Introduction

Le XXe siècle a marqué un tournant dans l’Histoire. En effet, il a été témoin d’événements socio-politique singuliers. Outre les deux guerres mondiales et la guerre froide, on a observé une montée en puissance de diversrégimes totalitaires. De l’Allemagne Nazie à l’URSS stalinienne en passant par l’Espagne de Franco ou encore l’Italie de Mussolini, on observe des caractéristiques propres au totalitarisme créée le choix d’une population martyre, des lieux de concentration, le culte de la personnalité et enfin, la forte propagande accompagnée de près par la censure de masse.
Toutes les productions graphiques ou autres se voient être préalablement contrôlées par l’état. On en vient à se demander comment les artistes arrivaient à produire malgré cette pression. De ce fait, certains mouvements artistiques sont nés dans ce contexte socio-politiques sans précédent.
C’est le cas notamment de l’école polonaise, mouvement révolutionnaire qui a su marquer une réel tournant dans l’histoire du design graphique.
En prenant appuie sur cette école, nous étudierons comment et pourquoi ce mouvement est-il né. Dans un second temps, nous tenterons d’analyser les caractéristiques et les enjeux de l’affiche de l’école par le prisme du travail de deux artistes pionniers. Enfin dans la troisième partie, nous tenterons de trouver les échos qui pourraient être présents en 2023 en analysant le travail d’affichistes polonais contemporains puis nous ouvrirons sur la fascination internationale et intemporelle que procure l’affiche polonaise jusqu’à aujourd’hui.

Contexte historique

La Pologne est envahie en septembre 1939 par les forces allemandes et slovaques ce qui va déclencher la seconde guerre mondiale.
À la fin du conflit, la Pologne, pourtant pays allié, laisse ses territoires à l’URSS qui va venir imposer un gouvernement pro-communiste dans le pays qui va se voir devenir une république dite « populaire » mais qui va surtout s’avérer être une dictature. À partir de cela, la quasi-totalité des créateurs vont répondre aux commandes d’affiches politiques pour le gouvernement ou le parti communiste ; ils se plient donc au diktat. En effet, les régimes totalitaires, bien qu’ayant des convictions différentes dans le fond, emploi les mêmes formes. Le peuple subit dès lors le culte de la personnalité, une propagande de masse sur le « chef » d’état ainsi que sur ses idéologies. L’affiche est un médium dit de la rue, il est supposé n’avoir qu’un but informatif et non pas artistique. L’affiche de propagande de l’époque est donc une affiche sociale qui prône la reconstruction et la mobilisation joyeuse pendant l’après-guerre. On venait donc composer avec des logotypes propres à la période. En Pologne et dans les autres pays[1] où s’étaient implanté le communisme, on pouvait admirer l’ouvrier et le paysan qui travaillent tout en se méfiant des ennemis et du danger, la présence de l’étoile, de la couleur rouge ou encore bien évidemment du marteau et de la faucille[2] . De nombreuses affiches sportives ont également vues le jour à cette période car elles permettaient de venir glorifier le pays et donc son dirigeant. Deux catégories d’affiches vont donc se distinguer, dans un premier temps celles politiques, puis dans un second temps, les affiches culturelles qui regrouperont le cinéma, le théâtre, l’opéra, les concerts, les expositions ou encore les cirques. Considérées comme peu intéressantes aux yeux de l’état, les supports visuels culturels permettront des actes résistants implicites et discrets et des innovations graphiques qui feront le charme de l’affiche polonaise par la suite. C’est donc dans le creuset de la propagande que naîtra cette école. Ainsi, les graphistes chargés de créer des affiches culturelles se verront être plus libres car l’état porte moins d’attention à celles-ci. En effet, ces commandes provenaient de l’état et n’avait pas vocation à quitter le pays; on compte donc un nombre de tirages beaucoup moins importants (entre 1000 et 2000).
Cela va permettre à certains de se libérer autant dans les choix graphiques que dans les messages à faire passer. Enfin, pour les affiches de film, les graphistes réalisaient ce qu’on appelle des analogons, une pratique qui consiste à produire un visuel à partir des émotions ressentis lors du visionnage du film. Ainsi on peut indéniablement annoncer que les créations culturelles sont subjectives, ce qui révèle déjà une grosse différence avec les propagandes qui ne permettent pas à l’artiste de donner sa vision des choses. En 1956 va arriver une période « bénie » avec le tournant politique et le renouveau;En effet, depuis 1955 le pays s’ouvre vers l’occident ce qui permet une plus grande diversité dans les propositions graphiques et cinématographiques et l’on va constater de plus en plus l’utilisation de la métaphore, de l’allusion et de l’absurde en pied de nez aux censeurs qui ne parviennent pas toujours à déchiffrer les messages cachés dans les productions.
A cette époque, on pouvait voir la présence du sens caché dans tout l’art polonais. En somme l’école polonaise a pu voir le jour grâce à une relative tolérance du pouvoir en place et à une brillante inventivité des créateurs. Certains d’entre eux comme Cieslewicz, Lenica ou encore Tomaszewski vont d’ailleurs se démarquer et devenir des pionniers du mouvement.

