Introduction

Être immergée dans une œuvre, pouvoir la toucher, la modifier, autrement-dit, interagir avec; voilà ce qu’il me plait le plus quand je visite une exposition ou un lieux d’art. Depuis quelques années, j’ai remarqué que je n’étais pas la seule à rechercher ce genre d’expérience. En effet, nous voyons des œuvres qui plongent le spectateur dans une ambiance spécifique ainsi que des œuvres qui demandent la participation du public se développer de plus en plus. L’ère des tableaux fixes que l’on peut trouver dans des musées d’art classique font de la place pour ces nouveaux types d’installations. L’implication du public est prise en compte plus sérieusement par les artistes. De nouveaux domaines d’échanges se mettent en place en dehors des circuits d’exposition. Les artistes cherchent à établir une esthétique relationnelle. La limite entre le spectateur et l’artiste est même parfois trouble. L’immersion et l’interactivité deviennent des contraintes importantes dans ces nouvelles œuvres d’art. Toutefois, dans ce document nous ne séparerons pas immersion et interactivité mais nous étudierons la place du public dans des œuvres mêlant ces deux notions. Comment l’artiste amène le public dans son univers et qu’elles sont les façons que le public a pour interagir avec l’œuvre? Ainsi nous essayerons d’expliquer les définitions de ces deux types d’art, puis, d’exposer les intentions des artistes envers le public et leurs manières d’interagir avec une œuvre pour enfin parler des nouvelles technologies qui s’insèrent dans ces pratiques artistiques.

L’intention des artistes

Nous venons d’énoncer deux termes, immersif et interactif, il est alors nécessaire de les définir afin de bien comprendre notre sujet. L’art immersif peut être caractérisé comme un dispositif dans lequel le spectateur évolue. C’est à dire que l’environnement du visiteur est expérientiel, les perceptions de l’espace, du temps et même parfois de la vision sont modifiées dans le but de créer une nouvelle observation. Le spectateur est immergé dans ce nouvel univers, l’œuvre englobe le public. L’art interactif à également pour but de procurer une expérience, cependant il entend une collaboration entre l’artiste et le public. Les participants sont intimement engagés dans la conception de l’œuvre. Cela implique une participation active du visiteur. Cela peut se faire de différentes manières, comme en donnant au public la possibilité de manipuler des objets, ou des matériaux pour créer une œuvre d’art. L’interactivité peut aussi se manifester en invitant le public à participer à des performances, à des événements artistiques, ou en créant des œuvres d’art qui sont conçues pour être modifiées et enrichies par le public. Un dialogue est donc mis en place entre l’œuvre et le public. Une collaboration étroite s’établit. L’artiste crée le concept, mais le public réalise l’œuvre. L’art interactif est une forme d’art dynamique qui force le public à réagir avec son environnement. Les objets qui constituent l’œuvre ne sont pas réellement des objets d’art, la part artistique de l’œuvre réside dans l’action du participant. Quant à l’art immersif, il vise à créer une expérience en utilisant divers moyens pour impliquer les sens et l’imagination des spectateurs. L’objectif de l’immersion est souvent de procurer une expérience sensorielle et émotionnelle pour le public. De nombreux outils peuvent être utilisés allant de la technologies à la projection en passant pas des matériaux tactiles ou des dialogues avec d’autres participants. Nous venons de définir le notions d’art immersif et interactif de manière séparée, cependant, ils peuvent être intimement liés, en offrant aux visiteurs la possibilité de participer activement à la création tout en étant immergé dans cette même création.

