L’influence culturelle du design des timbres

Comment les timbres-poste contribuent-ils à la diffusion de l’art, de la littérature et de la culture populaire en France?

Introduction

Les timbres-poste, ces modestes rectangles de papier, ont un pouvoir singulier : ils incarnent la quintessence du courrier, mais, paradoxalement, transcendent leur utilité première pour devenir des vecteurs de la culture, de l’art et de la littérature. Les timbres-poste, au-delà de leur fonction utilitaire, possèdent une incroyable force culturelle. Ils reflètent les valeurs, l’histoire et l’identité d’un pays, tout en servant de vitrines pour l’art, la littérature et la culture populaire. Cette étude vise à explorer comment les timbres-poste ont contribué à la diffusion de l’art, de la littérature et de la culture populaire à travers le monde.

Problématique

La problématique qui nous préoccupe consiste à analyser de manière approfondie l’influence culturelle du design des timbres-poste. Comment les timbres-poste, en tant que médium visuel accessible à un public mondial, ont-ils contribué à la diffusion de l’art, de la littérature et de la culture populaire en France et à travers le monde ? Pour répondre à cette question, nous devons examiner les multiples facettes du design des timbres, explorer les choix artistiques, analyser les messages qu’ils véhiculent et comprendre leur impact sur la perception culturelle à travers l’histoire.

La naissance du Timbre

Le 6 mai 1840 en Angleterre, le premier timbre voit le jour et connait un succès retentissant, de sa création à sa fabrication, une immersion dans l’univers d’un objet devenu incontournable… Son créateur, Sir Rowland Hill, haut fonctionnaire de Sa Gracieuse Majesté et Directeur des Postes, eut l’idée en voyant sa domestique refuser la réception d’une lettre au postier. (Il faut savoir qu’à l’époque, le règlement de la taxe de transport du courrier incombait au destinataire.) Le refus de la missive servait aux fiancées dont le bien aimée était sur le champ de bataille. Le but était d’avoir un signe de son/sa bien-aimé sans avoir à payer la taxe de transport.

Comme cette méthode était courante, Sir Rowland Hill eut donc l’idée d’inverser le système : faire payer l’expéditeur grâce à une vignette collée sur la lettre.

Dès leur création, les timbres ont été conçus comme des estampes en miniature, mettant en valeur le geste artistique à travers le travail de dessinateurs et de graveurs. Le processus de création accorde une place centrale à l’intervention artistique, avec des artistes spécialisés dans divers domaines tels que le portrait, la nature morte, le paysage, et le monument. A sa création, la technique utilisée est la taille-douce. Elle a été sélectionnée malgré son coût élevé, car la finesse des gravures rend les reproductions exactes des timbres en taille-douce. En France, l’utilisation taille-douce a débuté en 1928 pour les timbres grand-format de la Caisse d’amortissement, puis a été étendu à ceux de la série touristique de 1930–31.

L’art sur timbres-poste (Période : Fin du 19e siècle – début du 20e siècle)

À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, de nombreux pays ont commencé à utiliser des timbres-poste pour présenter des œuvres d’art célèbres. En 1840, le Royaume-Uni a émis le premier timbre-poste de l’histoire, illustré par le visage de profil de la reine Victoria, le « Penny Black, » conçu par l’artiste britannique Sir Edward Burne-Jones. Cela a inauguré l’ère de la philatélie car la particularité du Penny Black. En effet, chaque timbre comporte les coordonnées de son emplacement attitré sur la feuille d’impression. Imprimées ces lettres, imprimées dans les coins du timbre permettent aux collectionneurs de timbres (philatelistes) de reconstituer les feuilles complètes. D’autres pays ont rapidement suivi, affichant des personnalités politiques, mettant en lumière le patrimoine des pays émetteurs et favorisant la reconnaissance internationale de leurs puissances militaires.

La France comme d’autre pays a choisi un aspect symbolique pour leur premier timbre-poste. Le premier timbre français naîtra quant à lui sous Louis-Napoléon Bonaparte, à la révolution de 1848. La Deuxième République a choisi le « Cérès noir », à l’image de la déesse antique de l’agriculture, de la fécondité et des moissons pour porter l’effigie de la République à l’inverse de son « frère Britannique », le Penny Black, qui était au profil de la reine Victoria pour symboliser la Royauté. Il sera utilisé à partir du 1er janvier 1849 jusqu’en 1876. Il est signé du graveur général des monnaies Jean-Jacques Barre. Ce dernier a été graveur général à la Monnaie de Paris de 1842 à 1855 . Il a été chargé du dessin et de la gravure des billets de 500 et 1000 francs sous la Seconde République. En 1848, il crée la matrice pour le nouveau Grand Sceau de la République et celui de l’ Assemblée Nationale avant de créer le premier timbre.