Les caractéristiques du mouvement

Ainsi, nous allons désormais analyser au travers d’exemples, les caractéristiques des affiches appartenant à l’école polonaise. Pour cela nous allons nous appuyer sur le travail de Jan Lenica puis celui de Henryk Tomaszewski. L’affiche polonaise dans sa généralité vient composer avec des associations de recherches typographiques et de stylisation de la forme simple au profit d’une efficacité visuelle. À partir des années 1950 des signes d’ouverture relative vers l’Ouest se manifestent à travers la projection de films occidentaux dont les affiches, pour des questions de droits de diffusion mais aussi des questions financières, sont réalisées par des graphistes polonais qui ne se contentent désormais plus de photogrammes du film pour leurs réalisations. Les graphistes font preuves d’innovation en plaçant d’avantage l’esprit du film en avant, plus que son illustration même si cette dernière possède graphiquement une grande place dans l’affiche de film polonaise.
Ils jouent désormais avec des analogies visuelles, du collage, des jeux de mots visuels qu’ils tirent des précédentes tendances artistiques mais sans jamais les copier. Nous allons maintenant tenter une rapide analyse d’une affiche réalisée par Lenica puis une par Tomaszewski afin t’en tirer quelques caractéristiques qui pourraient être propre au style.


Jan Lenica

Dans cette affiche, on observe un élément prédominant, un personnage aux allures de cowboy, dessiné avec d’étranges proportions comme s’il s’agissait d’une dessin d’enfant. Au vu du tracé imprécis, on peut se demander si Lenica n’a pas fait usage du collage. Le texte semble être secondaire dans cette affiche car il semble avoir été placé dans les espaces proposés par le dessin central.
Pour la police de titrage, elle est majoritairement composée de capitales épaisses, noires et maladroites comme faites à la main. La police de labeur utilisée est différente car stabilisée, et imprimé en presse typographique mais elle conserve néanmoins un caractères gras et sombre. On remarque que la présence du texte est partielle et donc un élément qui semble secondaire par le spectateur. Le choix de couleurs de Lenica s’est porté sur des couleurs sombres tels que du noir ou du bleu foncé ce qui renvoi à la force et cela pourrait venir corroborer avec la figure du cowboy. Un bleu ciel vient créer un contraste et du rythme sur l’illustration. Le tout de l’affiche est positionné sur un fond blanc cassé texturé où le grain vient apporter, comme sur le reste de l’affiche, une singularité. On ne trouve pas d’informations sur ce film mais Lenica annonce:

« Les affiches théâtrale ou de film en Pologne, — si paradoxal que cela puisse paraître — renoncent consciemment et d’emblée à convaincre les gens d’aller voir tel film […] L’affiche a seulement pour but d’annoncer le film, d’en exprimer le caractère, le climat. » [3]

Lenica est l’un des plus grands noms lorsque l’on parle de l’affiche polonaise. D’ailleurs, l’expression “école polonaise de l’affiche” est apparue en 1960, utilisée par Lenica lui-même dans une interview à la revue suisse Graphis, en référence à l’école polonaise de cinéma (Andrzej Wajda, Krzysztof Kieslowski…), qui était elle aussi en train de devenir mondialement célèbre.
Passons maintenant à une deuxième rapide analyse d’une affiche de Tomaszewski pour le film Ostatni występ grocka, un film franco-allemande réalisé par Pierre Billon.

