Faire du design c’est utiliser des matériaux et des processus de telle manière que leur organisation
soit la plus productive et la plus économique possible et que tous les éléments nécessaires à une fonction don- née y soient intégrés de façon harmonieuse et équilibrée.
Le design n’est donc pas une simple question d’apparence.
Il renvoie en réalité à l’essence des produits et des institutions;
il exige une démarche à la fois pénétrante et globalisante.
Il représente une tâche complexe qui nécessite d’intégrer aussi bien des critères technologiques, sociaux et économiques que des données biologiques et les effets psychophysiques produits
par les matériaux, les formes, les couleurs, les volumes et les relations spatiales.
C’est appréhender le cadre et le coeur des choses,
les buts immédiats aussi bien que les buts ultimes, dans le sens biologique du terme en tout cas. C’est ancrer la spécificité d’une tâche dans une globalité complexe.
Le designer doit être formé non seulement à l’utilisation de divers techniques et matériaux mais aussi à une réflexion concernant leurs fonctions organiques. Il doit savoir que le design est indivisible, que
les caractéristiques internes et externes d’un plat, d’une chaise, d’une table, d’une machine, d’un tableau, d’une sculpture ne peuvent être disjointes.
Il faut faire en sorte désormais que la notion de design et la profession de designer ne soient plus associées à une spécialité, mais à un certain esprit d’ingéniosité et d’inventivité, globalement valable, permettant
de considérer des projets non plus isolément mais en relation avec les besoins de l’individu et de la communauté. Aucun sujet, quel qu’il soit, ne saurait être soustrait à la complexité
de la vie et traité de manière autonome.
Le design est présent dans l’économie de la vie affective, dans la vie de famille, dans les rapports sociaux, dans l’urbanisme, dans le travail que nous faisons ensemble
en tant qu’êtres civilisés.
Dans une société saine, cette exigence devrait avoir pour effet d’encourager toutes les professions à jouer pleinement leur rôle puisque ce sont les rapports qu’elles entretiennent entre elles
qui donnent à une civilisation ses qualités particulières. Cela implique donc que chacun s’acquitte de sa tâche avec la largeur de vue d’un vrai designer, c’est-à-dire en essayant toujours
de l’intégrer dans un cadre plus vaste. Cela implique par ailleurs la disparition de toute hiérarchie entre les arts (peinture, photographie, musique, poésie, sculpture, architecture).
Aucun domaine ne doit plus être privilégié, pas plus celui de l’esthétique industrielle qu’un autre. Chacun d’eux vaut par lui-même en ce que le design peut y accomplir la fusion de la fonction et du contenu.
— László Moholy-Nagy in “Peinture Photographie Film”, Éditions Jacqueline Chambon.