Ce premier timbre inaugure la grande réforme postale avec un tarif simplifié et bon marché, proportionnel au poids du pli, sans rapport avec la distance pour la France, et un paiement à l’avance par l’expéditeur. Ce qui fut la norme pour bon nombre de timbres de pays différents .

Le timbre-poste, objet de propagande (Période : Années 1910 – 1945)

Pendant les deux guerres mondiale, le timbre fut utilisé par plusieurs partis politiques tels que le parti Nazi avec des représentations du Führer ainsi que de la croix gammée, ou le parti Communiste avec Staline avec la faucille et le marteau. La création de ces timbres à entraîner un autre type de timbres avec des faux timbres. Un faux timbre désigne un timbre-poste fabriqué de manière illégale dans le but de tromper soit les collectionneurs, soit l’autorité émettrice : le but est soit l’appât du gain, soit la propagande.

En effet, pendant la guerre, des faux timbres de propagande ont circulés.

Le timbre « de Gaulle de Nice » a été imaginé par le réseau de Résistance « COMBAT » dans les Alpes Maritimes vers la fin de 1942, puis imprimé à Nice par Robert Thirin qui ont remplacés le Maréchal Pétain par de Gaulle sur leurs timbres. Thirin mourut aux mains de la Gestapo le 3 février 1943. Entre mai 1943 et le début de l’année 1944, à Marseille, les membres de la résistance se sont procuré des feuilles neuves de la même teinte marron que les timbres à l’effigie de Pétain. Ils ont ensuite imprimé l’image de De Gaule sur la zone blanche qui divisé la feuille en deux, accompagné de la mention « République française » puis ont réalisés la dentelure. Grâce à la complicité de postiers, ces figurines ont pu affranchir des lettres, et sont maintenant très recherchées. Le faux timbres de propagande le plus célèbre est « Futsches Reich » (signifiant « Reich fichu ») réalisé dans le cadre de l’opération « Corn Flakes ». Ce timbre, représentant Hitler de profil avec un visage à moitié squelettique a été conçu par les Américains en février 1945. Son but était de démotiver les populations allemandes et autrichiennes à l’égard de la guerre. Les Alliés introduisaient des tracts et des journaux critiquant le régime Nazi dans le courrier ordinaire.

Lieux et personnalités artistiques sur timbre-poste (Période : Années 1920 – 1950)

Au cours des années 1920, les timbres-poste ont été utilisés pour transmettre des messages culturels et diplomatiques importants. Dans les années 1920 et 1930, de nombreux pays ont commencé à honorer des lieux et artistes renommés sur leurs timbres. Par exemple, en 1930, avec le célèbre « Pont du Gard « de Henry Cheffer qui lancera sa carrière en France.

Henry Cheffer peintre et graveur français, est l’auteur de timbres-poste et de billets de banque. En 1911, il grave son premier timbre. Il a exercé son métier pour le compte de la Perse, de la Belgique, du Luxembourg, du Danemark et de l’Espagne, avant de s’investir dans des projets pour les services postaux français en 1929. Le port de La Rochelle et Le pont du Gard furent ses deux premiers timbres français. Un bon nombre de ses timbres sont accès sur des sujets touristiques.

En 1937, un timbre-poste commémoratif est émis en l’honneur de Victor Hugo décédé 50 ans plus tôt. Il est réalisé par Achille Ouvré, qui en réalisera d’autres comme celui à l’effigie de Paul Cézanne en 1939. Le 19 mars 1934, Achille Ouvré, à 62 ans, a gravé son premier timbre-poste sur acier pour la France. Il s’agit du premier petit format imprimé en taille-douce, mettant à l’honneur, Joseph Marie Jacquard, l’inventeur du métier à tisser. Son implication dans ce domaine a été fructueuse notamment dans le portrait. Il a gravé une quarantaine de réalisations, incluant des timbres pour la poste aérienne mettant en vedette des personnalités.