Henryk Tomaszewski

Dans cette affiche, on voit un élément graphique central qui semble une fois encore être un personnage. On retrouve également un tracé proche d’un dessin enfantin. On observe la grande présence de formes géométriques comme les carrés étroits sur la veste d’un protagoniste ou encore le trapèze qui vient former sa tête. Le choix typographique s’articule de nouveau autour du personnage, il participe avec lui mais sans l’effacer. Tomaszewski a opté pour une police de titrage en capitale avec un léger ornement sur le nom du personnage GROCKA . Pour la police de labeur, elle semble un peu moins stable comme si elle avait été tracé à la main. Le choix de la colorimétrie est un peu différent de Lenica car plus coloré sur cette proposition. En effet, on vient poser un personnage où les couleurs qui prédominent sont le bleu foncé, le violet et le vert.
On retrouve également le noir, le beige et le rouge, couleurs de prédilection de l’époque. Le fond de l’affiche est jaune et texturé ce qui vient contrasté avec le personnage central une fois encore. Ainsi si l’on se base sur ces deux exemples, on peut dire dans un premier temps que les caractéristiques de l’affiche de cinéma sont un peu différentes des affiches politisées. En effet, les artistes viennent remployer les acquis de l’art de la rue dans leurs choix graphiques ce qui incluent donc, le collage, l’écriture manuscrite ou encore le dessin franc qui peut renvoyer aux graffitis ou aux dessins d’enfants. De plus, dans un objectif d’efficacité, on observe peu d’indications textuelles. On y mélange également les types d’atmosphères et de genre en fonction du film. On constate l’utilisation de la forme géométrique ainsi que des couleurs souvent récurrentes. On peut voir une certaine influence du futurisme russe caractérisé par l’emploi du collage et du photomontage ainsi que par un jeu typographique singulier. Sur d’autres exemples, on peut observer l’utilisation régulière des contre formes ou encore de l’utilisation de l’absurde dans les choix de couleurs ou formels.
On peut certainement dire que les graphistes ici, ne cherchent pas le réalisme dans leurs productions. En 1980, le mouvement Solidarnosc Logo du mouvement Solidarnosc est créé en opposition au régime populaire alors en place en Pologne. Le logo est caractérisé par des lettres soudées les unes aux autres et par un geste rapide fait main, comme un slogan écrit sur un mur. Ce logo possède des caractéristiques propres à ce que l’on peut trouver dans les affiches de la période. Tout cela montre une concordance des idéologies des artistes qui ont tenté de résister de manière discrète contre le régime en place. Selon Christophe Cirendini, artiste plasticien et enseignant en art plastique :

« Aujourd’hui, l’art de l’affiche en Pologne survit grâce aux institutions qui en gardent le souvenir, le musée de Varsovie  entre autres…Cet art de rue, destiné à un affichage public et éphémère, constamment renouvelé était d’un grand dynamisme et souffre aujourd’hui non pas de talents qui feraient défaut mais plutôt des effets d’une mondialisation qui a rattrapé la Pologne comme le reste de la planète. L’industrie du cinéma y importe à présent ses affiches comme tous ses produits dérivés et a noyé dans la masse les productions d’hier, pourtant authentiquement créatives et riches plastiquement.[4] »

Ainsi il pense que cet esthétique est fini et dépassé par le temps et la mondialisation de l’art et du graphisme mais on peut se demander, quel héritage graphique perdure aujourd’hui en Pologne. Le style et la singularité de cet esthétique polonais ont-ils été conservés ou la mondialisation a-t-elle tout effacé au profit d’un graphisme généralisé ? Ainsi nous allons tenter d’observer le travail d’artistes polonais contemporains et plus précisément qui traitent du médium de l’affiche afin d’observer ce qu’il reste ou non des caractéristiques du XXe siècle.