Un artiste peut choisir de faire participer le spectateur à la création ou modification d’une installation. La personne qui contemple habituellement devient « spect-acteur » et influe sur le rendu. Ce nouvel acteur va donner un sens nouveau à l’œuvre en y participant. Dans ce type d’installations, la participation devient nécessaire au bon développement de l’idée de l’artiste. Plusieurs dialogues entrent alors en jeu, œuvrespectateur, œuvre-artiste, spectateur-artiste et enfin spectateur-spectateur. Le simple fait de toucher, rentrer ou bouger une œuvre la rend interactive. Une notion d’immersion peut également être intégrée. Par exemple dans Pénétrable BBL Bleu datant de 1999 de Jesus-Rafael Soto [1] nous retrouvons ces notions. L’œuvre se compose d’une forme carrée en aluminium d’où pende des fils en PVC bleus. C’est une forme bleue dans l’espace qui incite le spectateur à rentrer et à déambuler dans ces fils. La lumière, et le toucher sont convoqués dans cette expérience. L’œuvre évolue sans cesse du fait du mouvement différent des fils en fonction du passage. Pour Soto, l’univers de son œuvre et en changement perpétuel et soumis à l’aléatoire, du fait des mouvements infinis que procure l’action du visiteurs sur les fils. L’art interactif peut aussi engendrer la création d’une nouvelle œuvre à partir d’une installation. L’action du public sur l’œuvre originelle de l’artiste l’a fait évoluer ou même changer entièrement.

Karina Smigla Bobinski [2] se sert de cette interaction dans son œuvre Ada . Des fusains sont accrochés sur une balle gonflée à l’hélium disposée dans une pièce étroite. Les acteurs, public, en bougeant la balle dessinent sur les murs qui les entourent. Un nouveau rendu apparait alors. Les traits sur les murs constituent une nouvelle conséquences dans l’œuvre Ada. Le spectateur est invité à interagir avec l’œuvre en la déclenchant, ou simplement la touchant. Son geste fait alors parti intégrante de la création, il donne la possibilité au spectateur de faire partie d’une œuvre collective. Les artistes cherchent aujourd’hui à inclure de plus en plus le spectateur en investissant les espaces d’expositions en convoquant les divers sens. Les artistes exploitent ces nouveaux comportements du public en invitant le visiteur à participer à l’évolution de l’œuvre et en les incluant dans la création. La démarche de participation modifient le statut du spectateur passant de passif à actif. Dans certaines installations, l’immersion du public dans l’œuvre englobe le spectateur jusqu’a l’inclure complètement dans l’art. L’intention première de l’artiste réside dans cette contrainte. Le public doit être amener à une action physique, à une stimulation, à une envie d’agir sur l’œuvre. Quel que soit le lieux d’expositions, l’artiste doit penser au public et comment attirer son regard et stimuler son envie d’agir. Dans certains cas l’œuvre n’existent même pas sans cette interaction. L’artiste cherche à marquer le spectateur, dans la mesure où seul le souvenir du spectateur reste. Des photos ou videos ne peuvent pas transmettre la dimension personnelle et intime que le spectateur expérimente avec l’œuvre. Un dialogue intime et different se créer entre ces deux intervenants. L’aspect immersif accentue encore plus cette relation intime. Le visiteurs, englobé dans l’œuvre, se sens entouré et lié à l’œuvre. C’est une expérience personnelle que l’on ne peut pas réellement partager. Chaque visiteur vit et expérimente de manière différentes ce qui rend l’interactivité intéressante. Comme la consigne de participation est interpréter différemment le résultat et les sensations procurées sont infinies. Les nouvelles technologies comme la réalité virtuelle accentues l’immersion et l’interactivité des œuvres. C’est ce que nous allons aborder dans la suite du document.

L’arrivée des Nouvelles Technologies

Les années 1980 et 1990 ont vu l’apparition et la multiplication de systèmes immersifs et interactifs utilisant les nouvelles technologies. Des casques de visualisations, des projections, la 3D, ou encore des capteurs sont des outils numériques qui permettent aux artistes d’explorer l’art interactif et immersif. Les nouvelles technologies offrent de nouvelles possibilités de relations entre œuvres et spectateurs. L’œuvre peut maintenant s’étendre au de là du réel dans le virtuel. L’interactivité qui est développée implique encore plus le spectateur et multiplie les manières dont le public peut devenir acteur. L’utilisation du 3D ou de la projection permet au spectateur d’assister au déploiement d’un nouveau monde devant ses yeux, il est immergé dans un environnement différent du réel. L’œuvre devient un nouvel univers fictif. On observe que ce type d’art évolue au fil de l’histoire grâce aux innovations technologiques. Les premières expériences immersives proposées par Jeffrey Shaw [3]sont riches d’environnements virtuels et immersifs. The Legible City , datant de la fin des années 1980, est une œuvre immersive et interactive. Sur un principe de simulation de déplacement, le spectateur est invité à parcourir une ville virtuelle en pédalant et orientant le guidon d’une bicyclette. Les rues de la ville sont bordées de lettres en volume formant des mots et des phrases. Les phrases renvoient aux villes évoquées, le centre de Manhattan et la vieille ville d’Amsterdam. L’utilisateur est plongé dans une image de synthèse où il peut décider de l’évolution de l’image, il décide du lieu de visite. Dans ce projet, Jeffrey Shaw convoque deux technologies, une mécanique avec le vélo et l’autre numérique avec la projection. Il place le public dans une sorte de simulation où nous, public, contrôlons l’œuvre.

