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Tout d’abord, que se passe-t-il réellement avec notre climat ?

L’espèce humaine vit sans doute une période de défis existentiels sans équivalent dans l’histoire. Entre autres facteurs, les scientifiques observent une extinction massive et accélérée des espèces dans le monde entier, qui a été appelée la « sixième extinction de masse ». [1] (Ceballos et al., 2015). Cette catastrophe écologique est aggravée par le réchauffement climatique, puisque la planète est en passe d’atteindre 1,5 degré Celsius de réchauffement d’ici 2030, et 2 degrés au début des années 2040 [2] (Xu et al., 2018). Les conséquences de ce phénomène sur la biosphère et l’humanité sont quasiment inimaginables – par exemple, un réchauffement de seulement 2 degrés pourrait exposer jusqu’à un quart de la population humaine à des phénomènes d’aridification, ou assèchement extrême [3] (Park et al., 2018) ; et d’éminents chercheurs ont prédit que la capacité de charge de la Terre à 4 degrés de réchauffement ne serait pas supérieure à un milliard d’êtres humains.[4]

Pourquoi cela concerne-t-il les designers graphiques ?

Il est impossible de résumer en quelques phrases la cause qui nous a menés ici. Mais il est largement reconnu que notre société capitaliste mondiale qui carbure à l’accumulation de richesses en incitant sans relâche à la production et à la consommation, et en exploitant les pauvres tout en repoussant les limites de l’environnement, a été l’un des principaux moteurs du changement climatique.[5]
Et le design graphique a marché côte à côte avec le capitalisme. Lorsqu’on examine l’histoire du design graphique et la façon dont il est devenu un concept culturel largement accepté, il n’est pas difficile de voir le lien entre la pleine expansion du capitalisme pendant et après les deux guerres mondiales, et la demande croissante de designers, ainsi que l’émergence de mouvements de design graphique dans les pays industrialisés. Le terme « design graphique » apparaît pour la première fois en 1922 dans un essai de William Addison Dwiggins intitulé « New Kind of Printing Calls for New Design ». Au cours de la même période, les progrès de l’imprimerie et de la photographie, ainsi que le marché, ont entraîné deux changements majeurs dans la vie des citoyens : premièrement, le public a été bombardé d’une plus grande quantité d’informations, et deuxièmement, le principal moyen de communication est passé du texte à l’image. Pour tenter de donner un sens à ce nouveau paysage qui s’accélère, le design graphique s’est donné pour mission de rationaliser, simplifier, digérer, et mettre en valeur l’information tout en tenant compte de la capacité d’attention de plus en plus fragile des masses.[6]
Lorsque le design graphique devient une discipline indépendante, l’objectif d’attirer l’attention, jusque-là peu discuté, est désormais ouvertement exprimé comme une exigence fondamentale. Initié par Kurt Schwitters en 1928, Ring était un magazine qui regroupait des designers graphiques de différentes pratiques afin de promouvoir ce nouveau langage visuel. L’ambition de Ring est expliquée dans l’introduction Gefesselter Blick(Le regard captif) : « Dans notre époque de rationalisation, […] on doit veiller à ce que le message soit aussi bref que possible, […] les images sont supportées par du texte, les textes sont supportés par les images. Ce melange d’images et de mots est le principal champ d’activité du design publicitaire. »[7]
Nous pourrions conclure que le design graphique moderne a trouvé sa place dans ce que nous appelons aujourd’hui « l’économie de l’attention ». Ce rôle a contribué à façonner les structures sociales telles que nous les connaissons. Comme le dirait Jonathan Barnbrook lors d’une interview avec It’s Nice That en 2020 : « Design graphique est au cœur du capitalisme. C’est le cœur de l’encouragement à la consommation – vous y consentez en tant que designer graphique. »

Pour eviter le pire...qui sont les designers du climat ?