Les échos contemporains de l’affiche polonaise du XXe siècle

Lech Majewski

Lech Majewski est un metteur en scène, scénariste, réalisateur, producteur, peintre et poète polonais né dans les années 50. Il est l’auteur d’une douzaine de films, de trois opéras et cinq pièces de théâtre. Il intègre, en 1977 l’académie des Beaux-arts de Varsovie qui compte alors parmi ses enseignants, Henryk Tomaszewski. C’est d’ailleurs dans cette ville, considérée comme la capitale de l’affiche, que l’on peut admirer le premier musée du monde la concernant.
Ceci appuie l’importance de la Pologne concernant l’expansion du médium dans le domaine de l’art. Majewski, principalement connu pour ses pièces et ses longs métrages réalise également de très nombreuses affiches pour d’autres pièces ou encore pour des expositions. Dans ses productions, on peut clairement voir l’influence de Tomaszewski sur ses choix graphiques. Majewski a d’ailleurs réalisé des affiches sur des rétrospectives de travail de celui qui a été son enseignant et son mentor. On peut être amené a penser que vu le sujet et le rôle de ces productions, il est naturel qu’on retrouve des similitudes avec le travail de Tomaszewski. Ainsi, nous allons désormais faire une rapide analyse d’une affiche réalisée par Majewski en 2011, plakat music spiewac que l’on pourrait traduire par affiche de chant/de musique.

Dans cette affiche, le regarde se porte directement sur un personnage à mi-chemin entre l’homme et le monstre. Les traits de son visage bien que minimalistes sont des formes géométriques juxtaposées à la masse noire. Ici, on retrouve l’intérêt qu’on beaucoup d’artistes du milieu des années 50 pour l’idée d’un protagoniste central peu commun avec des proportions biaisées. Pour la police de titrage, on retrouve ici encore, des majuscules épaisses et noires avec des lignes droites. Le texte semble sortir de la bouche du sujet. On constate que le texte est toujours placé par rapport à l’élément illustré prédominant. Il s’inscrit dans les espaces que laisse le dessin. Il en est de même pour les textes secondaires.
On remarque selon moi une différence légère mais importante :
les affiches réalisées par Tomaszewski, Lenica ou même encore Roman Cieslewicz contiennent très peu de texte, ce qui semble être légèrement différents dans les projets plus contemporains. Pour les choix de couleurs, ici on reste fidèles aux caractéristiques annoncées précédemment avec du noir, du rouge et du blanc. Ainsi, ici, on voit très clairement les échos aux projets des artistes pionniers ; on retrouve une « patte » assez facilement identifiable que l’on arrive à rapidement attribuer au graphisme polonais. Mais Majewski, bien que contemporain, a étudié auprès de ses mêmes pionniers, ainsi il est naturel que cela se retranscrive dans son travail. Il serait intéressant de se tourner vers un artiste qui a forgé sa pratique plusieurs années après afin de voir ce qu’il en ressort. Pour cela nous allons analyser le travail de Aleksandra (Ola) Niepsuj.



Aleksandra Ola Niepsuj

Ola Niepsuj est une illustratrice et graphiste basée à Varsovie. Elle est diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Lodz, et a étudié à l’Ecole supérieure des Arts et du Design de Matosinhos au Portugal et à la faculté des Beaux-Arts de Université de Porto. Elle conçoit des affiches, des identités visuelles et des infographies, tandis que ses commentaires illustrés se retrouvent dans divers magazines, livres, manuels et publications pour enfants polonais et internationaux. Ses œuvres ont été présentées dans de nombreuses expositions en Pologne et à l’étranger, notamment au Japon, en France, et ont reçu de nombreuses subventions et récompenses liées à l’art et au design.
Elle travaille avec des outils numériques ce qui lui permet d’ouvrir le champ de ses perspectives. Dans ces productions graphiques, elle apporte une grande importance au travail typographique et à son impacte.