Un autre exemple de technologies présentent dans l’art est Phospheïn , une installation visuelle, sonore et interactive mise en place par le collectif Ascidiacea [4], qui propose une séance de relaxation interactive répondant aux gestes des mains. Le spectateur en position allongée fait évolué le dispositif Phospheïn en temps réel. D’un simple geste de la main, le spectateur crée et module des mélopées musicales et manipule des amas d’étoiles. Les opportunités de créations sont nombreuses. Le public peut composer lui-même l’ambiance d’une sieste onirique au travers d’une exploration de galaxies d’étoiles visuelles et sonore, plongeant alors le spectateur dans un univers qu’il aura choisit. Afin de faciliter la création de ces installations, les artistes utilisent par exemple des capteurs Leap Motion qui recueillent les mouvements des mains, ou alors un ensemble de code génératif. Ces systèmes utilisent la réalité virtuelle à grande échelle pour plonger le visiteur dans un environnement virtuel, immersif et interactif. Le spectateur est un outils indispensable au fonctionnement de l’œuvre, œuvre qui peut devenir générative grâce à l’interactivité. Le visiteur évolue alors en acteur puis en créateur.

Miguel Chevalier [5] a réalisé une installation de réalité virtuelle générative et interactive en 2009. Fractal Flowers est constituée de 4 vidéos projecteurs 2 Pcs et 2 caméras infrarouges. Cette installation est composée d’une tapisserie réalisée en laine angora et en soie qui devient support d’un univers virtuel projeté évoluant à l’infini. Des fleurs géantes fractales sont générées sans fin grâce à un programme informatique. Les fleurs naissent aléatoirement, s’épanouissent et meurent tout autour du public qui déambule dans la salle. Elles dévoilent des formes géométriques poussées à l’extrême. Le spectateur est alors plongé dans un univers végétal intrigant. Un étrange dialogue se crée entre public et œuvre, les fleurs suivent le spectateur puis s’évaporent en quelques secondes laissant une impression de fascination pour cet univers fictif.

Enfin, un autre exemple d’œuvre immersive et interactive qui se sert des nouvelles technologies et des nouveaux médias est Hyperkinetic Kayak réalisée par Jette Gejl [6] en 2010. L’installation interactive se compose d’un kayak et d’une simulation 3D d’un paysage d’Arctique. Le spectateur doit s’asseoir dans le kayak et pagayer pour avancer dans la simulation. Le visiteur est donc immergé dans un univers glacial mêlant icebergs, mer et ciel. Il est englobé par cet environnement et ressent un mélange de solitude et d’apaisement malgré l’enjeu de l’œuvre. En effet, l’installation cherche à établir une connexion émotionnelle afin de sensibiliser le public aux conséquences de l’anthropocène. C’est à l’aide de lunettes 3D et d’un écran de 6x4m que le spectateur est immergé dans l’œuvre. Certaines des structures d’icebergs peuvent éclater. Le son de l’installation mêle le bruit de la fonte des glaces et une musique d’ambiance. Ce sont donc ces nouvelles technologies qui permettent aux artistes et au public de ressentir de nouveaux sentiments. La relation intime de l’œuvre interactive et immersive est accentuée. Le visiteur rentre dans une bulle, chaque visiteur rentre dans sa propre bulle et expérimente une version différente de l’œuvre. L’œuvre d’art est alors interactive, immersive et personnelle.