Ces timbres commémoratifs ont contribué à la diffusion des richesses culturelles mondiale et ont permis de célébrer des auteurs, artistes tels que William Shakespeare, Wolfgang Amadeus Mozart et Johann Wolfgang von Goethe ainsi que de nombreuses œuvres. La mise en place du ministère de la Culture en France dans les années 1950 a renforcé cette dimension artistique des timbres en introduisant la reproduction de tableaux de grands peintres sur ces petites vignettes. Les timbres deviennent ainsi des ambassadeurs de la diffusion de l’art dans toutes les régions et milieux de France et aussi l’importance de ces échanges de culture des pays à travers le monde.

L’arrivée de l’offset, technique d’impression utilisant la photomécanique qui reproduit plus fidèlement les couleurs. Elle sera utilisée plus couramment à partir de 1950, car elle demande un besoin d’entretien très spécifique ainsi que l’encombrement du a la taille des machines, elle sera privilégiée pour des grand tirages, leur utilisation la plus courante était pour les impressions des journaux.

La culture populaire et les icônes sur timbre-poste (Période : Années 1960 – 1990)

Les années 1960 ont commencé à voir les timbres-poste reflétés la culture populaire de l’époque. En France, l’un des premiers timbres représentant une icône de la culture, est le timbre des jeux olympique de 1960, dessiné et gravé par Albert Decaris, qui rend hommage à l’ancien athlète français Jean Bouin, spécialiste de la course de fond, mort en 1919 pendant la guerre.

Albert Decaris, est un peintre, décorateur et graveur français. A 18 ans, il obtient avec son œuvre « Eve avant le pêché, le Premier Grand Prix de Rome en gravure. Il fut réputé pour ses timbres gravés avec précision, sur des timbres français après la Seconde Guerre mondiale, notamment la série « Libération » (1944–1945), ainsi que le « Coq de Decaris ». Il réalisa plus de 500 timbres dont une Marianne. Il fut l’un des graveurs les plus appréciés des services postaux.

Pour rendre hommage aux grands résistants, une série de 5 timbres « héros de la résistance » dessiné par André Spitz et gravé par Jean Pheulpin en 1960 a été créé à l’effigie d’Edmond Debeaumarché, de Pierre Masse, de Maurice Ripoche, de Léonce Vieljeux et l’abbé René Bonpain.

Pour les 50 ans des 24h du Mans, un timbre datant de 1973, a été dessiné et gravé par Georges Bétemps. Ce timbre illustre la Matra Simca piloté notamment par Henri Pescarolo, qui a remporté l’épreuve en 1972.

Bien avant la France, Le Congo, par exemple, a émis en 1971 des timbres mettant en vedette des célébrités du cinéma comme Marilyn Monroe avec la collection « History of film 4v ». En 1990, la France rend hommages aux grands noms de la chanson française des années 60–80 : Maurice Chevalier, Tino Rossi, Edith Piaf, Jacques Brel, Georges Brassens…Ils sont dessinés par Raymond Moretti. Ce dernier est un sculpteur et artiste peintre français, né 1931. Parmi ses réalisations, on trouve des affiches et des grands formats, ainsi que des illustrations. Il a créé une trentaine de timbres pour la poste française. Il a réalisé aussi des monuments comme le mémorial Rachi à Troyes, ou la pendule du centre commercial des Quatre-temps à La Défense.

Les techniques d’impression évoluent aussi avec l’héliogravure ou rotogravure qui est un procédé d’impression par l’intermédiaire d’un grand cylindre de cuivre chromé où une gélatine photosensible est appliquée. Introduite dans les années 1970, elle accélère la sortie de séries de timbres, car elle élimine le besoin d’un graveur. Les timbres ont contribué à renforcer la notoriété d’icônes de la culture populaire, les inscrivant de manière indélébile dans l’histoire populaire. De nombreux timbres faisant ressortir la culture populaire sortiront par la suite. Cela montre que le timbre, outre son utilité pour la taxes de transport, est arrivé à l’exploit de communiquer des informations qui marque des générations. Les timbres ont renforcé l’importance des événements culturels internationaux et ont contribué à la diffusion des valeurs culturelles et sportives à travers le monde. Aujourd’hui, nous utilisons le timbre pour présenter les futurs Jeux Olympiques et Paralympique de 2024.