Cette proposition graphique est composée majoritairement d’écriture.
Le regard est attiré par le titre de l’affiche bakalie en lettrage type manuscrit et décomposé sur toute l’affiche. Par-dessus, on retrouve une seconde fois le même mot mais écrit avec des formes qui semblent avoir été découpées puis recollées numériquement. On perçoit également deux élément textuels écrits à la main dans un corps plus petit. On perçoit un travail de mise en page qui semble plus maîtrisé que ce que l’on a analysé auparavant, et on peut constater l’utilisation d’une grille de par le placement des informations à la verticale ainsi que par celui des logos partenaires de l’évènement. Pour la colorimétrie elle opte pour un rose et un violet. Sur ce projet, on voit que le tracé à la main ainsi que l’effet de découpage et collage que l’on observe sur le titrage violet sont deux des caractéristiques qui sont conservées. Niepsuj vient moderniser les acquis qu’elle garde de l’histoire graphique de son pays en y jouant avec d’autres couleurs, d’autres textures et ce, grâce à son emploi du numérique. La plupart de ses affiches ont une utilisation singulière de l’écriture, elle vient régulièrement composer avec deux types de lettrages et engendre un dynamise qui certes était déjà présent initialement dans les affiches du XXe siècle mais qui est désormais plus doux ce qui peut s’expliquer par le changement de contexte de travail [5] entre les années 50 et maintenant. Finalement, les enjeux ne sont plus les mêmes.

Conclusion

Ainsi, si l’on reprend les dires de Cirendini, « l’art de l’affiche en Pologne survit grâce aux institutions qui en gardent le souvenir » mais selon moi cet esthétique perdure surtout grâce aux artistes qui arrivent à remployer les caractéristiques propres à leur Histoire et leur culture tout en les modernisant, grâce aux nouveaux outils, à un nouveau contexte de travail ainsi que grâce à une ouverture sur le monde. Si comme Ola Niepsuj, les jeunes graphistes polonais tentent de compléter leur formation à l’étranger afin d’emmagasiner de l’expérience et de découvrir d’autres cultures du graphisme, des graphistes étrangers se tournent vers la Pologne car ils ont une réelle attirance pour l’esthétique de l’affiche de l’école polonaise.
En effet de nombreux artistes notamment français se sont intéressés aux pratiques des maitres de l’affiche polonaise. C’est le cas entre autre de Alain Le Quernec, affichiste engagé breton mais polonais de cœur.
Son séjour dans l’atelier de Tomaszewski va influencer sa manière de concevoir son travail. En France, on observe une réelle fascination pour cette partie de l’Histoire du design et pour toutes les productions polonaises de cette période à tel point que des expositions seront organisées en hommage à cette part du graphisme comme à Echirolles en 2018 avec l’exposition « Pologne, révolution graphique » où le commissaire d’exposition est d’ailleurs nul autre que Michel Bouvet, un affichiste français.
Je suis attirée par le travail de Bouvet car selon moi, on retrouve encore quelques caractéristiques de l’affiche polonaise, comme le tracé à la main et l’importance de dessins « imprécis » et « enfantin »qui procure un dynamisme singulier.
En somme, l’école polonaise est née dans le creuset d’une propagande de masse d’un pays sous contrôle. Elle a été une véritable révolution graphique de par ses compositions aux caractéristiques singulières qui ont réussi à surpasser la censure tout en permettant de faire passer des messages « codés » en lien avec leur contexte de l’époque. Aujourd’hui, en Pologne ou à l’étranger, on peut voir l’héritage de ce mouvement dans les pratiques de nombreux artistes/graphistes contemporains qui sont d’une part, marqués par une Histoire forte et d’autre part par la singularité que vient créer cet esthétique révolutionnaire.