Toutefois, une œuvre immersive n’a pas besoin de présenter des caractéristiques d’interactivité pour être considérée comme participative. Le simple fait de déambuler dans une protection ou de rentrer dans une installation amène de l’interaction. Par exemple, les installations immersives de Yayoi Kusama [7], offre une participation différente. L’installation Gleaming Lights of the Souls présentée à la Biennale de Liverpool en 2008 est composée d’une salle entièrement recouverte de miroir avec au plafond des centaines de Led qui produisent une constellation infinie et changeante. Le visiteur en marchant seulement dans la salle créer de l’interaction pour les autres visiteurs. En effet, les murs étant recouverts de miroirs, le reflet d’un seul visiteur change la perception des autres spectateurs. L’interactivité de l’immersion est alors créer sans dispositif d’interaction que nous avons vu précédemment. Ici, c’est le corps du visiteur qui devient interactif et acteur premier des changements dans la perception de l’œuvre.


Conclusion

Nous avons pu que le public devenait un acteur à part entière de certaines œuvres. Les artistes mêlant immersion, participation ou technologies proposent une interactivité nouvelle. Une expérience personnelle ouvrant la porte à un imaginaire collectif. Les évolutions technologiques jouent un rôle novateur dans la relation avec le spectateur. Toutefois, d’autres mouvements artistiques, comme le Happening, convoque une participation du public et un aspect immersif dans le sens ou c’est le hasard et l’environnement qui crée l’œuvre. Le Land Art est aussi un type d’art qui immerge le spectateur dans un environnement et qui lui demande une interaction pour exister. J’ai choisi d’écrire sur ce sujet, sur la place du public et son interaction, car c’est une notion qui m’intéresse et que j’aborde dans mes productions. J’aime l’idée que le public peut devenir acteur et créateur d’une œuvre, que la frontière entre créateur et spectateur devienne floue.

Annexes

Emilie Roudaut
Annexes

Vidéos

Emilie Roudaut
Vidéos
ADA at « Гараж » Garage Center for Contemporary Culture in Moscow in 2013, 5:03
The Legible City by Jeffrey Shaw, 2:25
Miguel Chevalier, Fractal Flowers, 2009, 1:33
Jette Gejl Kristensen Hyperkinetic Kayak, 2:26
Phospheïn by Ascidiacea, 1:08
Emilie Roudaut
Entretien

Entretien

Entretien avec Arthur Perini, membre du collectif Ascidiacea

Emilie Roudaut Bonjour Arthur, tout d’abord merci d’avoir accepté d’échanger avec moi. Pour commencer vous pouvez peut-être vous présenter et présenter le collectif dont vous faites partie.

