Le projet art-science Emborders met en scène la question des frontières biographiques et les récits de souffrance qui permettent aux demandeurs d’asile d’obtenir la protection humanitaire. Ce projet se compose de deux ethnofictions : Samira et Travel.
Nicola Mai met en scène, avec des acteurs professionnels et non-professionnels, des discours et des situations qu’il a recueillis au cours d’un long travail de terrain et d’analyse ethnographique. Il met ainsi en évidence les “différentes versions de soi”, comment chacun adapte les discours et les attitudes face aux différents interlocuteurs pour tenter de faire entendre sa situation.
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Biographie :
Nicola Mai est sociologue et réalisateur, professeur de Sociologie et Études migratoires à l’Université Métropolitaine de Londres. Ses publications universitaires et ses films ont pour objet les expériences et perspectives des migrants qui vendent leur corps et leur amour, insérés dans l’industrie globalisée du sexe pour vivre leurs vies. À travers des ethnofictions expérimentales et des résultats de recherches inédites, Nicola Mai met en cause les politiques qui lisent forcément la migration liée au travail sexuel en termes de trafics, tout en portant l’accent sur la complexité ambivalente des dynamiques d’exploitation et d’auto-affirmation qui sont en jeu. Dans sa Sex Work Trilogy, il explore différentes expériences de rencontres entre la migration et l’industrie du sexe. En 2014 et 2015, Nicola est au Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, MMSH/Aix-Marseille Université), pour y réaliser le projet Emborders, comparant l’impact des interventions humanitaires ciblant les migrants travailleurs sexuels et les minorités sexuelles en demande d’asile au Royaume-Uni (Londres) et en France (Marseille/Paris) grâce à des protocoles de recherche ciblés et la réalisation de films expérimentaux.
Emborders aborde le rapport entre la crédibilité et l’octroi des demandes d’asile et de protection humanitaire par rapport à l’homosexualité et à la traite des êtres humains. C’est seulement s’ils présentent leurs propres vies selon des répertoires standardisés de souffrance et victimisation que des groupes extrêmement vulnérables de migrants ont une petite chance d’éviter l’expulsion, la stigmatisation, la persécution et la mort dans leurs pays d’origines. Mais ces répertoires biographiques sont l’expression des notions de souffrance, de présentation de soi même, des priorités et besoins qui sont fortement enracinés dans les paramètres sociaux et culturaux occidentaux.
Samira
Karim est un immigrant algérien vendant son corps comme Samira, la nuit à Marseille. Il a quitté l’Algérie adolescent et s’est enfui en Italie quand ses seins commencèrent à se développer suite à la prise d’hormones. Dix ans plus tard, Karim obtient l’asile politique en France grâce à ses seins qui lui permettent de défendre son cas comme celui d’une femme transgenre risquant le meurtre si on la rapatrie en Algérie. Vingt ans plus tard, Karim subit une ablation chirurgicale pour recevoir de son père mourant le statut de chef de famille. Il se marie alors avec une femme pour obtenir un nouveau passeport lui permettant de retourner en Algérie pour assumer son nouveau rôle.
Samira a été produit par l’Institut Méditerranéen d’Etudes Avancées et le Département Sciences Arts et Techniques de l’Image et du Son de l’Université Aix-Marseille).
Travel
Joy, une femme nigériane se prostitue au Bois de Vincennes à Paris. Joy a quitté le Niger pour aider sa famille après la mort de son père. Elle savait avant de partir qu’elle aurait à se prostituer mais n’avait aucune idée des difficultés des conditions de vie et de travail qu’elle aurait à surmonter en France. Après avoir enduré plusieurs mois d’exploitation, Joy décide de réinventer son histoire de migration et de la transformer en histoire de trafic. Avec l’aide d’une association, elle obtient la protection humanitaire, mais pour continuer à aider sa famille et à vivre sa vie, elle continue de vendre son corps.
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Liens externes :
https://vimeo.com/album/2188492