Annexes

Morgane Lazarus
Annexes
Jan LENICA – Affiche pour l’opéra Wozzeck de Alban Berg, 1964
Jan LENICA – Polnische Filmatge, 1964

Henryk TOMASZEWSKI – Manekiny, 1985
Henryk TOMASZEWSKI – History, 1983

Roman CIESLEWICZ – Katastrofa, 1961
Roman CIESLEWICZ – Affiche du film, Inspekcja Pana Anatola, 1959
Roman CIESLEWICZ – IGRASZKI MILOSNE, 1963
Lech MAJEWSKI –
Lech MAJEWSKI –
Lech MAJEWSKI –

Ola NIEPSUJ – Bakali 13, 2015
Ola NIEPSUJ – Relax Fence, 2018
Ola NIEPSUJ – (A)polonia, 2013
Morgane Lazarus
Entretiens

Entretien

Entretien avec Ola Niepsuj

Dans le cadre de la découverte du travail de l’affichiste français Michel Bouvet, j’ai pu observer celui de Ola Niepsuj que je qualifie de singulier, dynamique et coloré.
Affichiste contemporaine polonaise, il m’a paru évident qu’elle était une artiste dont je devais parler dans mon sujet de recherche.
Après des recherches sur son parcours et sa pratique, j’ai fait des suppositions et des déductions quant à l’impacte de son hériatge culturel sur son mode opératoire.
Afin de corroborer, ou non avec mes propos, je lui ai proposée un entretien en visio que nous avons donc réalisé le vendredi 3 mars 2023.

Morgane Lazarus Hello, first of all, thank you for granting me this time of exchange, I am very happy.

Ola Niepsuj It’s a pleasure, if I can give you some answers and help you.

ML To contextualize my exchange request a little, I am writing my end-of-studies dissertation on the heritage of the aesthetics of the Polish school poster on contemporary poster artists.
I had already been interested in your work before and I thought it would be interesting for me to study your practice in order to expand my research topic. So I prepared some questions if you agree.

ON Yes, sure.

ML Can you perhaps quickly introduce yourself, your background…

ON So you know my name, I studied in fine art academy which is a very modern factory, it used to be a factory town and it has a very specific graphic design department and it was very typography oriented with Bauhaus traditions based with Russian constructivism traditions too. I studied font designing and typography composition so hard and then I went to studied in Portugal in Porto and I was surprised and interested in typography made by « regular people » I mean people who hasn’t studied fine art and graphic design. Then I began illustration for the first time, so when I came back I was already influenced by both and I, kind of mixed up, to gather polish poster school and with something else and this turned up to be my style. This was un unusual package than in others school because we are used to learn the traditional polish school of poster.

ML Maybe the fact you traveled can explain the differences between your works and the others’s works.

ON For sure as well.

ML How would you define your practice?

ON I used to have a lot of backgrounds in fine art, in fact in Poland you do not study only graphic design, you have to do some art history course and I found that’s relevant and important so it’s something I wanted to cherish becoming a graphic designer. In Portugal, there were more computer and it was more digital design. Some people never enjoyed the part of fine art and cultural background. So I tried to combine two techniques and it’s always my first part in a job excluding when the deadline is very short like one or two days I won’t have the time to worked with backgrounds. In my practice, I’m using collage techniques, I’m reusing all materials, I’m using typography from magazines and what I really enjoyed, one that I’ve already said, mixing art and design and the second thing which is important to me it’s that I really like to mix big areas of images like illustration or typography, with a lineal part like sharps and thin lines.

ML Do you have project of which you are the most proud ?

ON Hum, journalist asked me the same question yesterday and I give different answer everyday… So, I’m really proud of one exhibition in Hungary mainly because of the venue. It was in Budapest, in the city center and the gallery was huge and beautiful and I managed to design exhibition in a very immersive way so you entered in front of a fish tank and a wall of posters full of colors and it was a very pleasant, optimistic, enjoyable, full of personality experience to be in this exhibition. It was like a sum up of decades of designing posters.

ML Now, I will talk to you about traditional Polish school poster soI in your opinion, what were the characteristics of the poster of the Polish school at its beginnings?

ON Oh, at the beginning I think it was mostly propagandist posters like they had to speak to everyone, they used credible typography, strong images that were based strongly in fine art, art nouveau and I would say also the way they use cut technique, illustration from the mountains area like strong people working, It was that you meant with this question ?

ML In fact, I’m interested in artist who tried to work not in the way of the propaganda even if it was difficult and I tried to see how they could « give »some hidden messages. Because the topic of the propaganda is very common when we are studied this period and this movement so I wanted to worked about another face of the period.