Arthur Perini Moi je m’appelle Arthur Perini, je suis fondateur avec différents autres membres, encore actuels, du collectif Ascidiacea, dont l’activité a débuté ya environ 8 ans maintenant. À la base c’était une activité de création audiovisuelle mais aussi, de création de dispositifs interactifs, c’est-à-dire d’interfaces qui prennent place dans différents types de situations. Au fur et à mesure du temps, le collectif initial, qui est un collectif lié à l’université en fait, qui s’est formé dans le cadre d’un parcours d’étude commun, a évolué en intégrant pas mal de membres différents avec des parcours étudiants ou post étudiant différents. Ils viennent de différents milieux de la réalisation en art numérique, de l’ingénierie, de la composition sonore aussi, et des études plus théoriques et esthétiques en cinéma et d’autres formations encore comme la mienne par exemple, une formation en anthropologie. On s’est réuni chacun autour de notions assez pratiques d’un côté et esthétique de l’autre, autour évidemment des thèmes de l’interactivité, de l’immersion, de la sculpture contemporaine aussi d’une certaines façon et de la nuit électronique et des ambiances festivalières. Tous ces thèmes sont un peu devenu nos terrains de jeux de prédilections. Donc on a formalisé notre activité ya 5/6 ans maintenant sous la forme d’une association, loi 1901, dont la forme perdure depuis toutes ces années. C’est ce qui nous permet d’avoir une entreprise qui peut gérer les flux financiers et la gestion de personnel intermittent. Et donc au fur et à mesure du temps, le collectif a réuni 12 personnes, avec une dominante masculine, ce n’est pas un collectif paritaire même si on le souhaiterez. C’est 12 personnes qui ont développé à la fois sous l’identité d’Ascidiacea, mais aussi en personnel, des compétences fines en composition musicale, scénographie audiovisuelle, composition audiovisuelle de manière générale, sur toutes les déclinaisons, donc ça va de la vidéo au laser d’une certaines manière en matière de médias lumières. On aborde aussi tout le spectre de la programmation interactive dédiée au live ou dédiée aux formes fixes d’installations pour des domaines qui vont soit vers une fusion des arts vivants soit une fusion avec des arts plastiques plutôt beaux-arts. Et derrière ya des activités pédagogiques qui sont mise en forme au sein des différents membres et de la production générale. Voilà un peu maintenant à l’heure actuelle, ce dont on est constitué en matière de personnel et de compétences techniques, ce qui forme la base du collectif. Un collectif du coup qui opère principalement en France, un peu en Belgique et en fonction de la situation de chacun. C’est une mini-entreprise qui n’a pas de salarié à temps plein, qui fonctionne sur une base volontaire et bénévole mais qui génère un chiffre d’affaires qui est partiellement redistribué à ses membres en fonction des missions qui prennent en matière de directions artistiques du projet, directions opérationnelles, organisation en menuiserie par exemple ou en création électronique… Voilà un peu ce qu’il est maintenant de notre identité. On est un collectif, c’est une notion administrative mais aussi une dimension humaine, c’est un groupe d’amis qui ont plaisir à se fréquenter dans un milieu qui mélange amitié et professionnalisme. Dans lequel chacun expérimente, prend des responsabilités et développe des compétences techniques de plus en plus fines sans qui est énormément de risque parce qu’on est dans une solidarité. Et nous accueillons au sein de notre association que les personnes qui moralement aussi nous ont convaincue qu’on peut compter sur elle.

ER Qu’est-ce que pour vous et votre collectif caractérise une œuvre immersive et interactive ?

AP C’est des grandes questions un peu théoriques et académiques mais que nous-mêmes on se pose. C’est des questions qui fondent un peu notre identité. En fait c’est des notions, l’interactivité et l’immersion que d’abord je dirais on s’est appropriée pour entrer dans un domaine, entrer dans un champ d’application pratique et pour se démarquer, pour se positionner aussi dans un certain domaine de la réalisation créative ou artistique. Nous je pense qu’on était plutôt dans une idée de créativité plutôt que de réalisation artistique à nos débuts. Et du coup je pense qu’on a absorbé un langage qui était celui qu’on entendait circuler, dans le milieu de la fête électronique, dans ce qu’on consulte sur internet. C’est des notions aussi un peu transversale qui avaiten des connotations en science humaine et sociale d’une certaine manière. Déjà c’était un vocabulaire, à la fois qu’on maitrisait et comprenait mais qu’on désirait aussi. C’est-à-dire s’auto-référencer dans les arts interactifs et immersifs. Et en gros moi je dirais à la fois ces deux termes sont très utiles mais enfaite quand tu finis par les utiliser très souvent pour caractériser l’ensemble de ton catalogue de création, ils se vident un peu de leur sens. D’une certaines façon, l’interactivité et l’immersion c’est des questions quasiment philosophique à l’échelle de tous les champs depuis l’avènement de l’électronique. Parce que y a cette question de l’automate et de la gestion d’un signal. Nous on s’exprime sous forme de symbole et on transfère ça sous la forme d’un signal. Les interfaces qu’on est obligée de concevoir en ingénierie pour transcoder ce signal là, c’est elles qui à un moment dans la réflexion comme dans la réalisation vont avoir des fonctionnements liés à l’interactivité et du transcodage entre signaux et par ailleurs dans leur déploiement spatial et temporel ils vont plus ou moins appuyer sur le facteur d’immersivité. Mais c’est des notions qu’on ne retrouve pas simplement dans ce que l’on appelle maintenant les arts numériques mais qui depuis enfaite 150 ans traverse les réflexions autour d’une certaine manière l’image au cinéma, le développement de la stéréo, le développement du 3D son…


ER Justement, vous travaillez beaucoup avez les nouveaux médias, le numérique, est-ce qu’ils sont essentiels pour vous dans vos installations et œuvres ? Est-ce que vous seriez capable d’arrêter d’utiliser ces médiums mais de concevoir quand même des œuvres immersives et interactives ?

