YAKA
Est-ce que l'IBU est d'un naturel bon, aimable et gentil ou est-ce qu'il est querelleur, réservé et violent? Est-il agressif seulement parce le cauchemar du travail et de la répression
l'a rendu envieux, frustré et irritable? Peut-être! Et pourtant la jalousie, la fierté offensée, la rage de détruire, l'antipathie, le goût du meurtre, la mégalomanie, la fièvre de chasser,
l'obstination, l'agressivité, la rage folle, la folie furieuse, ça existe. Ou du moins de telles envies ne peuvent-elles pas être exclues. Voilà pourquoi le YAKA est nécessaire.
Le YAKA rend possible les querelles, les disputes, les batailles et la guerre(21). L'ennui, les histoires d'amour malheureux, la folie, l'exaspération, la misanthropie, les déceptions,
les conflits d'honneur et de style de vie, les extases mènent aux YAKAs. Ils peuvent avoir lieu entre:
Comme d'autres formes d'échange (dans ce cas, échange de violence physique) les YAKAs (combats) sont réglés par des accords mutuels afin d'en limiter les dangers.
C'est l'une des tâches des assemblées d'arrondissement et des comités de comtés que d'aider les IBUs et les BOLOs à fixer le code du YAKA :
- Un défi formel doit être lancé en présence d'au moins deux témoins.
- Un défi peut toujours être refusé.
- Les assemblées compétentes (comités de YAKA des BOLOs, des arrondissements, des comtés, etc.) doivent être invités à tenter une réconciliation.
- Le choix des armes et du moment appartient à celui qui a été défié.
- Le type d'armure fait partie des armes.
- Les comités de YAKA concernés fournissent les armes pour les deux parties.
- Dès que l'une des parties se déclare battue, le combat doit être arrêté.
- Sont interdites les armes dont la portée est plus longue que la distance à laquelle on peut distinguer le blanc des yeux de son ennemi (environ 100 mètres).
- Seules les armes mécaniques sont permises (corps, bâtons, masses, épées, frondes, lances, arcs, haches, arbalètes, pierres, mais pas d'armes à feu, pas de grenades,
de feu, etc.(22).
Les comités de duel fournissent les armes, préparent le champ de bataille, présentent les juges (armés si nécessaire), s'occupent du transport des morts et des soins
aux blessés, protègent l'assistance, les animaux et les plantes.
Si de grandes communautés (comme des BOLOs, des arrondissements, etc.) se battent, les comités de duel compétents sont renforcés. Les dégâts causés par les combats
doivent être réparés par ceux qui ont lancé le défit, même en cas de victoire.
Les duels ne sont presque jamais liés au gain d'avantages matériels parce qu'ils sont très coûteux et parce que les parties sont obligées de vivre ensemble après le duel.
La plupart des raisons qui motivent les duels sont donc des contradictions émotionnelles, culturelles ou personnelles. Les duels servent à diminuer ou à augmenter
la réputation de quelqu'un. Là où les idéologies non-violentes prévalent, cette réputation est diminuée.
Il n'est pas possible de prévoir la fréquence, la violence et l'ampleur des combats (YAKAs). Ils sont un phénomène culturel, un moyen de communication et d'interaction.
Comme ils comprennent de nombreux désavantages sociaux et matériels, ils sont plutôt exceptionnels. Mais les duels et les combats ne sont pas un jeu signifiant le défoulement
ou la sublimation de l'agressivité, ils ne sont pas une thérapie, ils sont sérieux et comportent des risques réels. Il se peut même que certaines identités culturelles
ne subsistent que grâce à des combats permanents ou périodiques. La violence continue, mais pas nécessairement l'histoire.
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Depuis l'apparition de l'IBU, on n'a pas cessé de se préoccuper de lui et de se poser des questions telles que: l'homme
est-il violent ou non-violent, est-il 'bon' ou 'mauvais' par 'nature' (on n'a pas cessé de se préoccuper également de la
'nature'). Toutes les définitions de cet être étrange appelé 'homme', spécialement les définitions 'humanistes' et positivistes
ont toujours eu des conséquences catastrophiques. Si l'homme est bon, que faut-il faire de ceux qui (exceptionnellement bien sûr)
sont mauvais? La solution historique a été de les placer dans des camps et de les rééduquer. Si cela ne réussit pas (on leur avait
pourtant laissé une chance), on les met dans des asiles psychiatriques, on les tue, on les gaze ou on les brûle. Thomas More était un
humaniste mais, dans son utopie, il voulait punir l'adultère de la peine de mort. Dans ces conditions, on préfère ne pas être humaniste.