ON Okay so it’s a little bit different. So you mean characteristics you mean formal ?

ML Yeah

ON Okay so you could say that the text corresponds very well, maybe it’s unique not for Poland but for the region, that the texte will be around the image, the way it’s composed hum… it’s like one big family of aesthetic. So you have an image and the text will never hide it, it will be placed around and this may be a characteristic as well… It’s a very interesting question, kinda weirdo because when I was analyzing posters, there were so many styles and so many types so it’s little bit difficult…

ML What remains today in 2023, and in your practice? Are there echoes to all this ?

ON I think there is a completely new trend in posters design, like a post graffiti trend, what is more universal, I would say post 90’s its was a little bit tribal typography. When I observed posters, it was more punky and rough now and I think there is more freedom designing posters, and now we have to think about how posters can live through screens for seconds and not for months in the street so… Also, for sure, the tradition is still somehow visible and different but when you’re studying, you’re like indoctrinated with the importance of the idea in posters. In Poland, especially in schools, you are really pressed by the smart graphic representation of the design problem that you have so using limited areas like using just formal palette like just typography or just illustration so I would say my favorite it’s like to keep the idea but in an artistic way.

ML I saw, if I’m not talking nonsense, that you had the opportunity to work on an exhibition with Michel Bouvet in France, what do you think of the reception of aesthetics abroad and in particular in France ?

ON I think its great, Michel came to my studio and he really enjoyed polish traditions and his illustrative part and this is really great and nice.

ML I think we can really see and feel his interest in his work too

ON Yeah, he’s more like from very illustrative school like Lech Majevski who’s teaching in fine art academy and his studio and his students are enjoying using the technique of illustration as a main key in their poster. But everywhere I go, people loved polish posters. I mean in Japan for exemple, they have huge galleries just dedicated to polish poster, and there are exhibitions every months, we had an exhibitions like five years ago or maybe ten… which was very pleasant and maybe I could find you some pictures. But I think, France is full of culture, you have understanding, great schools, and I just read this book from a French Nobel price writer, Anne Ernaux, you know her ?

ML No absolutly not sorry…

ON NO!? But she just won a Nobel Price… mean she’s writing about her studies and childhood and the way that she was very culture oriented and the society is very interesting for me. I think that polish poster is more enjoyed abroad than in Poland, it’s celebrated but it’s just thanks to designers.

ML Okay so I finished with my questions but I have some others coming when we are talking.
In my practice, I will try to make some animated posters and did you already tried this and what do you think about this new way to see posters.

ON I love this and you should contact Krzysztof Iwanski because it’s his thing he juste come back to Japan and he also studied in my school, he’s very typography oriented too, and he describes himself as motion poster designer and I love it. I experimented a little bit but I’m not patient enough for After Effects but I love it and I also believed it’s the futur, it’s just so great and unique to use moving images to catch viewers. It’s very a modernly way of graphic design.

ML And let’s finish with a very personal question, next year I will try to go to Erasmus in Motion design and do you think Poland could be a good place for me, working on this medium.

ON I would need to check according to your choice because we have two or three schools very cool for that and maybe you could mix courses with film school or go tot he department of animation so it could be very nice. It really depends of where and what. Cracovia is a very good place for an Erasmus for sure but I would personally choose some private school design oriented because I’m sure they have modern things like motion design whereas in fine art academy it’s all oriented so… But I think in Cracovia, it’s more like very traditional techniques in graphic design. I can check for you and I will give you some schools, I just need to check where you can go to and I will search for you if I found some good places.

ML So i think it’s finished, I did’nt prepre too many questions to not take you a lot of time.

ON I’m so happy how I met you.

ML Me too, really thank you for giving me your time, it was a pleasure.

ON You’re welcome and feel free to ask me Erasmus and if have any more questions don’t hesitate.

ML Thanks for everything.

ON Have a good day, see you somewhere. Bye bye.

ML I hope so, bye!