AP C’est vraiment une très bonne question parce que vu qu’on a chacun des profils différents, des situations de vie et d’ancrages différents, y a une dynamique générale dans le collectif qui veut qu’on se regroupe autour de concrétisations communes. Une autre force un peu qui joue sur chacun de nous c’est que dans notre environnement direct on est des opportunistes, par exemple moi j’ai plutôt tendance à m’intéresser à la menuiserie et au travail du métal. Enfaite, on joue avec ces notions qui sont des concepts mais qu’on pourrait parfois appeler même des médiums. Le médium de l’interactivité, il a comme des compartiments, selon les différents types de secteurs. Par exemple, si tes DJ et tu fais du VidJing (mixer en temps réel des vidéos en soirée avec projections), tu peux tout à fait défendre un point de vue interactif c’est-à-dire que tu vas audio-synchroniser tes bandes vidéo à un signal son que le DJ te renvoie et tu peux d’une certaines manière d’écrire ce que tu fais comme une notion d’interactivité et d’immersion. Une notion de la synchronicité entre le son diffuse et tes paramètres dynamiques de l’image. Après un ingénieur en installation sonore parlera d’interactivité quand il utilise les ondes électromagnétiques ou les forces mécaniques avec les micros piézo-électriques. Qui vont régénérer et trier derrière des nouveaux sons. Ça c’est ce qu’il entendra en interactivité. Donc on a tous un compartiment dans lequel se range nos pratiques et on utilise tout ce même terme. Donc c’est à se demander si c’est vraiment une caractéristique de ce qu’on crée ou si ce n’est pas les médias finalement qui guident notre réflexion. C’est-à-dire une réflexion sur le champ du multimédia. Vu que pour moi la question de l’interactivité et de l’immersion ça sous-entend le passage entre signal et symbole, dans les champs de la lumière, de la pixélisation, de la diffusion audio. Après la question c’est la forme, est-ce que c’est lisible, ludique, jouissif au sens esthétique ou stimulant sensoriellement parlant. Et là aussi ya plein de connexions qui peuvent se faire qui ne sont pas dans le champ du signal. Et ça ouvre encore une porte sur ce qu’est l’immersion et l’interactivité. Et donc je reviens à ta question initiale, pour moi on peut tout à fait se passer des nouveaux médias au sens strict du terme pour créer des œuvres immersives c’est pour ça aussi qu’on (le collectif) à tendance à dire qu’on ne fait pas que de la création d’installation et de dispositif mais qu’on fait aussi de la scénographie, qui d’une certaine manière embrasse un peu plus la notion d’espace ouvert. Néanmoins, les nouveaux médias permettent de générer dans des situations de spectacles et d’adresse au public des stimulations d’un genre bien spécifiques autour de l’organicité et de la fluidité et texture des vidéos. Donc à mon sens non l’immersion et l’interactivité peuvent être tout à fait provoquées sans nouveaux médias. Nous on est dans du ludique et du contemplatif et avec une partie stimulationnelle qui est importante dans ce qu’on tente de produire.

ER Et donc vous n’attendez pas une réaction particulière aux dispositifs que vous mettez en place ? Il n’y a pas une seule réponse possible ?

AP Alors, souvent dans le processus créatif on a une partie liée à la scénarisation du fonctionnement. On est quand même dans un travail qui anticipe très fort une notion qu’est importante et qui est l’expérience in situ, concrète. Aussi mentale que sensitive et perceptive, on scénariste, c’est-à-dire qu’on pré-conçoit des modes d’usages de nos installations. Après dans une certaine mesure, elles doivent être robustes et ça c’est un de nos critères techniques, car elles peuvent être détournées d’une autre manière. Et ça c’est beau à voir aussi. Mais ce sont quand même des œuvres qui sont souvent programmatiques, c’est-à-dire quelles programmes des conduites et pas des points de vue, mais on distribue des rôles et on prévoit des positions, des façons de faire. Y a un petit côté de jeu algorithmique que l’on propose à combiner des éléments d’un ensemble qui vont être par exemple le geste physique ou plus précisément le geste de la main. Une nouvelle façon de faire qui agit comme la règle du jeu, et pour lequel les gens vont trouver des solutions qu’on aura prévues et nous parallèlement on va assister à des surprises que les gens auront découvertes. Mais c’est quand même des conceptions qui sont un peu programmatiques d’une certaines manière, on pré-conçoit des modes d’expérience, on pré-conçoit des façons de faire et après on essaie de travailler dans le champ des nouvelles esthétiques d’une certaines manière pour captiver et provoquer le passage entre le jeu et le wow.

