnaître un.e comédien
Peut être qu’un.e passioné.e de cinéma poursuit le but de visionner l’entièreté de la filmographie d’un.e acteur.trice particulier.ère. Peut importe la raison, quand il s’agit de payer une place de cinéma, les specateur.trice.s peuvent devenir frileux.ses et indécis.ses à l’idée de choisir le film qu’il.elle.s iront voir.
C’est la méthode qu’a employé l’affiche de Kingsman : Services Secrets [10]Affiche du film Kingsman : Services Secrets. réalisé par Matthew Vaughn en 2014.
Effectivement, on voit que l’affiche met en avant six acteur.trice.s dont quatre qui ont déjà une carrière prolifique. Le public connaît le visage de ces acteurs. La première chose que l’on lit sur l’affiche sont les noms de Colin Firth, Samuel L. Jackson et Michael Caine, ils sont au sommet de l’affiche et sont les plus grands visages présentés aux côtés du jeune second rôle Taron Egerton.
Si montrer les têtes d’affiches permet de mettre en confiance les spectateur.trice.s, les distributeurs ont eux aussi le besoin d’être rassurés dans leur investissement.
C’est la raison pour laquelle ce style d’affiche est favorisé, ce sont des affiches qui ont déjà fait leur preuve. Il n’est pas toujours facile de présenter de nombreux personnages dans l’espace restreint d’une affiche, la méthode du photomontage reste l’une des plus efficace.
C’est une méthode qui est principalement utilisée pour des affiches de films d’aventures qui comportent de nombreux personnages. Nous allons ici faire une comparaison entre deux affiches. Ces dernières n’ont pas de liens direct dans la mesure où les personnes qui se sont occupées de faire l’affiche du film contemporain ne se sont pas forcément basés sur cette affiche particulière de western. Il est ici question de faire des allers-retours entre deux époques pour démontrer que les modèles d’affiches se répètent, que ce phénomène est loin d’être récent et n’est pas uniquement présent depuis cette dernière décennie.
Au premier coup d’oeil, les affiches de L’Homme qui Voulu Être Roi [11]Affiche du film L’Homme qui Voulu Être Roi. réalisé par John Huston en 1975 et Valérian et la Cité des Milles Planètes [12]
Affiche du film Valérian et la Cité des Milles Planètes. réalisé par Luc Besson en 2017 partagent des similitudes.
On peut tout d’abord constater la présence du triangle inversé qui contient l’image dont l’amalgame de visages. Ce triangle formé par la réserve du blanc guide le regard vers les éléments textuels. On remarque une première différence : sur l’affiche de L’Homme qui Voulu Être Roi, ce sont les noms des acteurs principaux qui ressortent en premier, suivi du titre.
En revanche, pour Valérian et la Cité des Milles Planètes, c’est le titre qui est directement mis en avant puisque c’est le texte avec le plus grand corps et qu’il a un traitement qui se rapproche plus de l’illustration. L’autre différence majeure étant le traitement de l’image, la première utilisant l’illustration, la seconde la photographie.
Pourtant, les mêmes composantes y sont présentes. Le duo de personnages principaux se retrouve en grand portrait fondu dans le fond de l’image, sur l’affiche la plus récente on remarque plus de visages mis en avant. On retrouve des éléments du décors sous les acteurs.trices et en bas de la composition se trouvent un groupe de personnages à plus petite échelle.
Dans l’ensemble de l’affiche l’on retrouve les mêmes composantes disposées dans un ordre similaire : l’image/illustration au sommet suivie des noms des têtes d’affiches, en suivant le titre qui possède un traitement différents des autres éléments textuels en enfin le paragraphe contenant le détail de la production.
En définitive, on peut observer que la structure générale de l’affiche n’a pas vraiment changé en plus de quarante ans et c’est ce que recherchent les distributeurs.
Pourquoi changer une stratégie commerciale qui a déjà fait ses preuves ? Comme cette structure d’affiche est souvent adoptée pour des blockbusters, américains ou non, ou des films d’aventures, des films qui possèdent des budgets assez conséquents en général, assez pour se payer des gros castings, cette structure d’affiche devient gage d’un certain type de film.
Bien que « gros casting et gros budget » ne rime pas systématiquement avec grande qualité en termes de film, ce sont des éléments qui rassurent dans la mesure où se sont des œuvres qui sont attendues. On peut souhaiter de voir des films qui sont impressionnants visuellement, avec nos acteurs.trices préférés, peut être remplis d’actions, de fantaisie ou de science-fiction.
Ces films sont la promesses de nouveaux univers, de divertissement et de grand dépaysement. Ces affiches restent un bon indicateur envers la.e spectateur.trice pour ce genre de promesses cinématographiques.
Bon indicateur certes, mais l’on peut se demander quels sont les effets du monopole d’un type d’affiche.