Morgane Lazarus
Glossaire

Glossaire

Prolétaire
Ouvrier, paysan, employé qui ne vit que de son salaire (opposé à capitaliste, bourgeois).
Solidarnosc
Solidarité en français, est une fédération de syndicats polonais fondée le 31 août 1980, dirigée à l’origine par Lech Wałęsa. Dans les années 1980, ce mouvement joue un rôle clé dans l’opposition au régime de la République populaire de Pologne.
Analogon
Provient du mot grec analogie. Par extension, le statut d’ANALOGON de l’image signifie que l’image ressemble à, est le reflet de, la copie de l’objet qu’elle représente. Dans le contexte de la création d’affiche, il s’agissait de réaliser des affiches uniquement en se basant sur les émotions ressentis lors du visionnage de ce dernier.
Morgane Lazarus
Références

Références

Bibliographie

FAMULICKI Jean-Claude et KURPIK Maria. . L’affiche polonaise de 1945 à 2004 : Des slogans et des signes, Paris, Editions La découverte, 2005, pp. 192

COLLECTIF. . reConnaître: Roman Cieslewicz, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 2001, pp.70

LE QUERNEC Alain . Alain le Quernec, Paris, Editions Pyramyd, 2002, pp. 96 (design et designers 002)

BOUVET Michel et LAFFITTE Fanny. . Un manuel du graphiste, avec plus de 60 invité.e.s du monde entier, Paris, Editions Eyrolles, 2022,pp.192

Sitographie

« L’affiche polonaise, vivante et vibrante » par Inès Boittiaux [en ligne]. Disponible sur : https://www.beauxarts.com/expos/laffiche-polonaise-vivante-et-vibrante/

« Affiche polonaise 1952–2018 » par Paul Schmitt [en ligne]. Disponible sur : https://www.pixelcreation.fr/graphismeart-design/graphisme/affiche-polonaise-1952–2018/

« L’école polonaise de l’affiche » [en ligne]. Disponible sur : https://instytutpolski.pl/paris/2020/11/06/lecole-polonaise-de-laffiche/

« Affiches de cirque polonaises » par Augustin [en ligne]. Disponible sur : http://indexgrafik.fr/affiches-de-cirque-polonaises/

« Jan Lenica » par Augustin [en ligne]. Disponible sur : http://indexgrafik.fr/jan-lenica/

« Henryk Tomaszewski » par Augustin [en ligne]. Disponible sur : http://indexgrafik.fr/henryk-tomaszewski/

Site de l’artiste polonais Lech Majewski [en ligne]. Disponible sur : https://lechmajewski.com/

Site de l’artiste polonaise Ola Niepsuj [en ligne]. Disponible sur : https://olaniepsuj.com

Morgane Lazarus
Remerciements

Remerciements

Je tiens à remercier Alexandra Ain et Corinne Melin pour leurs conseils et leur accompagnement, merci également à Julien Bidoret pour son aide pour le système de mise en page.
Je tiens à remercier Ola Niepsuj pour m’avoir acorder un entretien plus qu’intéressant et instructif.
Et enfin, je remercie ma promotion qui me permet au fil des années, d’apprendre, de découvrir, d’échanger et de progresser.


  1. L’Albanie, l’Allemagne de l’est (RDA), la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie et brièvement la Yougoslavie ont fait parti du bloc communiste durant la période de la guerre froide. ↩︎

  2. Le marteau et la faucille est le symbole le plus familier du mouvement communiste. Il croise le marteau du prolétariat ouvrier et la faucille du prolétariat paysan pour figurer l’union des travailleurs agricoles et industriels. ↩︎

  3. Citation de Indexgraphik dans l’article qui cite Jan Lenica, [indexgraphik-jan-lenica] (http://indexgrafik.fr/jan-lenica/) ↩︎

  4. Christophe Cirendini, article rédigé en vue d’un workshop gravure mené par Olivia Paroldi. arplastik-simoneveil.blogspot.com ↩︎

  5. À partir de l’automne 1989, les régimes du bloc de l’Est tombent les uns après les autres. En décembre, le Parlement polonais reprend son nom officiel de République de Pologne. ↩︎