ER Dans ce processus de créativité, c’est un des membres du collectif qui propose un projet où c’est des particuliers, entreprises qui vous approche pour créer un dispositif ? Comment se passe ce processus de création ?

AP Il y a different cas de figure dans tout ça, on a tendance, nous, à être opportuniste. En gros ya 3 cas de figure, y a une proposition d’un membre de l’équipe, il apporte un premier matériel de recherche et on avance sur des discussions des débats d’opinions et d’esthétiques autour du projet. C’est un peu le ciment de notre cohésion de groupe et de notre amitié, c’est-à-dire qu’on partage des imaginaires très proches dune certaines façons, en matière d’esthétique, de cultures numériques. Donc on fait de la recherche ensemble, nous a des exercices un peu scolaires, on fait des dessins puis on essaie de faire de la modélisation, puis on essaie de fixer des budgets, puis on essaie de développer des champs de diffusions. Ça c’est une manière de faire quand on est vraiment sur une base auto-produite. Maintenant on fait aussi des collaborations avec des festivals qui défendent une identité artistique avec lesquels on peut être amené à avoir carte blanche avec le cahier des charges. Afin d’interpréter et de créer l’identité publique et artistique du projet. Ça c’est le deuxième cas de figure qui est très courant. Et puis après ya le cas de figure qu’on essaie de mettre en place de plus en plus et qui est un peu un mix des deux, c’est qu’a force d’entretenir des relations et des partenariats avec des festivals on forge une identité commune qui nous permet d’être dans un système de propositions d’installations avec notre logique interne d’organisation. Mais néanmoins on est dans une situation professionnelle avec des organisations sur le long terme. Ça c’est un peu ce qu’on essaie de mètre en place sur le long terme. Pourquoi c’est si important pour nous de créer dans ce sens ? Je pense qu’en premiers lieux c’est une question de communauté dans le sens où nous on ne défend pas exactement une identité artistique publique. Donc pour moi je fais quelque chose qui me ressemble. Pour moi c’est une question de gout, en fait je sais pas le dire autrement, mais c’est une question d’accessibilité, une question aussi de gout pour l’expérience, je crois qu’il existe une culture expérientielle. Je trouve que l’interactivité et l’immersion, nous on l’utilise dans des dispositifs qui sont un peu psychédélique, psychotropique qui ne sont pas tant sur des questionnements existentiels. On est surtout sur des conceptions de plateformes de jeux, d’hétérotopie. Des lieux qui sont extraordinaires et farfelus. La puissance des médiums audiovisuels qui est vraiment à interroger car elle est d’une force sur les consciences qu’on à la fois envie d’exploiter ça et de la maitriser, mais aussi de s’éduquer sur ce que c’est, cet environnement global de stimulation.

Emilie Roudaut
Glossaire

Glossaire

3D
La 3D est l’abréviation du terme « trois-dimensions », utilisé pour désigner la perception de l’espace qui nous entoure.
Anthopocène
L’anthropocène est le terme donné à une nouvelle époque géologique qui se caractérise par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques. C’est à dire une ère où l’Homme prend le contrôle de l’environnement.
Capteur Leap Motion
Un capteur Leap Motion est un dispositif de capture de mouvement des mains crée pour la réalité virtuelle.
Code génératif
Un code génératif est une création artistique généralement numérique exploitant des algorithmes pour concevoir des uvres se générants d’elles-même ou grâce à l’interaction du public.
Laine angora
La laine angora provient des lapins angora qui possèdent des poils fins et doux.
Mélopée
Une mélopée peut être caractérisée comme un chant ou une mélodie monotone et mélancolique.
Nouveaux Médias
On appelle Nouveaux Médias, les médias qui ont besoin d’Internet pour exister. Il peuvent aussi être décrits comme des technologies de communication qui permettent ou améliorent l’interaction entre les utilisateurs.
Onirique
Le monde onirique fait écho à l’univers du rêve, ou ce qui évoque le rêve.
Réalité virtuelle
La réalité virtuelle est une technique permettant de simuler numériquement un environnement par la machine (ordinateur). Selon les technologies employées, elle permet à l’utilisateur de ressentir un univers virtuel par le biais de ses différent sens : la vue le plus souvent mais aussi le toucher, l’ouïe, l’odorat.
Emilie Roudaut
Références