Puisqu’on l’a vu, ce type d’affiche est très présent dans le paysage visuel. On remarque qu’elle font désormais partie d’une norme concernant la conception d’affiche. Son usage est renforcé puisque c’est une solution de sûreté pour les distributeurs qui souhaitent mettre les spectateur.trice.s en confiance pour aller visionner leurs films.
Comme l’a écrit le graphiste américain Paul Rand dans « Design et image de marque » en 1987: « Ils [les entrepreneurs] préfèrent se consacrer à des marchés existants plutôt que de prendre le risque d’en développer de nouveaux ».
L’on peut donc se demander si l’utilisation abusive de ces affiches n’est-elle pas problématique ?
Comme précisé plus haut, on assiste des cinq dernières années à une saturation des affiches qui présentent des agglomérats d’acteur.ice.s qui regardent souvent ailleurs dans des montages parfois grossiers, si bien qu’on fini par ne plus différencier les films Effectivement, les affiches partagent de nombreuses similitudes, qu’il peut devenir difficile de les différencier.
Prenons l’exemple des affiches d’Uncharted [13]Affiche du film Uncharted. réalisé par Ruben Fleischer en 2022 et la mini-série Apple+ Master of the Air [14]
Affiche du film Master of the Air. réalisée par Cari Joji Fukunaga depuis 2024.
Ces deux affiches présentent un agrégat des différents personnages dont l’échelle régresse à mesure que le regard parcourt l’image. Cette masse de visages flotte dans les airs et leur démarcation se fond dans les nuages. Vers le bas de l’affiche on y trouve un des paysages du film avec des personnages à la même échelle, le tout au niveau du titre et des autres informations. C’est la ligne d’horizon qui vient faire la démarcation entre ces deux éléments.
On pourrait penser que si ces deux affiches se servent des mêmes codes et qu’elles se ressemblent c’est parce qu’elles partagent des thèmes et histoires similaires. Et bien ce n’est pas vraiment le cas puisque la première est une adaptation du jeu vidéo d’aventure éponyme et l’autre basées sur des faits historiques, les deux se passant dans des périodes historiques différentes.
Pourtant en y regardant vite, on pourrait les confondre, et c’est aussi de ça dont il est question lorsque l’on fait une affiche, d’être reconnue au premier coup d’œil. Or, l’on peut apercevoir ce type d’affiche pour de nombreux long métrages, on observe une saturation visuelle.
L’affiche de film suit des codes bien précis et établis depuis le début, l’utilisation des couleurs chaudes pour les films d’aventures ou le choix des fonds noirs pour les thrillers, les fonds blanc pour les comédies comme l’explique Daniel Bô dans « Étude sur les titres, affiches et bandes-annonces de films ».
Néanmoins, il semble important de rester conscient du formatage de l’affiche et de laisser place à de nouvelles idées graphiques. Plus haut on faisait état du manque de temps et de la hâte pour réaliser des affiches de cinéma. Bien que dans une situation précaire, les affichistes et graphistes ne font pas simplement des affiches formatée mais proposent aussi d’autres idées et solutions qui sont laissées de côté. Avec autant de ressemblances entre différentes œuvres cinématographiques, il n’est pas rare d’avoir l’impression que tel nouveauté est déjà sortie car elle ressemble à une autre affiche.
Désormais, le public connaît par cœur ces affiches qui ne se démarquent plus et sont banalisées au regard des specateur.trice.s.
En plus de devenir banales, ces affiches donnent de nombreuses clés de compréhension pour le public. Ce dernier sait à quoi s’attendre juste en jetant un coup d’œil à l’affiche qui lui indique la.e protagoniste, l’antagoniste, les adjuvants, la personne romantisée, l’époque, le lieu ou encore le type d’histoire.
On peut prendre pour exemple d’affiche d’Iron Man 2 [15]Affiche du film Iron Man 2. réalisé par Jon Favreau en 2010. On peut y voir sept personnages différent, dont deux fois le protagoniste sous différentes formes. Deux androïdes surplombent la composition: celui qui diffuse une lueur rouge est l’antagoniste tandis que celui qui diffuse la lumière bleue est le protagoniste.
C’est le second opus, nous savons que c’est un film de super-héro, néanmoins on sait que ce film va tourner autour d’un duel à puissance équivalente puisque les deux armures robotiques sont mises en opposition (Iron man est le personnage le plus grand car c’est le personnage sont il est question dans le film). On peut y voir un jeu de miroir avec les personnages de Tony Stark (Robert Downey Jr.) et de James Rhodes (Don Cheadle), respectivement les hommes dans les armures robotiques. Qui débutent en tant qu’amis avant de se livrer au combat final, le personnage menaçant en bas de l’affiche n’étant qu’un leurre d’antagoniste principal.
On retrouve également le personnage de Pepper (Gwyneth Paltrow) mis en opposition avec celui de Natasha Romanoff (Scarlett Johansson) qui sera présentée comme rivale amoureuse au tout début du film.