J’ai rencontré les designers du climat par le biais du manifeste « First thing first ». Celui-ci comporte 4 versions, publiées de 1963 à 2020. La première version de Ken Garland, cosignée par 21 collègues, dont certains photographes, appelle à un « renversement des priorités » chez les designers graphiques.[8]
Ce manifeste est né de la pression ressentie par les designers graphiques à l’époque et d’une prise de conscience morale que le design graphique a contribué à façonner la société de consommation.
Qu’est-ce qui a changé 60 ans plus tard ? Apparemment, les problèmes initiaux ne se sont pas améliorés : le consumérisme n’a jamais été aussi développé grâce aux médias sociaux, les écarts de richesse atteignent un seuil sans précédent, et le monde est entré dans une ère de crise énergétique et de catastrophe environnementale généralisées. Il ne suffit plus de demander aux designers de faire passer leur projet « du commercial au culturel ». Il ne suffit plus de provoquer des conversations. Un groupe de designers graphiques s’est donc réuni, a renouvelé le manifeste en 2020 et a fondé la plateforme climatedesigeners.org (Climate designers dans ce qui suit).
Par rapport à la première version, FTF 2020 place la crise climatique au cœur de tous les conflits. Le nouveau manifeste reconnaît également que le changement climatique est imbriqué de manière critique dans des structures de domination de classe, de race et de genre. Nous ne pouvons plus nous contenter de pousser à la durabilité, mais devons créer de nouveaux systèmes qui défont et guérissent ce qui a été fait. Cette plateforme ne s’adresse pas spécifiquement aux designers graphiques, mais aux designers de toutes les disciplines, avec une valeur commune partagée par tous les créateurs de culture : le design du climat est un design dont le but explicite est de mettre en œuvre un avenir durable (Un avenir durable est un avenir dans lequel l’humanité est capable de prospérer sans déstabiliser les systèmes dont dépend toute vie sur Terre). La première mission de la plateforme est d’inspirer tous les designers à devenir des designers du climat en leur fournissant les ressources, les connaissances et la communauté. La deuxième mission consiste à trouver des moyens d’intégrer cette valeur fondamentale dans l’enseignement du design. En bref, il s’agit d’un espace permettant aux designers de clarifier l’objectif de leur pratique et de passer à l’action.

[ L'action ]
1. Apprendre et désapprendre à partir de ressources partagées.
Les designers qui ont été élevés et formés dans la société capitaliste ont beaucoup de choses à désapprendre. Par exemple, il leur faut abandonner leur rôle d’incitateurs à la consommation, et se tourner vers la solidarité ; ou encore transitionner d’un rôle de capteurs d’attention au profit de porte-parole actifs. Le site Climate designers propose des articles, des podcasts, des discussions et des lectures recommandées accessibles à tous. Son objectif est d’aider les designers à : S’informer sur les impacts de leur secteur sur le changement climatique. Apprendre à appliquer les principes de la conception durable et régénératrice à leur travail. Trouver des communautés, des emplois, des cours et des réseaux professionnels axés sur le design du climat. S’inspirer de ceux qui prennent des mesures en faveur du climat dans leur secteur. Aller à la racine et remettre en question tout un héritage culturel, incluant tant une histoire qu’une structure économique, nous aidera en tant que designers à comprendre les causes de la situation actuelle, à voir sous un nouveau jour la formation que nous avons reçue, à mieux différencier les pratiques de design et la philosophie du design, ainsi qu’à mieux choisir avec qui travailler.

2. Apprendre à agir Climate designers a dressé une liste de secteurs sur lesquels les designers peuvent travailler. Créée en collaboration avec le projet Drawdown [9] La mission du projet Drawdown est d’aider le monde à atteindre le « drawdown » – le point dans le futur où les niveaux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère cessent de grimper et commencent à diminuer régulièrement, stoppant ainsi le changement climatique catastrophique – aussi rapidement, sûrement et équitablement que possible. , cette liste n’est pas le fruit de l’imagination mais se base sur les problèmes les plus urgents auxquels nous sommes confrontés actuellement. Pour les enseignants du design, des podcasts et du matériel pédagogique sont proposés dans le secteur de l’éducation. 3. Proposer activement des actions significatives au sein de la communauté. Un autre espace est construit pour que la communauté des designers puisse partager et échanger. Les projets et les activités sont partagés dans le flux d’accueil (homepage), et les conférences et les rencontres en ligne sont hébergées dans la section découverte (discover). Les chapitres locaux encouragent les designers du monde entier à créer leur communauté locale (chapter). Pour l’instant, la plupart des chapitres sont établis dans des pays anglophones.