Références

Bibliographie

Baboni-Schinlingui, G . Installations et intéractivité numérique, Les Cahiers numériques, n°4, 2000

Moser, M. Immersed in technonoly: Art and virtual environment, Cambridge, MA London: MIT Press, 1996

Nahon, D. Salles immersives et cubes de réalité virtuelle, une première mondiale sur PC: le SAS Cube, 2002

Rancière, J. Le spectateur émancipé, Paris, La Fabrique éditions, 2008

Sitographie

Le spect-acteur: de la participation à une création possible? {en ligne} https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01105404/document (consulté le 13/01/23)

L’art de l’immersion: de la perspective à la simulation {en ligne} https://www.cairn.info/revuecorps-2015–1-page-97.html (consulté le 13/01/23)

Rôle du spectateur dans l’art {en ligne} https://fr.wikipedia.org/wiki/Rôle_du_spectateur_dans_l’art (consulté le 13/01/23)

Les institutions culturelles et le numérique {enligne} https://www.archimuse.com/publishing/ichim03/055C.pdf (consulté le 13/01/23)

Relation au spectateur {en ligne} http://bombardier-alois.github.io/include/img/work/portfolio/ava/relationspectateurs.pdf (consulté le 13/01/23)

Démontage Détournement Dérision. La défaite numérique {en ligne} http://docnum.univ-lorraine.fr/public/DDOC_T_2012_0401_BOENISCH.pdf (consulté le 13/01/23)

Collectif Ascidiacea {en ligne} https://ascidiacea.org/ (consulté le 28/01/23)

Code créatif, faites du code pas la guerre {en ligne} http://code-creatif.org/design-generatif/ (consulté le 03/02/23)

Emilie Roudaut
Remerciements

Remerciements

Je tiens à remercier Alexandra Ain qui m’a suivie et aidé à l’écriture de ce document écrit.


  1. Jesus-Rafael Soto est un artiste plasticien vénézuélien. Il est essentiellement connu pour ses œuvres utilisant l’art cinétique et la participation du public. ↩︎

  2. Karina Smigla Bobinski est une artiste intermédia germano-polonaise qui travaille principalement dans l’art des nouveaux médias et l’art numérique. Son travail reli aussi le dessin, l’installation et la performance. ↩︎

  3. Jeffrey Shaw est un artiste multimédia australien. Il est considéré comme l’un des plus grands chercheurs au monde dans le domaine du cinéma numérique et interactif. ↩︎

  4. Le Collectif Ascidiacea est un collectif français constitué de 12 artistes, compositeur, hacker, scénographe ou bien encore designer. Ils produisent des œuvres numériques et performatives en utilisant les médiums des technologies audiovisuelles et de l’installation. Leurs projets sont également marqués par la combinaison de nouveaux médias immersifs et interactifs. ↩︎

  5. Miguel Chevalier est un artiste pluridisciplinaire français. Dans son travail il utilise l’art numérique, expérimental et virtuel. Il s’est imposé à l’international comme l’un des pionniers de l’art virtuel et du numérique. ↩︎

  6. Jette Gejl kristensen est un artiste danois dont les travaux portent sur la nature et la 3D. Il travaille grâce aux médiums de la vidéo, performance et installation. L’aspect interactif est essentiel pour Jette Gejl. ↩︎

  7. Yayoi Kusama est une artiste japonnaise. Le point caractérise un motif récurrent dans son travail. L’immersion est également fortement presente dans ses œuvres. ↩︎