En effet, ce premier personnage se trouve éloigné du protagoniste en comparaison avec ce second personnage. Ensuite, la piste de formule 1 qui fait partie du début du film est déjà présentée sur l’affiche avec une grosse explosion en son centre. Dans l’ensemble, l’affiche tente de guider le public vers des fausses pistes tout en gardant l’essence de ce que représente la franchise Iron Man. On est en droit de se demander la pertinence de montrer autant de personnages ou encore cette grande explosion pour rappeler que c’est un film remplis d’actions et de rebondissements.
On voit qu’il y a un grand manque de subtilité et une volonté de montrer beaucoup d’éléments pour donner envie au plus grand nombre de voir le film. Il y a peu de place laissée au mystère et à l’imagination puisqu’on nous montre déjà toutes les cartes du film, il ne suffira plus qu’à les mettre dans le bon ordre lors du visionnage et on aura l’histoire avant la fin. La.e spectateur.trice n’a pas d’autonomie de compréhension, le travail étant déjà prémâché.
Si ces affiches manquent souvent de subtilité elle peuvent parfois être très loin de l’essence du film. De la même manière que les récentes bandes-annonces, ces affiches souhaitent mettre en avant les meilleurs éléments, ceux qui vont le plus intriguer et donner envie de visionner le film.
Néanmoins, les « meilleurs » éléments ne sont pas toujours les plus pertinents. On peut s’accorder de dire que pour des films qui tournent autour d’un ensemble de protagonistes de manière plus ou moins égale comme les films des Avengers par exemple, il existe une logique à tous.tes les représenter sur l’affiche. Cependant pour d’autres films, il n’est pas nécessaire de montrer un grand nombre de personnages.
Nous pouvons prendre l’exemple de Babylon [16]Affiche du film Babylon. réalisé par Damien Chazelle en 2022. Dans cette affiche nous est présenté sept personnages aggloméré à l’aides de fondus au milieu de collages de différents endroits de la salle où se passe la première soirée festive du film, suivi du titre et des informations parallèles. Au sommet comme d’habitude, le nom des principaux acteur.trice.s.
Ce film, qui se passe dans les années 20, présente le passage du film muet au parlant et s’étale sur plusieurs années nous offrant de nombreux figurants et personnages qui ne resteront que pour une partie du film qui dure plus de trois heures. Dans ce laps de temps, seulement trois personnages restent au centre de l’histoire et restent présent.
On peut se demander à quel point il est pertinent de donner à voir quelques personnages secondaires qui ne resteront pas pour toute la durée du film mais qui auront des apparitions plus ponctuelles. Par exemple, le personnage qu’incarne Tobey Maguire a grandement été mis en avant dans la bande annonce, un peu moins dans l’affiche mais tout de même, alors qu’il n’apparaît que très tard (au moins une heure est demie après le début du film) et reste un antagoniste de passage assez court. La présence de l’acteur se rapproche plus du caméo que d’un rôle d’une certaine importance comme le présentait l’affiche.
Ainsi, les indices mis en avant dans ce types d’affiche ne sont pas forcément les plus pertinent et disent parfois plus que le film lui-même.
Pour conclure, cette analyse de la banalisation des affiches de films qui mettent en avant les têtes des commédien.ienne.s nous à permis de mieux appréhender les enjeux qui entoure cette pratique abusive.
Nous avons d’abord examiné les principes qui caractérisent ces affiches, mettant en évidence les différentes compositions qui contribuent à une mise en avant des acteur.trice.s. Par la suite, nous avons exploré les motivations qui sous-tendent l’application de ce type d’affiche, notamment son efficacité en termes de réalisation et de lecture, sa volonté d’attirer les spactateur.trice.s et ses résultats qui se sont avérés probants par le passé. Cependant, on a pu aussi voir les problématiques soulevés par leur utilisation abusive. En premier lieu, nous avons souligné nature banale, leur manque de subtilité et parfois leur incapacité à représenter de manière fidèle le film qu’elles sont censées promouvoir.
Ces conséquences mettent en lumière les limites d’une pratique qui peut paraître efficace sur le plan commercial mais qui peut aussi nuire au message que l’on veut transmettre.
En définitive, il apparaît que mettre en avant un grand nombre de personnages dans les affiches de films de fiction contemporains représente un compromis délicat entre stratégie commerciale et standardisation visuelle. Tout compte fait on assiste à un défilé d’affiches impersonnelles, prévisibles et banales. C’est la raison pour laquelle on se retrouve avec de nombreuses versions d’affiches officielles et non-officielles réalisées par des fans qui souhaitent donner une affiche qui reflètent l’essence de leur films préférés qui possèdent une identité propre.
On peut aussi se demander s’il n’y a pas d’autres façons de voir l’affiche de cinéma et de concilier de façon plus harmonieuse les enjeux commerciaux et l’inventivité graphique.
Affiches en composition triangle
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