L'IBU peut être violent, il peut avoir du plaisir à attaquer directement d'autres IBUs. Il n'existe pas d'IBU normal.
C'est de la démagogie que de vouloir expliquer le phénomène des guerres modernes par l'existence de la violence interpersonnelle.
Les guerres modernes ont bien plutôt leur origine dans la répression générale de la violence directe. Rien n'est plus paisible, non-violent
et aimable que l'intérieur d'une armée. Les soldats s'entr'aident, partagent leur nourriture, se soutiennent moralement, sont de 'bons camarades'.
Toute leur violence est manipulée et dirigée contre l'ennemi. Et même dans ce cas, les sentiments ne sont pas très importants. La guerre est devenue
une procédure bureaucratique, industrialisée et anonyme de désinfection de masse. La haine et l'agressivité ne pourraient que gêner les techniciens de
la guerre moderne et même les empêcher de faire la guerre. La guerre n'est pas fondée sur la logique de la violence et des sentiments, mais sur la logique
des États, de l'économie et d'organismes hiérarchiques. Sa forme devrait plutôt être comparée à la médecine: s'occuper sans émotion de corps qui fonctionnent mal.
(On peut d'ailleurs comparer les terminologies: opérations, interventions, désinfections. Sans parler des hiérarchies parallèles: infirmières = soldats, assistants médecins
= sous-officiers, etc.)
Mais si, par guerre, on entend une violence directe et passionnée, alors le YAKA est un moyen de la rendre de nouveau possible.
Possible, car elle ne sera pas nécessaire et elle ne pourra donc jamais prendre des dimensions catastrophiques. C'est sans doute
pour la même raison que Callenbach introduit dans son Ecotopie des rituels guerriers de style néolithique. Mais ils ont lieu en dehors
de la vie quotidienne et constituent des expériences supervisées officiellement. Les 'vraies' guerres comme celles qui sont possibles avec
le YAKA ne sont pas compatible avec Écotopie. Et, bien sûr, les femmes sont exclues de ces jeux guerriers, car elles sont non-violentes par
nature. Un autre mythe de mâles ...
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Un tel ensemble de règles pour faire la guerre sera-t-il respecté? Cette crainte est typique des civilisations dont
la violence directe a été bannie pendant des siècles afin de préserver le monopole de la violence bureaucratique d'État.
Comme la violence sera une expérience de tous les jours, les gens apprendront à s'en occuper d'une manière rationnelle. (La même
remarque vaut pour la sexualité, la faim, la musique, etc.) La raison est liée à la répétitivité: les événements qui se produisent
rarement conduisent à des réactions catastrophiques. Les règles de la guerre étaient en usage au temps des Grecs et des Romains, au Moyen Âge,
parmi les Peaux-rouges et dans nombre d'autres civilisations. Ce n'est qu'en raison du manque de communication entre les gens que des catastrophes
telles que César, Gengis Khan, Cortez, etc. ont pu se produire. BOLO'BOLO exclura de tels accidents historiques: la communication sera universelle
(téléphone, réseau d'ordinateurs, etc.) et les règles seront connues.
Des complications sont naturellement toujours possibles. La sauvegarde des règles peut rendre nécessaire la création
de milices temporaires. De telles milices pourraient développer une dynamique propre et devenir une sorte d'armée ce qui
obligerait de mettre sur pied une autre milice pour contrôler la première. Mais une telle escalade suppose d'une part un système
économique centralisé avec des ressources adéquates et, d'autre part, des espaces socialement 'vides' où l'escalade puisse se développer.
Or ces deux conditions feront défaut.
Il est aussi imaginable qu'un bricoleur isolé et génial construise une bombe atomique dans une usine désaffectée et qu'il
prépare la destruction de tout le comté ou de toute la région tout en réalisant son sacro-saint NIMA (identité culturelle).
Le contrôle social spontané nous préservera du pire. De toutes façons, un bricoleur fou sera toujours moins dangereux que les
hommes de science raisonnables et les politiciens d'aujourd'hui ...